CCIC
Centre Culturel International de Cerisy

Association des Amis de Pontigny-Cerisy

Juin - Juillet 2018

MOT DU CO-DIRECTEUR DU CCIC

Dominique PEYROU« J’ai le pitch en compote ! ». Je reprendrais volontiers à mon compte ce cri du cœur de l’une des participantes ce 20 juillet, appelée à faire brièvement ressortir l’essentiel de l’une des séquences de haute volée de la semaine écoulée. Il s’agissait du dernier jour des deux colloques simultanés: Les superhéros: une mythologie pour aujourd'hui et La psychanalyse: anatomie de sa modernité (à partir des travaux de Laurence Kahn). Pour la première fois, mon épouse Rosa et moi avions la responsabilité de l’accueil familial.

Alors épuisés, oui ! Car faire vivre et penser ensemble dans les meilleures conditions plus de 90 personnes sur une période de 7 jours dans un lieu comme Cerisy reste un défi éprouvant. Après l’avoir entendu dire tant de fois, il est bon de l’avoir vécu. Pour une première expérience, il faut reconnaître que les conditions étaient favorables. Accueillis dès le déjeuner du jour de l’arrivée par Pierre Bouet, administrateur attentionné venu nous prêter main forte, soutenus par la présence amicale de notre Président, Jean-Baptiste Foucauld, lors de la soirée d’accueil, nous étions sur de bons rails. Trois directrices et deux directeurs de colloques, habitués de Cerisy et heureux d’y revenir, en assurant harmonieusement la relation avec l’équipe du Centre dont chacun a pu encore une fois mesurer l’efficacité: du secrétariat à la cuisine, du ménage au soutien technique, de l’entretien du potager à l’organisation générale, et avec l’aide de notre stagiaire Camille que nous remercions notamment pour les interviews qu’elle a réalisés dans cette newsletter. Par un climat délicieux, nous avons pu remiser la sentence habituelle de Cerisy selon laquelle il fait beau plusieurs fois par jour tout en vivant l’ambiance festive d’une soirée de finale de la coupe du monde de football.

Tout cela autorise à voir venir avec confiance les inévitables petits grains de sable qui ne manquent pas de se glisser dans l’ouvrage, réclamant une vigilance de chaque instant. Cela permet surtout de mieux saisir ce que Cerisy apporte pour créer les conditions favorables à la pensée et aux échanges. Car le résultat est là: un niveau d’exigence élevé à la mesure du niveau de satisfaction final, une grande qualité des interventions suivies de débats riches et précieux auxquels nous nous sommes mêlés autant que possible. Parmi les réactions relevées çà et là, les colloques ont permis de "requestionner les mots pour les habiter d’une nouvelle fraîcheur", de faire "participer et intervenir de jeunes étudiants passionnés par leur sujet", d’envisager "quelles pourraient être les voix de progrès de la psychanalyse"... Être présent à Cerisy, c’est également l’opportunité d’assister à l’émergence de nouvelles questions, de nouveaux projets stimulants, de réfléchir et de travailler à leur préparation. C’est enfin l’occasion de penser aux actions d’amélioration au sens large pour adapter l’accueil des participants, préparer les prochains travaux de l’hiver en voyant Cerisy fonctionner comme une ruche.

L’écoute des uns et des autres permet de mesurer l’importance du cadre de ces rencontres que cela soit "dans ce lieu habité qu’est la bibliothèque" ou des expériences in situ comme la danse au pied de l’Orangerie, ainsi que le décrit Jackie Constant dans ce numéro, mais aussi dans sa capacité à donner envie de "réfléchir ensemble et de trouver des points communs" comme le souligne Dominique Meyer-Bolzinger. Saisir le rapport affectif aux lieux, colloque du mois de juin dont Sylvain Allemand nous rapporte l’expérience, c’est, pour Cerisy, mieux comprendre ce qu’il peut favoriser. Alors, curieusement, en descendant l’escalier du château et en parcourant son hall d’entrée, l’éclat des regards sur les portraits des trois générations successives semble être passé du défi amusé au soutien confiant et vigilant.

Car c’est finalement d’une saine fatigue dont il s’agit, celle dont on ressort fier et heureux d’avoir pu répondre à sa mesure, à la suite des générations précédentes, à l’appel d’un arrière-grand-père lancé il y a 118 ans à Pontigny « Si les entretiens ont été conçus avec un sens net de ce qui manque à la société contemporaine et de ce qu’elle cherche, s’ils sont soutenus par un dévouement suffisant, ils vivront ».

