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Centre
Culturel International de Cerisy
Association
des Amis de Pontigny-Cerisy |
MOT
DU CO-DIRECTEUR DU CCIC
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«
J’ai le pitch en compote !
». Je reprendrais volontiers à mon compte ce cri du cœur de l’une des
participantes ce 20 juillet, appelée à faire brièvement ressortir
l’essentiel de l’une des séquences de haute volée de la semaine
écoulée. Il s’agissait du dernier jour des deux colloques simultanés: Les
superhéros: une mythologie pour aujourd'hui et La psychanalyse: anatomie de sa modernité (à partir
des travaux de Laurence Kahn). Pour la première
fois, mon épouse Rosa et moi avions la responsabilité de l’accueil
familial.
Alors
épuisés, oui ! Car faire vivre et penser ensemble dans les meilleures
conditions plus de 90 personnes sur une période de 7 jours dans un lieu
comme Cerisy reste un défi éprouvant. Après l’avoir entendu dire tant
de fois, il est bon de l’avoir vécu. Pour une première expérience, il
faut reconnaître que les conditions étaient favorables. Accueillis dès
le déjeuner du jour de l’arrivée par Pierre Bouet, administrateur
attentionné venu nous prêter main forte, soutenus par la présence
amicale de notre Président, Jean-Baptiste Foucauld, lors de la soirée
d’accueil, nous étions sur de bons rails. Trois directrices et deux
directeurs de colloques, habitués de Cerisy et heureux d’y revenir, en
assurant harmonieusement la relation avec l’équipe du Centre dont
chacun a pu encore une fois mesurer l’efficacité: du secrétariat à la
cuisine, du ménage au soutien technique, de l’entretien du potager à
l’organisation générale, et avec l’aide de notre stagiaire Camille que
nous remercions notamment pour les interviews qu’elle a réalisés dans
cette newsletter. Par un climat délicieux, nous avons pu remiser la
sentence habituelle de Cerisy selon laquelle il fait beau plusieurs
fois par jour tout en vivant l’ambiance festive d’une soirée de finale
de la coupe du monde de football.
Tout
cela autorise à voir venir avec confiance les inévitables petits grains
de sable qui ne manquent pas de se glisser dans l’ouvrage, réclamant
une vigilance de chaque instant. Cela permet surtout de mieux saisir ce
que Cerisy apporte pour créer les conditions favorables à la pensée et
aux échanges. Car le résultat est là: un niveau d’exigence élevé à la
mesure du niveau de satisfaction final, une grande qualité des
interventions suivies de débats riches et précieux auxquels nous nous
sommes mêlés autant que possible. Parmi les réactions relevées çà et
là,
les colloques ont permis de "requestionner les mots pour les habiter
d’une nouvelle fraîcheur", de faire "participer et intervenir de jeunes
étudiants passionnés par leur sujet", d’envisager "quelles pourraient
être les voix de progrès de la psychanalyse"... Être présent à Cerisy,
c’est également l’opportunité d’assister à l’émergence de nouvelles
questions, de nouveaux projets stimulants, de réfléchir et de
travailler à leur préparation. C’est enfin l’occasion de penser aux
actions d’amélioration au sens large pour adapter l’accueil des
participants, préparer les prochains travaux de l’hiver en voyant
Cerisy fonctionner comme une ruche.
L’écoute
des uns et des autres permet de mesurer l’importance du cadre de ces
rencontres que cela soit "dans ce lieu habité qu’est la bibliothèque"
ou des expériences in situ
comme la danse au pied de l’Orangerie, ainsi
que le décrit Jackie Constant dans ce numéro, mais aussi dans sa
capacité à donner envie de "réfléchir ensemble et de trouver des points
communs" comme le souligne Dominique Meyer-Bolzinger. Saisir
le rapport affectif aux lieux, colloque du mois de juin dont
Sylvain Allemand nous rapporte l’expérience, c’est, pour Cerisy, mieux
comprendre ce qu’il peut favoriser. Alors, curieusement, en descendant
l’escalier du château et en parcourant son hall d’entrée, l’éclat des
regards sur les portraits des trois générations successives semble être
passé du défi amusé au soutien confiant et vigilant.
Car
c’est finalement d’une saine fatigue dont il s’agit, celle dont on
ressort fier et heureux d’avoir pu répondre à sa mesure, à la suite des
générations précédentes, à l’appel d’un arrière-grand-père lancé il y a
118 ans à Pontigny « Si les
entretiens ont été conçus avec un sens net de ce qui manque à la
société contemporaine et de ce qu’elle cherche, s’ils sont soutenus par
un dévouement suffisant, ils vivront ».
