Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


JEAN BAUDRILLARD, L'INTELLIGENCE DU TEMPS QUI VIENT


DU VENDREDI 9 AOÛT (19 H) AU VENDREDI 16 AOÛT (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Françoise GAILLARD, François L'YVONNET


ARGUMENT :

Pour comprendre notre monde dont sa lucidité a anticipé l'avènement, que ce soit sur la question du terrorisme, de la disparition du réel sous l'effet d'une virtualisation galopante, du passage au-delà du vrai et du faux, il est plus que jamais nécessaire de lire ou de relire l'œuvre de Jean Baudrillard.

Notre entrée dans l'univers numérisé et de la réalité augmentée confirme en effet les intuitions quasi prophétiques développées dès 1976 dans L'échange symbolique et la mort. Et pourtant Jean Baudrillard n'est pas un auteur de science fiction. C'est un philosophe, un sociologue, un écrivain doublé d'un photographe.

Si sa pensée présente un caractère prédictif et anticipe le devenir, c'est qu'elle pousse la logique des processus jusqu'à leur point extrême.

Jean Baudrillard, n'est plus là pour analyser notre monde. Mais il l'a déjà fait. Et leur surprenante capacité d'anticipation fait de ses écrits, parfois mal compris à l'époque en raison de leur temps d'avance, des références aujourd'hui incontournables pour les jeunes et moins jeunes chercheurs, philosophes, spécialistes de l'image, théoriciens de la communication, penseurs du numérique, artistes ou encore cinéastes, en France comme à l'étranger. Tous se trouvent donc conviés à participer à cette semaine qui vise, en relisant les travaux de Jean Baudrillard, à mieux comprendre le monde qui vient.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 9 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 10 août
Matin
Discussion autour du film Traverses d'Edgar Morin et de l'enregistrement audio de Répliques : Baudrillard - Finkelkraut
Interventions et témoignages de Françoise GAILLARD, Marc GUILLAUME et François L'YVONNET : "Baudrillard pataphysicien" - "De la revue Utopie à Traverses"

Après-midi
Françoise GAILLARD : Notre monde est-il devenu baudrillardien ?
Benoît HEILBRUNN : Jean Baudrillard, la consommation ou la subversion du sens


Dimanche 11 août
Matin
Flavien ENONGOUE : Digression sur le migrant. Approche spectrale de l'altérité
Isabelle RIEUSSET-LEMARIÉ : Sémiologie des illusions transcendantales : un art furtif de la critique

Après-midi
Marc GUILLAUME : De quelques opérateurs à l'œuvre dans la pensée de Jean Baudrillard - Présentation de l'Association Cool Memories
Clara SCHMELCK : Baudrillard penseur de l'hyper-lien


Lundi 12 août
Matin
Edouard SCHAELCHLI : Baudrillard-Ellul, le dialogue impossible
Emmanuelle FANTIN : Faudrait-il prendre le hasard au sérieux ? Les ventouses du destin
Camille ZÉHENNE : La réversibilité de la traverse

Après-midi
Didier VIVIEN : Arthur Baudrillard, photographies et déserts (paysans) !
Pierre-Ulysse BARRANQUE : Baudrillard et Benjamin

Soirée
Philippe AUBERT : Rage d'exister


Mardi 13 août
Matin
Jean-Louis VIOLEAU : Baudrillard et l'architecture (le monstre)
Jean-Philippe DOMECQ : Baudrillard et l'art : le "contemporain" pouvait-il faire critère ?