Dominique Peyrou
Co-Directeur du CCIC
Trésorier de l'AAPC



TÉMOIGNAGE DE SYLVAIN ALLEMAND

Sylvain ALLEMANDDu 15 au 22 juin se déroulait le colloque Saisir le rapport affectif aux lieux, codirigé par Georges-Henri Laffont et Denis Martouzet. Le secrétaire général de l’Association des Amis de Pontigny-Cerisy, Sylvain Allemand, y a assisté. Il témoigne ici en mettant l’accent sur la manière dont ce colloque a été l’occasion de révéler au travers de divers ateliers un rapport affectif au... Centre culturel international de Cerisy, dans ses diverses composantes, non sans conforter une tendance observée depuis quelques années.

Que l’on entretienne un rapport affectif — et pas seulement utilitaire ou fonctionnel — à des lieux, qui en douterait? Tout un chacun en a qu’il affectionne tout particulièrement parce qu’il les trouve tout simplement beaux, ou qu’ils lui évoquent des souvenirs d’enfance, de voyage ou de rencontres. Mais comment saisir ce rapport forcément subjectif? Selon quelle méthodologie? Quels en sont en outre les enjeux au regard des questions d’aménagement et d’urbanisme? De la manière d’envisager la ville? De poursuivre un dialogue entre sciences et arts? Telles étaient quelques-unes des questions que le colloque Saisir le rapport affectif aux lieux s’est proposé d’explorer en croisant les regards d’intervenants venant de différents horizons disciplinaires, professionnels et géographiques, identifiés pour la plupart sur la base d’un appel à contributions (auquel ont répondu pes moins de 120 personnes, signe de l’intérêt de la question).

Plutôt que de tenter une synthèse des communications et des échanges foisonnants auxquels il a donné lieu (les personnes intéressées pourront toujours en prendre connaissance au travers des actes à venir), nous soulignerons juste à quel point ce colloque nous aura fait prendre conscience, par une forme de réflexivité, du rapport particulièrement affectif (à la fois cérébral et sensoriel) que l’on peut entretenir avec un lieu comme... le Centre culturel international de Cerisy, son château et son grenier, où les colloquants sont accueillis le premier soir, la bibliothèque et l’ancienne laiterie où se déroulent les communications, mais aussi son parc, ses allées et ses arbres, son potager, sans oublier ses alentours immédiats, y compris le bourg de Cerisy-la-Salle. Et pour cause, le colloque a donné aux intervenants et auditeurs plusieurs opportunités d’investir le lieu dans ses diverses composantes pour témoigner du rapport affectif qu’ils pouvaient entretenir avec lui.

Dès le deuxième jour, deux ateliers parallèles étaient programmés à cette fin: le premier, animé par Anne-Christine Bronner et Florence Troin, consistait à réaliser une "cartographie affective" (autrement dit, à représenter une forme de carte mentale du lieu, au moyen de toutes sortes de matériaux mis à disposition). Le second, animé par Olivier Ocquidant, consistait, lui, en "parcours affectifs": par petits groupes, les participants étaient invités à cheminer dans le parc et ses alentours, en décrivant leurs moindres sensations: olfactives, auditives, visuelles... Pour les habitués du lieu, il y avait quelque chose de réjouissant à le (re)découvrir ainsi au prisme de l’expérience sensorielle qu’en faisaient ceux qui s’y rendaient pour la première fois. Le lendemain, Olivier Zattoni proposait aux participants de prendre, par petits groupes, cinq photos, au moyen de leurs smartphones, depuis divers points de vue choisis par ses soins. Le résultat (montages mis en parallèle ouphotos superposées) devait être analysé plus tard non sans susciter des échanges animés. Preuve s’il en était besoin que le lieu fait parler, a fortiori si on l’aborde dans sa dimension affective...