Dominique Peyrou
Co-Directeur
du CCIC
Trésorier de l'AAPC
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TÉMOIGNAGE
DE SYLVAIN ALLEMAND
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Du
15 au 22 juin se déroulait le colloque Saisir
le rapport affectif aux lieux, codirigé par Georges-Henri Laffont
et Denis Martouzet. Le secrétaire général de l’Association des Amis de
Pontigny-Cerisy, Sylvain Allemand, y a assisté. Il témoigne ici en
mettant l’accent sur la manière dont ce colloque a été l’occasion de
révéler au travers de divers ateliers un rapport affectif au... Centre
culturel international de Cerisy, dans ses diverses composantes, non
sans conforter une tendance observée depuis quelques années.
Que
l’on entretienne un rapport affectif — et pas seulement utilitaire ou
fonctionnel — à des lieux, qui en douterait? Tout un chacun en a qu’il
affectionne tout particulièrement parce qu’il les trouve tout
simplement beaux, ou qu’ils lui évoquent des souvenirs d’enfance, de
voyage ou de rencontres. Mais comment saisir ce rapport forcément
subjectif? Selon quelle méthodologie? Quels en sont en outre les
enjeux au regard des questions d’aménagement et d’urbanisme? De la
manière d’envisager la ville? De poursuivre un dialogue entre sciences
et arts? Telles étaient quelques-unes des questions que le colloque Saisir
le rapport affectif aux lieux s’est proposé d’explorer en croisant
les regards d’intervenants venant de différents horizons
disciplinaires, professionnels et géographiques, identifiés pour la
plupart sur la base d’un appel à contributions (auquel ont répondu pes
moins de 120 personnes, signe de l’intérêt de la question).
Plutôt que de tenter une synthèse des communications et des échanges
foisonnants auxquels il a donné lieu (les personnes intéressées
pourront toujours en prendre connaissance au travers des actes à
venir), nous soulignerons juste à quel point ce colloque nous aura fait
prendre conscience, par une forme de réflexivité, du rapport
particulièrement affectif (à la fois cérébral et sensoriel) que l’on
peut entretenir avec un lieu comme... le Centre culturel international
de Cerisy, son château et son grenier, où les colloquants sont
accueillis le premier soir, la bibliothèque et l’ancienne laiterie où
se déroulent les communications, mais aussi son parc, ses allées et ses
arbres, son potager, sans oublier ses alentours immédiats, y compris le
bourg de Cerisy-la-Salle. Et pour cause, le colloque a donné aux
intervenants et auditeurs plusieurs opportunités d’investir le lieu
dans ses diverses composantes pour témoigner du rapport affectif qu’ils
pouvaient entretenir avec lui.
Dès le deuxième jour, deux ateliers parallèles étaient programmés à
cette fin: le premier, animé par Anne-Christine Bronner et Florence
Troin, consistait à réaliser une "cartographie affective" (autrement
dit, à représenter une forme de carte mentale du lieu, au moyen de
toutes sortes de matériaux mis à disposition). Le second, animé par
Olivier Ocquidant, consistait, lui, en "parcours affectifs": par petits
groupes, les participants étaient invités à cheminer dans le parc et
ses
alentours, en décrivant leurs moindres sensations: olfactives,
auditives, visuelles... Pour les habitués du lieu, il y avait quelque
chose de réjouissant à le (re)découvrir ainsi au prisme de l’expérience
sensorielle qu’en faisaient ceux qui s’y rendaient pour la première
fois. Le lendemain, Olivier Zattoni proposait aux participants de
prendre, par petits groupes, cinq photos, au moyen de leurs
smartphones, depuis divers points de vue choisis par ses soins. Le
résultat (montages mis en parallèle ouphotos superposées) devait être
analysé plus tard non sans susciter des échanges animés. Preuve s’il en
était besoin que le lieu fait parler, a fortiori si on l’aborde dans sa
dimension affective...
Entretemps, changement de contexte: les participants prirent le bus,
direction: Granville, où ils sont répartis en deux groupes, pour des
visites pilotées par Georges-Henry Laffont et Bénédicte Mallier avec le
concours (la complicité devrait-on dire au vu de ce qui va suivre...)
de l’Office de Tourisme de Granville Terre et Mer. On ignore alors que
les deux guides mobilisées pour l’occasion sont de mèche avec les
organisateurs pour se répartir deux rôles, celui de la guide à la fois
professionnelle et aimable (un rôle, en vérité, tout sauf de
composition !), celui de la guide pressée d’en finir... Objectif de
l’exercice: évaluer la manière dont un rapport affectif au lieu (la
haute ville de Granville, donc) peut être... affecté par l’expérience
qu’on en a, en présence de personnes de plus ou moins bonne compagnie.