Après-midi
DÉTENTE


Mercredi 14 août
Matin
Vincent CHANSON : Métro-hyperréel : Baudrillard à New York
Jean-Baptiste THORET : Baudrillard et le cinéma américain

Après-midi
Nicolas POIRIER : Baudrillard et Gombrowicz : les déserts américains et l'exil argentin comme opérateurs de distanciation critique
Didier LAMAISON : Jean Baudrillard et la mort de la mort


Jeudi 15 août
Matin
François L'YVONNET : Entrer dans la pensée de Jean Baudrillard [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Alan N. SHAPIRO : L'importance de Baudrillard pour "l'avenir"

Après-midi
Discussion autour du film Mots de passe de Leslie Grunberg
Discussion générale


Vendredi 16 août
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Pierre-Ulysse BARRANQUE : Baudrillard et Benjamin
Walter Benjamin aura été, pour Jean Baudrillard, l'un des auteurs fondamentaux dans le développement de sa pensée philosophique. À l'instar de Barthes, de Mauss, Benjamin fait partie des auteurs revendiqués dans le panthéon philosophique que présente Baudrillard dans D'un fragment l'autre. Avec sa formation de germaniste, Baudrillard a été un des premiers théoriciens français à intégrer les découvertes de Benjamin, et ce au moins depuis les années de la revue Utopie, en 1971. On peut ainsi dire que Baudrillard est une fois de plus précurseur dans la philosophie française, car il a très tôt compris qu'il y avait un avant et après Benjamin dans le champ de la pensée critique. La fidélité à Benjamin s'affirmera chez Baudrillard jusque dans les derniers textes, comme Carnaval et cannibale (2004). Nous reviendrons notamment sur l'influence de L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, et des thèses Sur le concept d'histoire sur Baudrillard.

Pierre-Ulysse Barranque est doctorant en Esthétique à Paris-1 Panthéon-Sorbonne, rattaché au laboratoire EsPas (ACTE). Sa thèse s'intitule : "Acte esthétique et acte politique chez Debord et Baudrillard", et est dirigée par Pascale Weber. Diplomé en philosophie et en anthropologie, il vit et enseigne la philosophie au Chili.
Publications
Alma Bolón (dir.), Ducasse Maldoror Lautréamont – Mayo del 68 – Erotismo sexualidad, Y contra el hombre que los hace esclavos, Montevideo, Librería Linardi y Risso/Universidad de la República, 2019.
Rêves, révoltes et voluptés : Jean Paul Curnier (1951-2017), Paris, Lignes, 2018.
Claire Pagès, Marion Schumm (dir.), Situations de Sartre, Paris, Éditions Hermann, 2013.
Pierre-Ulysse Barranque, Laurent Jarfer (dir.), In Situs. Théorie, spectacle et cinéma chez Guy Debord et Raoul Vaneigem, Paris, Éditions Gruppen, 2013.

Vincent CHANSON : Métro-hyperréel : Baudrillard à New York
Cette intervention se donnera pour objectif d'explorer l'appréhension baudrillardienne de cette métropole que l'on peut assurément qualifier, en s'inspirant de Walter Benjamin, de "capitale du XXe siècle" : New York, "héritière de tout à la fois, Athènes, Alexandrie, Persépolis", comme l'écrit Baudrillard dans la section qui lui est consacrée dans son fameux ouvrage Amérique. Rendre compte d'une expérience de l'urbanité donc, qui est celle de l'accélération, de l'hyperréalité, de l'hologramme ou de la conflagration sidérale : "l'espace y est la pensée même", nous dit-il. Ainsi, nous voudrions rattacher les écrits de Jean Baudrillard à propos de NYC à une certaine filiation critique qui a envisagé l'expérience de la ville comme motif central d'une théorisation des formes sociales modernes et hypermodernes : de Benjamin ou Kracauer aux expérimentations psycho-géographiques, c'est en effet cette figure du concept spatialisé ou fait architecture qui nous occupera, ceci en ce qu'elle nous dit quelque chose de fondamental à propos du capitalisme tardif et de son régime d'effectivité esthético-conceptuel. De plus, nous voudrions aussi aborder ce qui a pu relier le travail de Baudrillard à toute une scène caractéristique du Downtown Manhattan du tournant des années 70-80.