Entretemps, changement de contexte: les participants prirent le bus, direction: Granville, où ils sont répartis en deux groupes, pour des visites pilotées par Georges-Henry Laffont et Bénédicte Mallier avec le concours (la complicité devrait-on dire au vu de ce qui va suivre...) de l’Office de Tourisme de Granville Terre et Mer. On ignore alors que les deux guides mobilisées pour l’occasion sont de mèche avec les organisateurs pour se répartir deux rôles, celui de la guide à la fois professionnelle et aimable (un rôle, en vérité, tout sauf de composition !), celui de la guide pressée d’en finir... Objectif de l’exercice: évaluer la manière dont un rapport affectif au lieu (la haute ville de Granville, donc) peut être... affecté par l’expérience qu’on en a, en présence de personnes de plus ou moins bonne compagnie. De fait, l’évaluation qui en a été faite, avec toutes les précautions d’usage, à partir des questionnaires que les participants ont été invités à remplir, fut significative: la haute ville de Granville est apparue sous un jour plus favorable aux yeux du premier groupe que du second
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La veille de la fin du colloque, des "situations sonores" furent proposées par Julie Faubert, artiste visuelle et sonore venue spécialement du Québec: un florilège de sons (bruits, voies, échanges, etc.) qu’elle avait discrètement captés in situ, au cours de la  semaine, et que les participants furent invités à découvrir un casque aux oreilles et comme en décalé par rapport à ce qu’ils pouvaient voir... L’objectif de cette performance: "Mettre en place une écoute dans laquelle l'actualité du lieu est revisitée, les jeux d'aller-retour entre le réel et la fiction, entre le flux et l'enregistrement, venant complexifier sa saisie et vivifier l'état d'écoute" (selon les termes de l’artiste).

Notre témoignage ne serait pas complet si nous omettions un autre moment fort de ce colloque, l’atelier animé par les enseignants du Collège Anne Heurgon-Desjardins de Cerisy [Jean-Marie Gallien, Virginie Lemoine et Emmanuelle Pelletier], durant lequel plusieurs de leurs élèves présentèrent leur propre rapport affectif à un lieu en particulier, au travers d’une photo ou d’un dessin, agrémenté d’un haïku. Où on a pu voir, si tant est qu’on en doutait, que le rapport affectif sait se manifester à tout âge, avec force sensibilité et créativité. Merci, donc, à ces jeunes collégiens que nous n’avons pu nous empêcher d’imaginer intervenant de nouveau, d’ici quelques années, cette fois pour une communication cerisyenne en bonne et due forme.

Bien d’autres colloques de Cerisy ont appréhendé le Centre autrement que comme un simple lieu de communications, circonscrit pour l’essentiel à sa Bibliothèque ou à sa "Laiterie", voire au grenier ou à l’Orangerie pour les besoins d’ateliers. Ce colloque n’en a pas moins conforté le sentiment d’une tendance relevée en diverses circonstances par Edith Heurgon, et consistant à faire de Cerisy le cadre de bien plus que des conférences-débats: d’expériences sinon de performances artistico-scientifiques. Une tendance à laquelle n’est probablement pas étrangère la présence croissante d’artistes-chercheurs ainsi que de chercheurs tout court, intéressés au dialogue entre leur discipline et les arts. Et qui ne peut que nous réjouir, puisqu’elle concourt à poser un autre regard sur le château et ses multiples prolongements: de lieu chargé d’une histoire qui peut paraître intimidante, il devient par ses multiples ressources et potentialités comme un "allié", pour inventer d’autres modalités d’échanges et de rencontres entre différentes formes de savoirs et de savoir-faire, de connaissances et d’expertises.

Tendance, enfin, que les participants au colloque sur les Brassages planétaires, qui débute cette semaine, pourront éprouver à leur tour à travers notamment les ateliers "Jardins divers" dont celui du paysagiste concepteur Yann Lafolie, qui fera "voir, goûter, sentir et toucher les brassages planétaires à l'œuvre dans les jardins vivriers du monde" à travers notamment les tomates qu’il aura cultivées, là encore, in situ, dans le potager du château de Cerisy.


Sylvain Allemand
Secrétaire général de l’Association des Amis de Pontigny-Cerisy


ÉCHOS SUR QUELQUES COLLOQUES, PAR CAMILLE LARMINAY, STAGIAIRE AU CCIC

Jackie CONSTANTRencontre avec Jackie Constant

Jackie Constant, habituée de Cerisy, s’est rendue cette année au colloque Pratiquer le réel en danse: document, témoignage, lieux. Elle nous fait part de ses impressions.

Comment avez-vous découvert Cerisy?
Au cours de ma carrière, j’ai souvent été amenée à faire des recherches dans mon travail pour le site internet Fabula. En faisant ces recherches, j’ai découvert l’existence de Cerisy et je me suis rendu compte que ce n’était pas très loin de chez moi. Lorsque j’ai été déchargée de mes obligations professionnelles, je m’y suis rendue: j’étais libre de consacrer du temps au colloque et à sa préparation. Je suis venue pour la première fois en 2011, et je reviens tous les ans depuis. Cette année, j’ai choisi le colloque Pratiquer le réel en danse, car j’étais danseuse amatrice. J’ai eu l’occasion de travailler avec des chorégraphes à Caen, sur des projets étalés sur un an ou plus ponctuels.