De fait, l’évaluation qui en a été faite, avec toutes les précautions
d’usage, à partir des questionnaires que les participants ont été
invités à remplir, fut significative: la haute ville de Granville est
apparue sous un jour plus favorable aux yeux du premier groupe que du
second.
La veille de la fin du colloque, des "situations sonores" furent
proposées par Julie Faubert, artiste visuelle et sonore venue
spécialement du Québec: un florilège de sons (bruits, voies, échanges,
etc.) qu’elle avait discrètement captés in situ, au cours de la
semaine, et que les participants furent invités à découvrir un casque
aux oreilles et comme en décalé par rapport à ce qu’ils pouvaient
voir... L’objectif de cette performance: "Mettre en place une écoute
dans laquelle l'actualité du lieu est revisitée, les jeux
d'aller-retour entre le réel et la fiction, entre le flux et
l'enregistrement, venant complexifier sa saisie et vivifier l'état
d'écoute" (selon les termes de l’artiste).
Notre témoignage ne serait pas complet si nous omettions un autre
moment fort de ce colloque, l’atelier animé par les enseignants du
Collège Anne Heurgon-Desjardins de Cerisy [Jean-Marie Gallien, Virginie
Lemoine et Emmanuelle Pelletier], durant lequel plusieurs de leurs
élèves présentèrent leur propre rapport affectif à un lieu en
particulier, au travers d’une photo ou d’un dessin, agrémenté d’un
haïku. Où on a pu voir, si tant est qu’on en doutait, que le rapport
affectif sait se manifester à tout âge, avec force sensibilité et
créativité. Merci, donc, à ces jeunes collégiens que nous n’avons pu
nous
empêcher d’imaginer intervenant de nouveau, d’ici quelques années,
cette
fois pour une communication cerisyenne en bonne et due forme.
Bien d’autres colloques de Cerisy ont appréhendé le Centre autrement
que comme un simple lieu de communications, circonscrit pour
l’essentiel à sa Bibliothèque ou à sa "Laiterie", voire au grenier ou à
l’Orangerie pour les besoins d’ateliers. Ce colloque n’en a pas moins
conforté le sentiment d’une tendance relevée en diverses circonstances
par Edith Heurgon, et consistant à faire de Cerisy le cadre de bien
plus que des conférences-débats: d’expériences sinon de performances
artistico-scientifiques. Une tendance à laquelle n’est probablement pas
étrangère la présence croissante d’artistes-chercheurs ainsi que de
chercheurs tout court, intéressés au dialogue entre leur discipline et
les arts. Et qui ne peut que nous réjouir, puisqu’elle concourt à poser
un autre regard sur le château et ses multiples prolongements: de lieu
chargé d’une histoire qui peut paraître intimidante, il devient par ses
multiples ressources et potentialités comme un "allié", pour inventer
d’autres modalités d’échanges et de rencontres entre différentes formes
de savoirs et de savoir-faire, de connaissances et d’expertises.
Tendance, enfin, que les participants au colloque sur les Brassages
planétaires, qui débute cette semaine, pourront éprouver à leur tour à
travers notamment les ateliers "Jardins divers" dont celui du
paysagiste concepteur Yann Lafolie, qui fera "voir, goûter, sentir et
toucher les brassages planétaires à l'œuvre dans les jardins vivriers
du monde" à travers notamment les tomates qu’il aura cultivées, là
encore, in situ, dans le potager du château de Cerisy.
Sylvain Allemand
Secrétaire
général de l’Association des Amis de Pontigny-Cerisy
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ÉCHOS
SUR QUELQUES COLLOQUES, PAR CAMILLE LARMINAY, STAGIAIRE AU CCIC
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Rencontre avec
Jackie Constant
Jackie Constant, habituée
de Cerisy, s’est rendue cette année au colloque Pratiquer le réel en danse: document, témoignage, lieux. Elle nous fait part de ses impressions.
Comment
avez-vous découvert Cerisy?
Au cours de ma carrière, j’ai souvent été amenée à faire des recherches
dans mon travail pour le site internet Fabula. En faisant ces
recherches, j’ai découvert l’existence de Cerisy et je me suis rendu
compte que ce n’était pas très loin de chez moi. Lorsque j’ai été
déchargée de mes obligations professionnelles, je m’y suis rendue:
j’étais libre de consacrer du temps au colloque et à sa préparation. Je
suis venue pour la première fois en 2011, et je reviens tous les ans
depuis. Cette année, j’ai choisi le colloque Pratiquer le réel en danse, car j’étais danseuse
amatrice. J’ai eu l’occasion de travailler avec des chorégraphes à
Caen, sur des projets étalés sur un an ou plus ponctuels.