Vincent Chanson est docteur en philosophie, chercheur rattaché au laboratoire Sophiapol (université Paris Nanterre), et éditeur. Ses travaux portent sur la théorie critique (Adorno, Marx, Benjamin, Sohn-Rethel, Kracauer), l'histoire de la philosophie allemande contemporaine et l'esthétique.
Publication
La réification. Histoire et actualité d'un concept critique (co-direction), La Dispute, 2014.

Jean-Philippe DOMECQ : Baudrillard et l'art : le "contemporain" pouvait-il faire critère ?
La tribune de Jean Baudrillard, L'art contemporain est nul, fit scandale lorsqu'elle parut dans Libération le 20 mai 1996. Le scandale focalisa sur la qualification de "nullité", qui n'était pas même nuancée d'un point d'interrogation. L'énoncé, bien dans l'esprit d'autres intitulés de Jean Baudrillard, était destiné non pas tant à prendre le contrepied de l'opinion dominante, mais à provoquer celle-ci en reprenant deux approximations sémantiques qui pipaient le débat sur la production esthétique contemporaine bien avant et après l'intervention de Baudrillard. Ces deux approximations n'étant pas perçues comme telles à l'époque, l'étaient-elles par Baudrillard ? Elles étaient en tout cas perceptibles dès alors, à savoir : qu'il ne peut y avoir d'art "nul", ni "contemporain". On montrera pourquoi.

Emmanuelle FANTIN : Faudrait-il prendre le hasard au sérieux ? Les ventouses du destin
D'après Baudrillard, nous devons séduire notre propre destin. À l'inverse, le hasard est pour le penseur un alibi collectif : le hasard est un tampon molletonné avec lequel nous épongeons constamment les significations des événements qui nous entourent; il est un bain laiteux et lénifiant dans lequel nous trempons volontiers notre vie. Nous supposons que les événements peuvent advenir par pure contingence, qu'il existerait quelque part une force nébuleuse qui nous soumettrait aux scintillements de l'Aléatoire. Mais en prêtant un tant soit peu attention à ces mouvement secrets du monde, en scrutant les courbures parfois inattendues du réel, et en lisant attentivement l'œuvre de Jean Baudrillard, il est possible de prendre la réalité à son propre piège. Le hasard — tout comme le vide — ne peut pas exister, à moins de le prendre très au sérieux, de se laisser séduire par les effets avant même de chercher à comprendre les causes, et de s'abandonner enfin aux ventouses du destin.

Emmanuelle Fantin, maître de conférences au CELSA Sorbonne-Université, est chercheuse au GRIPIC. Ses recherches portent sur la culture matérielle et les processus marchands d'une part, sur les instrumentalisations de la mémoire, de l'histoire et des temporalités de l'autre. Elle travaille actuellement sur la place des animaux dans la fabrique de ville ainsi que sur les formes médiatiques du XIXe siècle. Elle est membre du comité de rédaction des revues Le Temps des Médias et de Time & Society. L'œuvre de Baudrillard traverse l'ensemble de ses recherches, et elle prépare un ouvrage sur cet auteur avec Camille Zéhenne.

Didier LAMAISON : Jean Baudrillard et la mort de la mort
La mort fut séculairement le lieu privilégié des échanges symboliques. Quelle place lui revient-elle dans un monde qui a rendu obsolète le passage par les valeurs symboliques ? Simulacres et virtualité permettent-ils de remplir cette fonction jadis vitale ? Jusqu'où ira la volonté contemporaine de mettre à mort la mort ? Jusqu'où sont allées les méditations métaphysiques de Baudrillard ? Comparaison avec Heidegger, autre penseur de la mort pour une condition humaine sans Dieu.

Didier Lamaison est agrégé de lettres classiques. Polygraphe résolu : roman, essai, poésie, théâtre. Traducteur de grec, latin et portugais (Brésil). Élève et ami de deux "J.-B." : Jean Beaufret et Jean Baudrillard. Rugbyman (PUC). Membre fondateur des "4 L".