Avez-vous trouvé que le thème de la danse s’intégrait bien à Cerisy, à ses bâtiments, à son mode de fonctionnement?
Tous les sujets s’intègrent à Cerisy ! Mais pour ce colloque, il est vrai que l’on a fait ce qu’on appelle des expériences in situ. On a tout d’abord investi le lieu qui est au pied de l’Orangerie. On a aussi travaillé entre le château et l’étable: c’était un peu plus banal, il n’y avait pas la présence des arbres et de la mousse par terre comme c’était le cas devant l’Orangerie. L’idée était d’être dehors, tout simplement, au milieu des bâtiments: la laiterie, l’étable, les arcades... On ne les a pas utilisés en tant que tels, mais on a fait des petits ateliers qui les prenaient en compte. On a aussi fait tout un travail autour de l'étang: c’était un moment fort du colloque. Et puis nous sommes aussi allés à l’abbaye de Hambye. Je ne connaissais pas du tout ! Nous avons fait une visite classique, avec les explications du guide. Nous avons aussi pu faire une communication dans le monastère, entourés par les colonnes, les vitraux... C’était exceptionnel, j’ai été émerveillée.

Qu’est ce qui vous a le plus marquée durant la semaine parmis les interventions?
Je n’ai pas assez de recul pour établir une hiérarchie ! Le colloque s’est déroulé dans une dynamique à l’intersection de la théorie  et des "temps de pratique théorisée", dans une fluidité de parole et d’espace-temps qui a permis à chacun de préciser ses interrogations. Je ne dirais pas qu’une intervention a dominé les autres, mais plutôt que les interactions entre les discours, les pratiques et les paroles des uns et des autres ont concrétisé, ont fait advenir au "réel", ce qu’on attend d’un colloque à Cerisy ! Les conférences nous ont permis de rentrer à la fois dans les problématiques des créateurs et dans celle des universitaires. Les échanges ont été facilités par le fait que les responsables ont laissé beaucoup de temps aux débats, aux échanges. On a d’ailleurs été plusieurs à dire que la circulation de la parole était fluide, et ce tout le long du colloque. Et, pour moi, c’était un bonheur d’être entourée de spécialistes. Au début, c’était difficile d’être dans un univers où les concepts mobilisés étaient un peu abscons. Mais dès le deuxième jour, ce sentiment s’est effacé ! En fait, je viens ici chercher cette difficulté, c’est-à-dire la possibilité de venir écouter des universitaires sur un domaine pointu, en apprendre plus sur leurs travaux et surtout sur leurs problèmes actuels. Il faut que j’accepte cette difficulté, par exemple le fait que je ne connaisse pas exactement les spectacles ou les productions mentionnées. Découvrir cet univers est très stimulant et enrichissant.

Quelles évolutions remarquez-vous depuis que vous venez à Cerisy?
C’est mon choix des colloques qui a évolué. Mes premiers colloques étaient une occasion de me renseigner sur des choses qui étaient restées pour moi en suspens. Par exemple, lorsque je suis venue pour le colloque Marx, Lacan: l’acte révolutionnaire et l’acte analytique, c’était vraiment pour faire le point sur des notions que j’avais rencontrées et que je voulais clarifier. Depuis quelques années, c’est différent: les colloques que je choisis entretiennent un rapport plus étroit avec mon activité, en particulier mon activité d’écriture. En ce qui concerne l’évolution générale, il y a peut-être plus d’échanges entre les deux colloques qui se partagent le lieu sur une même période. Cette semaine, il y avait un réel parti pris d’écoute, de circulation de la parole. Il y a eu une vraie bonne ambiance entre les colloques. Et enfin, il y a ce que j’apprécie toujours et qui ne change pas: les rites, la qualité des conférences, le château et ses arbres centenaires, la nourriture familiale et l’accueil attentif. C’est un véritable aparté dans nos vies bruyantes.