Avez-vous
trouvé que le thème de la danse s’intégrait bien à Cerisy, à ses
bâtiments, à son mode de fonctionnement?
Tous les sujets s’intègrent à Cerisy ! Mais pour ce colloque, il est
vrai que l’on a fait ce qu’on appelle des expériences in situ. On a tout d’abord investi
le lieu qui est au pied de l’Orangerie. On a aussi travaillé entre le
château et l’étable: c’était un peu plus banal, il n’y avait pas la
présence des arbres et de la mousse par terre comme c’était le cas
devant l’Orangerie. L’idée était d’être dehors, tout simplement, au
milieu des bâtiments: la laiterie, l’étable, les arcades... On ne les a
pas utilisés en tant que tels, mais on a fait des petits ateliers qui
les prenaient en compte. On a aussi fait tout un travail autour de
l'étang: c’était un moment fort du colloque. Et puis nous sommes aussi
allés à l’abbaye de Hambye. Je ne connaissais pas du tout ! Nous avons
fait une visite classique, avec les explications du guide. Nous avons
aussi pu faire une communication dans le monastère, entourés par les
colonnes, les vitraux... C’était exceptionnel, j’ai été émerveillée.
Qu’est
ce qui vous a le plus marquée durant la semaine parmis les
interventions?
Je n’ai pas assez de recul pour établir une hiérarchie ! Le colloque
s’est déroulé dans une dynamique à l’intersection de la théorie
et des "temps de pratique théorisée", dans une fluidité de parole et
d’espace-temps qui a permis à chacun de préciser ses interrogations. Je
ne dirais pas qu’une intervention a dominé les autres, mais plutôt que
les interactions entre les discours, les pratiques et les paroles des
uns et des autres ont concrétisé, ont fait advenir au "réel", ce qu’on
attend d’un colloque à Cerisy ! Les conférences nous ont permis de
rentrer à la fois dans les problématiques des créateurs et dans celle
des universitaires. Les échanges ont été facilités par le fait que les
responsables ont laissé beaucoup de temps aux débats, aux échanges. On
a d’ailleurs été plusieurs à dire que la circulation de la parole était
fluide, et ce tout le long du colloque. Et, pour moi, c’était un
bonheur d’être entourée de spécialistes. Au début, c’était difficile
d’être dans un univers où les concepts mobilisés étaient un peu
abscons. Mais dès le deuxième jour, ce sentiment s’est effacé ! En
fait, je viens ici chercher cette difficulté, c’est-à-dire la
possibilité de venir écouter des universitaires sur un domaine pointu,
en apprendre plus sur leurs travaux et surtout sur leurs problèmes
actuels. Il faut que j’accepte cette difficulté, par exemple le fait
que je ne connaisse pas exactement les spectacles ou les productions
mentionnées. Découvrir cet univers est très stimulant et enrichissant.
Quelles
évolutions remarquez-vous depuis que vous venez à Cerisy?
C’est mon choix des colloques qui a évolué. Mes premiers colloques
étaient une occasion de me renseigner sur des choses qui étaient
restées pour moi en suspens. Par exemple, lorsque je suis venue pour le
colloque Marx, Lacan: l’acte révolutionnaire et l’acte
analytique, c’était vraiment pour faire le point sur des notions
que j’avais rencontrées et que je voulais clarifier. Depuis quelques
années, c’est différent: les colloques que je choisis entretiennent un
rapport plus étroit avec mon activité, en particulier mon activité
d’écriture. En ce qui concerne l’évolution générale, il y
a peut-être plus d’échanges entre les deux colloques qui se partagent
le lieu sur une même période. Cette semaine, il y avait un réel parti
pris d’écoute, de circulation de la parole. Il y a eu une vraie bonne
ambiance entre les colloques. Et enfin, il y a ce que j’apprécie
toujours et qui ne change pas: les rites, la qualité des conférences,
le château et ses arbres centenaires, la nourriture familiale et
l’accueil attentif. C’est un véritable aparté dans nos vies bruyantes.
Rencontre
avec Dominique MEYER-BOLZINGER
Vice-présidente de l’Université de
Mulhouse, Dominique Meyer-Bolzinger intervient cette année dans le
colloque Les
superhéros: une mythologie pour aujourd’hui. Co-directrice d’un colloque à Cerisy
l’année prochaine, elle nous explique sa pratique du lieu et ses
espoirs pour le Centre Culturel.