François L'YVONNET : Entrer dans la pensée de Jean Baudrillard
Entrer dans la pensée de Jean Baudrillard n'est pas chose aisée. Non que sa langue soit particulièrement difficile, elle évite au contraire la prose jargonnante qui faisait naguère florès. Si son discours peut paraître parfois elliptique, c'est qu'il obéit à une logique singulière qui sous-tend l'ensemble de sa pensée. Même il s'est bien gardé de l'exposer explicitement. Quant à son œuvre, elle peut sembler déroutante : elle commence par des textes de facture classique (qui aujourd'hui encore sont des références sociologiques ou anthropologiques), avant d'adopter la forme brève, celle du fragment ou de l'aphorisme.
On n'entre pas dans la pensée de Jean Baudrillard comme dans un moulin.
Il faut accepter de se laisser désorienter, de perdre ses repères théoriques. Il faut prendre la mesure de l'audace de sa pensée. L'audace, c'est le courage de la pensée.
En somme, il faut "oser", comme nous le recommandait déjà Platon, dans le Sophiste.

François L'Yvonnet est professeur de philosophie et éditeur. Membre du conseil scientifique de la chaire "Edgar Morin de la Complexité" à l'ESSEC. Membre associé de la Chaire sur l'Altérité à la Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH).
Publications consacrées à Jean Baudrillard
D'un Fragment l'autre (entretiens avec Jean Baudrillard), Albin Michel, 2001.
Direction du Cahier de l'Herne "Baudrillard", L'Herne, 2005.
L'Effet Baudrillard, Éditions François Bourin, 2014.
Éditeur de deux textes de Jean Baudrillard aux éditions de l'Herne
Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ?, 2007.
Carnaval et cannibale, 2008.

Isabelle RIEUSSET-LEMARIÉ : Sémiologie des illusions transcendantales : un art furtif de la critique
En filigrane de ce constat baudrillardien ("le monde n'existe que par cette illusion définitive qui est celle du jeu des apparences") on recroise "l'illusion transcendantale" dont Kant pointait la résistance à toute tentative de déconstruction, précisément parce qu'elle serait une illusion constitutive de la Raison humaine. Dans la dialectique transcendantale kantienne, comme dans la posture baudrillardienne, la critique, face à l'"illusion transcendantale" impossible à faire disparaître, ne peut être qu'un art "furtif" en écho à l'"art furtif" qui, lassé de la fonction de l'art (prophétisée par Baudrillard) de "faire disparaître la réalité", a choisi de faire disparaître l'art. Cependant, même si Baudrillard semble redoubler la ronde postmoderne des simulacres, il arrive que la carapace de l'ironie se fende et laisse passer la fulmination de rage contre l'obscénité des logiques d'illusion à l'œuvre dans nos sociétés contemporaines. Pour autant, l'issue baudrillardienne n'est pas dans la réprobation outragée mais dans le gai savoir nietzschéen : "Le monde n'est pas assez cohérent pour mener à l'Apocalypse". Ce qui peut nous éviter le pire, c'est de ne pas prétendre se soustraire à "l'illusion transcendantale" en alléguant la bêtise d'une supposée vérité révélée. Il n'y a pas de "savoir absolu" sur le réel, seulement des "idées régulatrices" : Baudrillard, décidément, kantien, peut-être ?

Isabelle Rieusset-Lemarié est maître de Conférences HDR à l'université Paris 1. Ses recherches sur G. Bataille (cf. le séminaire qu'elle a dirigé au Collège International de Philosophie auquel a participé Maurice de Gandillac) et W. Benjamin (cf. le séminaire qu'elle a dirigé à l'université Européenne de la Recherche dans lequel sont intervenus Jean Baudrillard et Paul Virilio) l'ont conduit à une analyse du bouc émissaire en termes de contagion (cf. son livre Une fin de siècle épidémique, Actes Sud, 1992) et à des analyses esthétiques de la reproductibilité technique (cf. son ouvrage La société des clones à l'ère du multimédia, Actes Sud, 1999). Ses travaux sur le goût et les parfums (cf. son livre Déesses du parfum et de la métamorphose, Berg International, 2011) se prolongent par une lecture cosmopolitique de l'Esthétique de Kant et du jugement de goût.