Dominique MEYER-BOLZINGERRencontre avec Dominique MEYER-BOLZINGER

Vice-présidente de l’Université de Mulhouse, Dominique Meyer-Bolzinger intervient cette année dans le colloque Les superhéros: une mythologie pour aujourd’hui. Co-directrice d’un colloque à Cerisy l’année prochaine, elle nous explique sa pratique du lieu et ses espoirs pour le Centre Culturel.

Depuis 2007, c’est la huitième fois que vous venez à Cerisy. Pourquoi?
En effet, je suis venue à Cerisy la première fois en 2007, pour le colloque La fiction policière aujourd'hui. Pourquoi suis-je revenue? Tout simplement parce qu’il y a à Cerisy une manière de travailler exceptionnelle, et des conditions matérielles particulièrement propices. Pour pouvoir penser ensemble, il faut pouvoir partager du temps, pouvoir être dans la durée et avoir l’opportunité de continuer les discussions, notamment pendant les repas. J’ai été séduite par le format en sept jours ! Mes deux premiers colloques étaient encore des décades. Maintenant ce sont des semaines, mais j’ai l’impression qu’il est tout de même de plus en plus difficile de trouver des gens qui acceptent de venir sept jours, et c’est bien dommage. Et puis je pourrais ajouter un autre argument qui explique mes retours à Cerisy. Mon mari et moi y sommes toujours venus ensemble: la première année, c’était moi qui faisais une communication, la deuxième année, c’était lui, et, à partir de la troisième fois, nous avons fait chacun une communication. Nous sommes dans des disciplines différentes, dans des universités différentes... On a souvent envie de réfléchir ensemble et de trouver des points communs: Cerisy, c’est quelque chose que l’on fait ensemble.

Pourquoi participez-vous au colloque sur les superhéros?
Je ne connaissais rien aux superhéros il y a un an. Je me suis donc plongée dedans pour faire ma communication, et j’ai continué à beaucoup apprendre en écoutant les communications. Cette question est pour moi une vraie découverte, aussi bien pendant l’année lorsque j’ai travaillé de mon côté, que maintenant pendant le colloque. Je pensais que c’était un sujet réservé aux enfants et, en fait, il soulève beaucoup de problèmes intéressants. Je suis vraiment contente, et je dois dire favorablement surprise: les communications sont très stimulantes et bien construites.

Quelle est la relation entre votre travail à l’université et vos venues à Cerisy?
Le roman policier sur lequel je travaillais ne correspondait pas aux canons de la grande littérature. Cerisy était donc pour moi l’occasion de rencontrer d’autres spécialistes qui travaillent sur le même genre de textes. Enfin, depuis que je n’enseigne plus à l’université et que mon travail administratif est assez lourd, me remettre à ces activités de recherche et de réflexion constitue une vraie bouffée d’air frais, et me procure un sentiment de grande liberté. Cerisy est un endroit exceptionnel, dont nous autres intellectuels avons vraiment besoin. C’est un lieu où l’on peut penser et où l’on peut rencontrer des gens qui ont le même type d’activités que nous. Au sein de l’université, on rencontre aussi d’autres personnes, mais la réflexion ne se fait pas de la même manière. Notre travail s’effectue dans de mauvaises conditions et il est parasité par les questions d’argent, de pouvoir, de hiérarchie, alors que les bonnes conditions à Cerisy nous permettent de réaliser pleinement notre activité de chercheur. J’ajouterai un exemple très précis. Lorsque je suis venue pour le colloque sur le Western en 2010, je ne faisais pas de communication. J’ai pu passer de nombreux moments dans ma chambre, et c’est là que j’ai commencé à écrire mon livre sur Sherlock Holmes. J’étais déchargée de toute occupation matérielle — les courses, les repas... J’avais une chambre dans laquelle je pouvais m’enfermer et faire ma bulle, "une chambre à soi", comme le dit Virginia Woolf. Les sollicitations étaient limitées, et je pouvais toujours retourner écouter quelques communications pour stimuler mon esprit: j’étais ensuite prête à écrire de nouveau. Les conditions étaient vraiment idéales.