Depuis
2007, c’est la huitième fois que vous venez à Cerisy. Pourquoi?
En effet, je suis venue à Cerisy la première fois en 2007, pour le
colloque La fiction policière aujourd'hui. Pourquoi suis-je
revenue? Tout simplement parce qu’il y a à Cerisy une manière de
travailler exceptionnelle, et des conditions matérielles
particulièrement propices. Pour pouvoir penser ensemble, il faut
pouvoir partager du temps, pouvoir être dans la durée et avoir
l’opportunité de continuer les discussions, notamment pendant les
repas. J’ai été séduite par le format en sept jours ! Mes deux premiers
colloques étaient encore des décades. Maintenant ce sont des semaines,
mais j’ai l’impression qu’il est tout de même de plus en plus difficile
de trouver des gens qui acceptent de venir sept jours, et c’est bien
dommage. Et puis je pourrais ajouter un autre argument qui explique
mes retours à Cerisy. Mon mari et moi y sommes toujours venus ensemble:
la première année, c’était moi qui faisais une communication, la
deuxième année,
c’était lui, et, à partir de la troisième fois, nous avons fait chacun
une communication. Nous sommes dans des disciplines différentes,
dans des universités différentes... On a souvent envie de réfléchir
ensemble et de trouver des points communs: Cerisy, c’est quelque chose
que l’on fait ensemble.
Pourquoi
participez-vous au colloque sur les superhéros?
Je ne connaissais rien aux superhéros il y a un an. Je me suis donc
plongée dedans pour faire ma communication, et j’ai continué à beaucoup
apprendre en écoutant les communications. Cette question est
pour moi une vraie découverte, aussi bien pendant l’année lorsque j’ai
travaillé de mon côté, que maintenant pendant le colloque. Je pensais
que c’était un sujet réservé aux enfants et, en fait, il soulève
beaucoup de problèmes intéressants. Je suis vraiment contente, et je
dois dire favorablement surprise: les communications sont très
stimulantes et bien construites.
Quelle
est la relation entre votre travail à l’université et vos venues à
Cerisy?
Le roman policier sur lequel je travaillais ne correspondait pas aux
canons de la grande littérature. Cerisy était donc pour moi l’occasion
de rencontrer d’autres spécialistes qui travaillent sur le même genre
de textes. Enfin, depuis que je n’enseigne plus à l’université et que
mon travail administratif est assez lourd, me remettre à ces activités
de recherche et de réflexion constitue une vraie bouffée d’air frais,
et me procure un sentiment de grande liberté. Cerisy est un endroit
exceptionnel, dont nous autres intellectuels avons vraiment besoin.
C’est un lieu où l’on peut penser et où l’on peut rencontrer des gens
qui ont le même type d’activités que nous. Au sein de l’université, on
rencontre aussi d’autres personnes, mais la réflexion ne se fait pas de
la même manière. Notre travail s’effectue dans de mauvaises conditions
et il est parasité par les questions d’argent, de pouvoir, de
hiérarchie, alors que les bonnes conditions à Cerisy nous permettent de
réaliser pleinement notre activité de chercheur. J’ajouterai un exemple
très précis. Lorsque je suis venue pour le colloque sur le Western
en 2010, je ne faisais pas de communication. J’ai pu passer de nombreux
moments dans ma chambre, et c’est là que j’ai commencé à écrire mon
livre sur Sherlock Holmes. J’étais déchargée de toute occupation
matérielle — les courses, les repas... J’avais une chambre dans
laquelle je pouvais m’enfermer et faire ma bulle, "une chambre à soi",
comme le dit Virginia Woolf. Les sollicitations étaient limitées, et je
pouvais toujours retourner écouter quelques communications pour
stimuler mon esprit: j’étais ensuite prête à écrire de nouveau. Les
conditions étaient vraiment idéales.
Vous
organisez un colloque l’année prochaine. Comment vous abordez ce nouvel
enjeu? Quels sont vos projets?
Je co-dirige en effet l’année prochaine un colloque avec Christian
Chelebourg intitulé "Raconter l’enquête: une forme pour les récits du
XXIe siècle?". Ce n’est pas une nouvelle rencontre sur le roman
policier; l’enjeu est que les intervenants ne fassent pas de
communication sur une thématique policière. Il s’agit plutôt d’une
réflexion sur la manière dont l’enquête est sortie du roman policier.