Edouard SCHAELCHLI : Ellul-Baudrillard, le dialogue impossible
Sur deux lignes parallèles, Jacques et Jean, Ellul et Baudrillard, visent un point ultime — le même ? —, par delà le seuil critique où la pensée, s'affrontant (se frottant) au réel, court le risque mortel de découvrir, dans le monde ultra-médié de la technique, que tout revient peut-être au même : de savoir ou de croire, de lutter ou de jouer, de pardonner ou de séduire, de vaincre ou de mourir, d'être ou de paraître — avec ou sans dieu, avec ou sans caution. Qu'ont donc en commun ces deux penseurs de la catastrophe inscrite en creux dans tout projet d'accomplir toutes les possibilités de la rationalité technicienne, sinon ceci : de penser l'impossible comme ce qui, à proprement parler, doit advenir ? D'où l'impossibilité de l'échange pour l'un, de la prière pour l'autre, pour tous deux du dialogue, de la révolution.

Professeur agrégé de lettres classiques et docteur en littérature, Edouard Schaelchli est chrétien et partisan résolu de la décroissance, il s'efforce de penser notre présence au monde sous le double signe de la disparition du monde paysan et de la libération du sexe, phénomènes littéralement impensables.
Publications
Nihilisme et Narcissisme. Baudrillard : de quel côté du miroir ?, La Revue des Ressources, 2013.
Jean Giono. Le Non-lieu imaginaire de la guerre, Eurédit, 2016.
Ellul l'intraitable, Lemieux, 2018.

Alan N. SHAPIRO : L'importance de Baudrillard pour "l'avenir"
Baudrillard a commencé sa carrière en tant que sociologue et critique du capitalisme néo-marxiste. Cependant, il était également un érudit en littérature (allemande). Les critiques du capitalisme postulent généralement un sujet humain qui incarne ou exprime la critique. Baudrillard est passé de la théorie "critique" à la théorie "fatale", et a fait le geste audacieux de dire que "tout est simulation" (il aurait pu dire plutôt que "la simulation est en hausse et la réalité en déclin"). Cela a mis en place une riche tension créatrice provoquée par une aporie logique-rhétorique. Si vous opérez avec une épistémologie "réaliste", vous ne pouvez pas en même temps (A) dire que tout est une simulation et (B) être la personne qui fait cette déclaration. Baudrillard le savait. Si la simulation est absolue, vous ne pouvez pas le dire. Mais vous pourriez le dire comme un certain type de science-fiction. L'avenir a déjà eu lieu. Baudrillard trouve des façons de parler de la société qui sont comme de la littérature ou de la fiction. Dans ses derniers textes, la forme de simulation est le mode de l'ironie, la parodie et le carnavalesque. Le paradoxe de l'hyper-réalité conduit Baudrillard à "prendre le parti des objets" et au pouvoir de la métaphore. Ce qu'il a ressenti dans la photographie en tant que scène d'illusion radicale peut aussi être réalisé dans d'autres pratiques futures du design.

Alan N. Shapiro est un théoricien des médias et "théoricien de la science-fiction" new-yorkais, vivant en Europe depuis les années 1990. Il a fait de nombreuses apparitions à la télévision et à la radio en Allemagne, en Italie et en Suisse. Il est l'auteur des ouvrages Star Trek : Technologies de la disparition, L'Herbier technologique, Le logiciel du futur et Le design transdisciplinaire. Il a été professeur invité dans des universités d'art allemandes et enseigne actuellement le "design et l'informatique" à la Haute École des Arts et des Sciences Appliquées de Lucerne. Il a publié six essais sur Jean Baudrillard dans la Revue internationale d'études Baudrillard.