Vous organisez un colloque l’année prochaine. Comment vous abordez ce nouvel enjeu? Quels sont vos projets?
Je co-dirige en effet l’année prochaine un colloque avec Christian Chelebourg intitulé "Raconter l’enquête: une forme pour les récits du XXIe siècle?". Ce n’est pas une nouvelle rencontre sur le roman policier; l’enjeu est que les intervenants ne fassent pas de communication sur une thématique policière. Il s’agit plutôt d’une réflexion sur la manière dont l’enquête est sortie du roman policier. Aujourd’hui, dès lors qu’il s’agit de raconter une histoire, l’enquête semble être la forme privilégiée. Les séries télé qui prennent la forme d’une enquête sont innombrables; la littérature est remplie de textes qui n’ont  rien à voir avec les romans policiers et qui prennent cependant la forme d’une enquête. C’est aussi le cas dans les sciences humaines et sociales, et ces préoccupations d’écriture reviennent dans l’épistémologie. L’histoire aussi est concernée ainsi que l'archéologie. Doit-on raconter l’enquête? Ou seulement donner le résultat? C’est la raison pour laquellle on va inviter des personnes concernées par tous ces aspects de la question. Mais l’enjeu du colloque est aussi de penser ce qu’il y aura autour des conférences. J’aimerais inviter des écrivains, et organiser des activités littéraires un peu ludiques.

Quels changements avez-vous perçus à Cerisy, et comment voyez-vous l’évolution future du lieu?
À Cerisy, il y a un sentiment d’éternité et, en même temps, une illusion d’éternité. Quand on arrive au château et que l’on voit les pierres qui se dressent, les intérieurs, les photos ... on pense que cela dure depuis longtemps et que cela durera toujours. Et en même temps, on perçoit des évolutions. Je donnerai seulement deux exemples. Tout d’abord, le rapport au monde change. Les premières fois où je suis venue à Cerisy, les portables ne captaient pas, et il n’y avait pas de Wifi: on était complètement coupés du monde. Maintenant il y a du wifi à la laiterie; on peut continuer à regarder nos mails, on est un peu moins coupés du monde. Il y a là quelque chose qui évolue. Je ne porte pas de jugement, je ne sais pas si c’est bien ou mal, mais il y a bien là quelque chose qui évolue. Et puis j’ai dit illusion d’éternité car évidemment... on vieillit tous. Au colloque auquel je participe cette année, je fais partie des plus âgés, ce qui n’était pas le cas il y a onze ans. C’est la même chose pour la famille qui nous accueille: on observe le passage de relai, et la réflexion sur la pérennité de Cerisy s’impose. Je suis très optimiste pour la suite des événements. Je pense qu’il faut faire confiance aux gens. La construction de Cerisy a été rendue possible par des femmes et des hommes qui croyaient au projet et étaient prêts à s’investir intellectuellement et physiquement. Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait plus personne pour continuer. Il faut juste que Cerisy ne transige pas sur ce qui fait son identité et son âme, tout en évoluant avec son temps.

Camille Larminay
Stagiaire au CCIC (juin-juillet 2018)


HORS LES MURS

Colloque Que nous disent les best-sellers ? (23-30 juillet 2018)
Direction: Olivier BESSARD-BANQUY, Sylvie DUCAS, Alexandre GEFEN

Lundi 23 juillet (après-midi)
En avant-première: Séance publique à la Médiathèque de Saint-Lô

Accueil de Pascale NAVET, directrice de la Médiathèque
Rencontre-débat avec Michel BUSSI, auteur de best-sellers aux Presses de la cité




COLLOQUES 2018

S'agissant des inscriptions aux colloques 2018, elles sont ouvertes depuis le 15 mars.
Vous pouvez retrouver, au fur et à mesure de la mise à notre disposition des informations de la part des directeurs, pour chaque colloque, une présentation détaillée (argument, calendrier provisoire, bibliographie, résumé et présentation des intervenants) et télécharger les flyers de présentation.
En savoir plus

Vous pouvez aussi télécharger le programme 2018 (au format PDF) en cliquant sur l'image ci-contre.

Rappel: L'Association des Amis de Pontigny-Cerisy est un organisme agréé pour la Formation continue, enregistré sous le numéro: 25 50 00326 60.
Cerisy - Programme 2018


PUBLICATIONS

L'écriture du psychanalyste L'écriture du psychanalyste
Direction: Jean-François Chiantaretto, Catherine Matha, Françoise Neau
Éditeur:
Hermann Éditeur — 2018
Collection: Colloque de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9720-4