Aujourd’hui, dès lors qu’il s’agit de raconter une histoire, l’enquête
semble être la forme privilégiée. Les séries télé qui prennent la
forme d’une enquête sont innombrables; la littérature est remplie de
textes qui n’ont rien à voir avec les romans policiers et qui
prennent cependant la forme d’une enquête. C’est aussi le cas dans les
sciences humaines et sociales, et ces préoccupations d’écriture
reviennent dans l’épistémologie. L’histoire aussi est concernée ainsi
que l'archéologie. Doit-on raconter l’enquête? Ou seulement donner le
résultat? C’est la raison pour laquellle on va inviter des personnes
concernées par tous ces aspects de la question. Mais l’enjeu du
colloque est aussi de penser ce qu’il y aura autour des conférences.
J’aimerais inviter des écrivains, et organiser des activités
littéraires un peu ludiques.
Quels
changements avez-vous perçus à Cerisy, et comment voyez-vous
l’évolution future du lieu?
À Cerisy, il y a un sentiment d’éternité et, en même temps, une
illusion d’éternité. Quand on arrive au château et que l’on voit les
pierres qui se dressent, les intérieurs, les photos ... on pense que
cela dure depuis longtemps et que cela durera toujours. Et en même
temps, on perçoit des évolutions. Je donnerai seulement deux exemples.
Tout d’abord, le rapport au monde change. Les premières fois où je suis
venue à Cerisy, les portables ne captaient pas, et il n’y avait pas de
Wifi: on était complètement coupés du monde. Maintenant il y a du wifi
à la laiterie; on peut continuer à regarder nos mails, on est un peu
moins coupés du monde. Il y a là quelque chose qui évolue. Je ne porte
pas de jugement, je ne sais pas si c’est bien ou mal, mais il y a bien
là quelque chose qui évolue. Et puis j’ai dit illusion d’éternité car
évidemment... on vieillit tous. Au colloque auquel je participe
cette année, je fais partie des plus âgés, ce qui n’était pas le cas il
y a onze ans. C’est la même chose pour la famille qui nous accueille:
on observe le passage de relai, et la réflexion sur la pérennité de
Cerisy s’impose. Je suis très optimiste pour la suite des événements.
Je pense qu’il faut faire confiance aux gens. La construction de Cerisy
a été rendue possible par des femmes et des hommes qui croyaient au
projet et étaient prêts à s’investir intellectuellement et
physiquement. Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait plus personne pour
continuer. Il faut juste que Cerisy ne transige pas sur ce qui fait son
identité et son âme, tout en évoluant avec son temps.
Camille Larminay
Stagiaire
au CCIC (juin-juillet 2018)
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Colloque
Que nous disent les best-sellers
? (23-30 juillet
2018)
Direction: Olivier BESSARD-BANQUY, Sylvie DUCAS, Alexandre GEFEN
Lundi
23 juillet (après-midi)
En
avant-première: Séance publique à la Médiathèque de Saint-Lô
Accueil de Pascale NAVET,
directrice de la Médiathèque
Rencontre-débat avec Michel BUSSI,
auteur de best-sellers aux
Presses de la cité
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S'agissant des inscriptions aux colloques
2018, elles sont ouvertes depuis
le 15 mars.
Vous pouvez retrouver, au fur et à mesure de la mise à notre
disposition des informations de la part des directeurs,
pour chaque colloque, une présentation
détaillée (argument, calendrier provisoire, bibliographie,
résumé et présentation des intervenants) et télécharger les flyers de présentation.
En savoir plus
Vous pouvez aussi télécharger le programme
2018 (au format PDF) en
cliquant sur l'image
ci-contre.
Rappel: L'Association des
Amis de Pontigny-Cerisy est un organisme agréé pour la
Formation continue, enregistré sous le numéro: 25 50 00326 60. |
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L'écriture
du psychanalyste
Direction:
Jean-François Chiantaretto, Catherine Matha, Françoise Neau
Éditeur: Hermann
Éditeur — 2018
Collection: Colloque
de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9720-4
Les psychanalystes écrivent, du
moins certains d’entre eux. Mais en quoi l’écriture les concerne-t-ils
et les implique-t-ils spécifiquement? La question vaut d’autant plus
aujourd’hui que le recours à l’écriture chez les analystes connaît une
diversification sans précédent de ses formes. Peut-être qu’en parallèle
avec un certain abandon du modèle de l’application de la psychanalyse à
la littérature, les psychanalystes seraient non seulement de plus en
plus nombreux à écrire, mais à chercher leur écriture en expérimentant
de nouvelles modalités de croisements entre écriture autoréférentielle
et écriture fictionnelle. L’enjeu est d’échapper à l’alternative,
encore dominante: soit l’entrecroisement du témoignage clinique et de
l’essai, soit l’adoption des formes littéraires consacrées, comme le
roman ou la nouvelle. Sont ainsi conviés à penser, ensemble et
séparément, des psychanalystes de divers styles et de différents
courants, mais aussi des écrivains et des spécialistes du texte
littéraire.