Jean-Louis VIOLEAU : Baudrillard et l'architecture (le monstre)
Comment faire le tour du rapport, à la fois intime et méfiant, que Jean Baudrillard a entretenu avec l'architecture ? En partant, comme il se doit, de Disney, en passant par le canard et les Venturi, avant de s'arrêter sur la figure du monstre (architectural), pour prolonger vers Jean Nouvel et les ambiguïtés de la transparence, et enfin déboucher sur quelques projets contemporains, notamment le très condamnable Europacity. Au fil de ce trajet se dessine une double interrogation, sur ce qu'est devenu le post-modernisme architectural, mais aussi sur la persistance de la notion d'auteur en architecture.

Sociologue, Jean-Louis Violeau enseignne à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Nantes et à l'École urbaine de Sciences Po Paris. De 2012 à 2016, il a dirigé le laboratoire ACS (Architecture-Culture-Société – CNRS) accueilli au sein de l'ENSA Paris-Malaquais où il a été nommé professeur après y avoir été chercheur durant 15 ans. Il collabore régulièrement avec les revues d'architecture, et a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages, depuis les Situations construites en 1998, auprès d'éditeurs variés, MIT Press, Recherches, Joca Seria, in Folio, Picard, Seuil… Il a notamment consacré à Jean Baudrillard un bref ouvrage autour d'Utopie, 68 et la fonction utopique paru aux éditions Sens & Tonka en 2013, ainsi que deux "portraits sociologiques" de Rem Koolhaas et Jean Nouvel aux éditions B2 en 2014 et 2015.

Camille ZÉHENNE : La réversibilité de la traverse
Très rapidement, à l'inverse de son habitude perfide, l'existence me frappe de déréalité, les signes affluent, il est 11H00, le soleil ne s'est pas levé, il pleut sur Nantes, mon double se love dans le recoin d'une terrasse, des écrans se mettent à réciter un poème et l'imaginaire collectif qui a en partie constitué ma singularité est mis en branle quand je lis que "la fin est déjà là, à partir du commencement". Quelque chose en moi a été vaincu, le réel se troue enfin, l'obsession de faire la preuve de notre existence se dilue dans le souffle coupé de l'herbe sous le pied. L'inertie et le silence. À travers la pensée de Jean Baudrillard, il s'opère un renversement, le rebours de la vitesse, une traverse qui ne relève ni de la sociologie, ni de la philosophie, ni du moralisme, ni de la poésie, qui pourtant ne cesse de revenir en zigzag, en dessinant des espaces sans tracés, déjà là et fatale.

Née en 1985, Camille Zéhenne soutient une thèse en sciences de l'information et de la communication sur les interactions dans l'espace public en parallèle de son parcours à l'ENSAPC (École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy) dont elle sort diplômée en 2014. Depuis, tout en continuant ses activités de chercheuse, elle développe une pratique artistique principalement axée autour de performances et de vidéos. Avec Bulle Meignan, au sein du collectif "Les froufrous de Lilith", elle organise le Food&film, une séance de projection de films d'univers variés au Doc une fois par mois. Elle travaille actuellement sur plusieurs projets de film et prépare un ouvrage sur Jean Baudrillard en collaboration avec Emmanuelle Fantin.


BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages de Jean Baudrillard en français