Les psychanalystes écrivent, du moins certains d’entre eux. Mais en quoi l’écriture les concerne-t-ils et les implique-t-ils spécifiquement? La question vaut d’autant plus aujourd’hui que le recours à l’écriture chez les analystes connaît une diversification sans précédent de ses formes. Peut-être qu’en parallèle avec un certain abandon du modèle de l’application de la psychanalyse à la littérature, les psychanalystes seraient non seulement de plus en plus nombreux à écrire, mais à chercher leur écriture en expérimentant de nouvelles modalités de croisements entre écriture autoréférentielle et écriture fictionnelle. L’enjeu est d’échapper à l’alternative, encore dominante: soit l’entrecroisement du témoignage clinique et de l’essai, soit l’adoption des formes littéraires consacrées, comme le roman ou la nouvelle. Sont ainsi conviés à penser, ensemble et séparément, des psychanalystes de divers styles et de différents courants, mais aussi des écrivains et des spécialistes du texte littéraire.
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Gestualités / Textualités en danse contemporaine Gestualités / Textualités en danse contemporaine
Direction: Stefano Genetti, Chantal Lapeyre, Frédéric Pouillaude
Éditeur:
Hermann Éditeur — 2018
Collection: Colloque de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9722-8

Cet ouvrage se situe à la croisée des recherches en danse contemporaine et des études littéraires, théâtrales et de la performance. Gestualités et textualités, leurs relations, leurs tensions, délimitent un angle pour aborder la danse contemporaine. On voit se multiplier de nos jours, et sous toutes leurs formes, les croisements du verbal et du kinétique, ainsi que les collaborations entre écrivains et chorégraphes. Pourquoi ces rencontres du texte et du geste ont-elles lieu? Quels rapports entretiennent aujourd’hui corps et voix, gestes et mots, danse et parole, chorégraphie et écriture? Délibérément interdisciplinaire, ce volume rassemble les contributions de chercheurs en danse, en littérature, en études théâtrales et en philosophie de l’art, ainsi que des entretiens avec des chorégraphes majeurs de la scène contemporaine (Olivia Grandville, Maguy Marin, Mathilde Monnier, Andrea Sitter).
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Des humanités numériques littéraires? Des humanités numériques littéraires?
Direction: Didier Alexandre, Marc Douguet
Publication en ligne:
Observatoire de la vie littéraire — 2018

Ce colloque, organisé à Cerisy par Didier Alexandre et Marc Douguet, du 15 au 22 juin 2017 [programme en ligne], dans le cadre du Labex OBVIL, a abordé les questions soulevées par la révolution numérique sur de nombreux objets: le texte nuémrisé, l'édition numérique et l'archivage des données, les logiciels d'analylse et leurs effets critiques, les réseaux de sociabilités littéraires
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Qu’est-ce qu’un régime de travail réellement humain ? Qu’est-ce qu’un régime de travail réellement humain ?
Direction: Pierre Musso, Alain Supiot
Éditeur:
Hermann Éditeur — 2018
Collection: Colloque de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9766-2

Qu’est-ce qu’un "régime réellement humain du travail"? Quelles sont les significations philosophiques, religieuses et les représentations artistiques du travail? Cet ouvrage traite des concepts et des conceptions du travail humain, des images, des rythmes et des régimes contemporains du travail.
L’Organisation internationale du travail fut créée il y a un siècle, sur le constat "que la non-adoption par une nation quelconque d’un “régime de travail réellement humain” fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays". Il s’agissait alors d’instituer une police sociale de la concurrence internationale, propre à empêcher que celle-ci ne détériore les conditions de travail des hommes. Avec la "globalisation", le régime du travail dépend des échanges internationaux, provoquant une extension du travail salarié, mais aussi la déstabilisation de ses formes traditionnelles, la montée en puissance du chômage et d’un travail dit "informel". La révolution numérique et les nouvelles formes de "rationalisation" du travail donnent jour à des types inédits d’aliénation et de risques pour la santé, mais peuvent ouvrir des opportunités nouvelles pour une plus grande liberté dans le travail.
Ce colloque de Cerisy a examiné les grandes évolutions depuis un siècle, au regard des formes nouvelles de déshumanisation du travail.