En savoir plus |
R
É
C
E
N
T
E
S
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Gestualités
/ Textualités en danse contemporaine
Direction:
Stefano Genetti, Chantal Lapeyre, Frédéric Pouillaude
Éditeur: Hermann
Éditeur — 2018
Collection: Colloque
de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9722-8
Cet ouvrage se situe à la croisée
des recherches en danse contemporaine et des études littéraires,
théâtrales et de la performance. Gestualités et textualités, leurs
relations, leurs tensions, délimitent un angle pour aborder la danse
contemporaine. On voit se multiplier de nos jours, et sous toutes leurs
formes, les croisements du verbal et du kinétique, ainsi que les
collaborations entre écrivains et chorégraphes. Pourquoi ces rencontres
du texte et du geste ont-elles lieu? Quels rapports entretiennent
aujourd’hui corps et voix, gestes et mots, danse et parole,
chorégraphie et écriture? Délibérément interdisciplinaire, ce volume
rassemble les contributions de chercheurs en danse, en littérature, en
études théâtrales et en philosophie de l’art, ainsi que des entretiens
avec des chorégraphes majeurs de la scène contemporaine (Olivia
Grandville, Maguy Marin, Mathilde Monnier, Andrea Sitter).
En savoir plus
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Des
humanités numériques littéraires?
Direction: Didier
Alexandre, Marc Douguet
Publication en
ligne: Observatoire
de la vie littéraire — 2018
Ce colloque, organisé à Cerisy par
Didier Alexandre et Marc Douguet, du 15 au 22 juin 2017 [programme en ligne], dans le cadre du Labex OBVIL,
a abordé les questions soulevées par la révolution numérique sur de
nombreux objets: le texte nuémrisé, l'édition numérique et l'archivage
des données, les logiciels d'analylse et leurs effets critiques, les
réseaux de sociabilités littéraires
.
En savoir plus
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Qu’est-ce
qu’un régime de travail réellement humain ?
Direction:
Pierre Musso, Alain Supiot
Éditeur: Hermann
Éditeur — 2018
Collection: Colloque
de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9766-2
Qu’est-ce qu’un "régime réellement
humain du travail"? Quelles sont les significations philosophiques,
religieuses et les représentations artistiques du travail? Cet ouvrage
traite des concepts et des conceptions du travail humain, des images,
des rythmes et des régimes contemporains du travail.
L’Organisation internationale du travail fut créée il y a un siècle,
sur le constat "que la non-adoption par une nation quelconque d’un
“régime de travail réellement humain” fait obstacle aux efforts des
autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans
leurs propres pays". Il s’agissait alors d’instituer une police
sociale de la concurrence internationale, propre à empêcher que
celle-ci ne détériore les conditions de travail des hommes. Avec la
"globalisation", le régime du travail dépend des échanges
internationaux, provoquant une extension du travail salarié, mais aussi
la déstabilisation de ses formes traditionnelles, la montée en
puissance du chômage et d’un travail dit "informel". La révolution
numérique et les nouvelles formes de "rationalisation" du travail
donnent jour à des types inédits d’aliénation et de risques pour la
santé, mais peuvent ouvrir des opportunités nouvelles pour une plus
grande liberté dans le travail.
Ce colloque de Cerisy a examiné les grandes évolutions depuis un
siècle, au regard des formes nouvelles de déshumanisation du travail.
En savoir plus |
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Espaces
et littératures des Amériques
Mutation,
complémentarité, partage
Direction: Zilá Bernd,
Patrick Imbert, Rita Olivieri-Godet
Éditeur: Presses
de l'Université Laval (co-édition Hermann) — 2018
Collection: Américana
ISBN: 978-2-7637-3756-0
Cet ouvrage compare les multiples
expressions de l’espace continental des Amériques et de l’espace
insulaire des Caraïbes qui lui fait face en analysant les modalités de
renouvellement des mythes, des narrativités et des perspectives menant
à la reconfiguration de cet espace. Les analyses sont structurées
autour de quatre axes nourris par des réflexions portant sur les
conflits et les croisements culturels, économiques, sociaux et
politiques: 1) déplacements et traversées de frontières, 2) dynamiques
urbaines et représentations, 3) confins, territoires et non-lieux et 4)
espaces mémoriaux.