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Espaces et littératures des Amériques Espaces et littératures des Amériques
Mutation, complémentarité, partage
Direction: Zilá Bernd, Patrick Imbert, Rita Olivieri-Godet
Éditeur:
Presses de l'Université Laval (co-édition Hermann) — 2018
Collection: Américana
ISBN: 978-2-7637-3756-0

Cet ouvrage compare les multiples expressions de l’espace continental des Amériques et de l’espace insulaire des Caraïbes qui lui fait face en analysant les modalités de renouvellement des mythes, des narrativités et des perspectives menant à la reconfiguration de cet espace. Les analyses sont structurées autour de quatre axes nourris par des réflexions portant sur les conflits et les croisements culturels, économiques, sociaux et politiques: 1) déplacements et traversées de frontières, 2) dynamiques urbaines et représentations, 3) confins, territoires et non-lieux et 4) espaces mémoriaux.
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L'Algérie, traversées L'Algérie, traversées
Direction: Ghyslain Lévy, Catherine Mazauric, Anne Roche
Éditeur: 
Hermann Éditeur — 2018
ISBN: 978-2-7056-9767-9

Le projet de L’Algérie, traversées s’est formulé autour d’une question partagée: l’heure n’est-elle pas venue en Algérie d’un véritable renouveau apporté par les œuvres de culture? La vitalité, la diversité, l’impertinence de ces dernières en témoignent. Elles débouchent sur une nouvelle page en train de s’écrire, non seulement en Algérie mais aussi au coeur de la relation complexe entre l’Algérie et la France.
Les différentes générations d’écrivains, d’artistes, de psychanalystes, de chercheurs en littératures, en anthropologie ou en histoire réunies à Cerisy, le lieu même où se dit depuis si longtemps la foisonnante diversité des cultures, ont concouru à une rupture avec les versions convenues de l’Histoire, avec les mémoires encore enfermées dans des clivages post-traumatiques et des fixations nostalgiques. Cet ouvrage rend compte de leurs travaux, avec l’enthousiasme et la passion des échanges entre celles et ceux qui savent combien le passé s’écrit toujours au futur, car il est riche de possibles à faire advenir
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Traverser c’est multiplier les voies du sens et de l’interprétation, chercher des chemins de biais, traverser c’est traduire pour accéder à d’autres formes d’altérité. L’esprit des traversées anime ce livre, depuis le pouvoir créateur de la métaphore, afin de dire autrement l’Algérie et sa réalité présente et à venir.

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Saint Louis en Normandie Saint Louis en Normandie
Hommage à Jacques Le Goff
Direction: Jean-Baptiste Auzel, Jean-François Moufflet, avec la collaboration d'Elisabeth Lalou et de Christophe Maneuvrier
Éditeur:
Archives départementales, Maison de l'histoire de la Manche — 2017
ISBN: 978-2-86050-036-4
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Retrouvez sur la Forge Numérique de la MRSH de l'Université de Caen Normandie, la présentation de cette publication par Jean-Baptiste Auzel (Directeur des Archives de la Manche - Maison de l'histoire de la Manche) [vidéo  enregistrée le 4 juillet 2018 et réalisée par DSI Université Caen], en cliquant sur le lien ci-dessous:

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CONFÉRENCES EN LIGNE

Les enregistrements audio ou vidéo de certaines conférences, choisies pendant les colloques, sont mis en ligne sur la Forge Numérique de la MRSH de l'Université de Caen Normandie ainsi que sur le site France Culture.
Forge Numérique
France Culture
Charlotte BOUTEILLE-MEISTER, Fabien CAVAILLÉ, Estelle DOUDET, Denis HÜE & Tiphaine KARSENTI: Introduction et présentation des différents volets du colloque
[Colloque "La Réforme en spectacles. Protestantisme et théâtre en Normandie et en Europe au XVIe siècle"]
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Luc DAIREAUX: La Réforme en Normandie au XVIe siècle: genèse, dynamiques et spectre social
[Colloque "La Réforme en spectacles. Protestantisme et théâtre en Normandie et en Europe au XVIe siècle"]
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Florent PERRIER: L'héroïsme du petit ou penser l’utopie après Auschwitz avec Miguel Abensour
[Colloque "Théorie critique des crises contemporaines"]
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Emmanuel GUY: Un art au service d'un élite?
[Colloque "L'Art paléolithique au risque du sens"]
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Emmanuel TERRAY: Althusser libérateur des sciences sociales
[Colloque "Louis Althusser : politique, philosophie"]
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Marc DOUGUET: Finir in medias res: peut-on appliquer les outils de la théorie dramatique au chapitrage romanesque?
[Colloque "Construire le récit : histoire et poétique des chapitres"]
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Leslie CASSAGNE: Faire corps avec le document: les chorégraphes contemporains face aux crises et aux conflits
[Colloque "Pratiquer le réel en danse : document, témoignage, lieux"]
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Colette CAMELIN: Segalen médecin, archéologue et poète "en temps de détresse"
[Colloque "Segalen 1919-2019 : "Attentif à ce qui n'a pas été dit""]
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