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L'Algérie,
traversées
Direction: Ghyslain Lévy,
Catherine Mazauric, Anne Roche
Éditeur: Hermann
Éditeur —
2018
ISBN: 978-2-7056-9767-9
Le projet de L’Algérie, traversées
s’est formulé autour d’une question partagée: l’heure n’est-elle pas
venue en Algérie d’un véritable renouveau apporté par les œuvres de
culture? La vitalité, la diversité, l’impertinence de ces dernières en
témoignent. Elles débouchent sur une nouvelle page en train de
s’écrire, non seulement en Algérie mais aussi au coeur de la relation
complexe entre l’Algérie et la France.
Les différentes générations d’écrivains, d’artistes, de psychanalystes,
de chercheurs en littératures, en anthropologie ou en histoire réunies
à Cerisy, le lieu même où se dit depuis si longtemps la foisonnante
diversité des cultures, ont concouru à une rupture avec les versions
convenues de l’Histoire, avec les mémoires encore enfermées dans des
clivages post-traumatiques et des fixations nostalgiques. Cet ouvrage
rend compte de leurs travaux, avec l’enthousiasme et la passion des
échanges entre celles et ceux qui savent combien le passé s’écrit
toujours au futur, car il est riche de possibles à faire advenir.
Traverser c’est multiplier les voies du sens et de l’interprétation,
chercher des chemins de biais, traverser c’est traduire pour accéder à
d’autres formes d’altérité. L’esprit des traversées anime ce livre,
depuis le pouvoir créateur de la métaphore, afin de dire autrement
l’Algérie et sa réalité présente et à venir.
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Saint
Louis en Normandie
Hommage à Jacques
Le Goff
Direction:
Jean-Baptiste Auzel, Jean-François Moufflet, avec la collaboration
d'Elisabeth Lalou et de Christophe Maneuvrier
Éditeur: Archives
départementales, Maison de l'histoire de la Manche — 2017
ISBN: 978-2-86050-036-4
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Retrouvez sur la Forge Numérique de
la MRSH de l'Université de Caen Normandie, la présentation de cette
publication par Jean-Baptiste Auzel (Directeur des Archives de la
Manche - Maison de l'histoire de la Manche) [vidéo enregistrée le
4 juillet 2018 et réalisée par DSI Université Caen], en cliquant sur le
lien ci-dessous:
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NB: Vous pouvez accéder à l'ensemble
des publications du CCIC ainsi qu'à une liste plus complète des
prochaines parutions à la rubrique "Publications" de notre site
internet.
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Les
enregistrements audio ou
vidéo
de certaines
conférences, choisies pendant les colloques, sont mis en
ligne sur la Forge Numérique
de la MRSH de l'Université de Caen Normandie ainsi que sur le
site France Culture.
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Charlotte BOUTEILLE-MEISTER, Fabien
CAVAILLÉ, Estelle DOUDET, Denis HÜE & Tiphaine KARSENTI:
Introduction et présentation des différents volets du colloque
[Colloque "La Réforme en spectacles. Protestantisme et théâtre en
Normandie et en Europe au XVIe siècle"] |
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Luc DAIREAUX: La Réforme en
Normandie au XVIe siècle: genèse, dynamiques et spectre social
[Colloque "La Réforme en spectacles. Protestantisme et théâtre en
Normandie et en Europe au XVIe siècle"] |
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Florent PERRIER: L'héroïsme du petit
ou penser l’utopie après Auschwitz avec Miguel Abensour
[Colloque "Théorie critique des crises contemporaines"] |
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Emmanuel GUY: Un art au service d'un
élite?
[Colloque "L'Art paléolithique au risque du sens"] |
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Emmanuel TERRAY: Althusser
libérateur des sciences sociales
[Colloque "Louis Althusser : politique, philosophie"] |
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Marc DOUGUET: Finir in medias res: peut-on appliquer
les outils de la théorie dramatique au chapitrage romanesque?
[Colloque "Construire le récit : histoire et poétique des
chapitres"] |
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Leslie CASSAGNE: Faire corps avec le
document: les chorégraphes contemporains face aux crises et aux conflits
[Colloque "Pratiquer le réel en danse : document, témoignage,
lieux"] |
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Colette CAMELIN: Segalen médecin,
archéologue et poète "en temps de détresse"
[Colloque "Segalen 1919-2019 : "Attentif à ce qui n'a pas été dit""] |
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©
2018 - Centre Culturel International de Cerisy
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