Le Système des objets, Gallimard, 1968.
La Société de consommation, Denoël, 1970.
Pour une critique de l'économie politique du signe, Gallimard, 1972.
Le Miroir de la production, Casterman, 1973 (Galilée, 1985).
L'Échange symbolique et la mort, Gallimard, 1976.
Oublier Foucault, Galilée, 1977.
L'effet Beaubourg, Galilée, 1977.
À l'ombre des majorités silencieuses, Denoël, 1978.
L'Ange de stuc, Galilée, 1978.
Le PC ou les paradis artificiels du politique, Cahiers d'Utopie, 1978.
De la séduction, Galilée, 1979.
Simulacres et simulation, Galilée, 1981.
Les Stratégies fatales, Grasset, 1983.
La Gauche divine, Grasset, 1984.
Amérique, Grasset, 1986.
L'autre par lui-même. Habilitation, Galilée, 1987.
Cool Memories I, Galilée, 1987.
Cool Memories II, Galilée, 1990.
La Transparence du Mal, Galilée, 1990.
La guerre du Golfe n'aura pas lieu, Galilée, 1991.
L'Illusion de la fin, Galilée, 1992.
Le Crime parfait, Galilée, 1994.
Figures de l'altérité, avec Marc Guillaume, Descartes et Cie, 1994.
Fragments. Cool Memories III, Galilée, 1995.
Écran total, Galilée, 1997.
Le Paroxyste indifférent, entretien avec Philippe Petit, Grasset, 1997.
Le Complot de l'art & Entrevus à propos du "Complot de l'art", Sens & Tonka, 1997.
Illusions, Désillusions esthétiques, Sens & Tonka, 1997.
De la conjuration des imbéciles, Sens & Tonka, 1998.
Car l'illusion ne s'oppose pas à la réalité, Descartes et Cie, 1998.
À l’ombre du millénaire ou le suspens de l'an 2000, Sens & Tonka, 1998.
La Pensée radicale, Sens & Tonka, 1998.
L'Échange impossible, Galilée, 1999.
Cool Memories IV, Galilée, 2000.
Mots de passe, Pauvert, 2000.
Les Objets singuliers, avec Jean Nouvel, Calmann-Lévy, 2000.
D'un fragment l'autre, entretiens avec François L'Yvonnet, Albin Michel, 2001.
Télémorphose, Sens & Tonka, 2001.
Le Ludique et le policier, et autres textes inédits parus dans Utopies (1967-1978), Sens & Tonka, 2001.
L'Esprit du terrorisme, Galilée, 2002.
Pataphysique, Sens & Tonka, 2002.
Power inferno, Galilée, 2002.
La Violence du monde, avec Edgar Morin, Le Félin - Institut du Monde Arabe, 2003.
Le Pacte de lucidité ou l'intelligence du mal, Galilée, 2004.
À propos d'Utopie, Sens & Tonka, 2005.
Le complot de l'Art & Cie, Sens & Tonka, 2005.
Cool Memories V, Galilée, 2005.
Oublier Artaud, entretien avec Sylvere Lotringer, Sens & Tonka, 2005.
Les Exilés du dialogue, entretien avec Enrique Valiente Noailles, Galilée, 2005.
Le chat de faïence au lieu d'être en chair, Sens & Tonka, 2005.
Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ?, L'herne, 2007-2008.
Carnaval et cannibale, L'Herne, 2008.
Pourquoi la guerre aujourd'hui ?, avec Jacques Derrida, Lignes, 2015.
L'agonie de la puissance, Sens & Tonka, 2015.

Sur la photographie

Les Allemands, Photographies de René Burri, Texte de Jean Baudrillard, Éditions Delpire, 1963.
• Richard Avedon, Unter den Linden, Portfolio in "L'Égoïste", Texte de Jean Baudrillard, 1991.

Traductions

• Bertolt Brecht (L'Arche, 1965) : Dialogues d'Exilés (avec G. Badia).
• Friedrich Engels (Éditions sociales, 1969) : Le rôle de la violence dans l'histoire suivi de Violence et économie dans l'établissement du nouvel Empire allemand (avec E. Bottigelli, P. A. Stéphane).
• Karl Marx & Friedrich Engels (Éditions sociales, 1968) : L'idéologie allemande (avec H. Auger, G. Badia, R. Cartelle).
• Wilhelm E. Mülhmann (Gallimard, 1964) : Messianismes révolutionnaires du Tiers Monde.
• Peter Weiss (Le Seuil) : L'Adieu aux parents (1962); Marat-Sade (1963); Point de fuite (1964); L'Instruction (1966); Chant du fantoche Lusitanien (1968); Discours sur la genèse et le déroulement de la très longue guerre de libération du Vietnam (1968).

Principales études (en français) sur la pensée de Jean Baudrillard

• Alain Gauthier, Jean Baudrillard, une pensée singulière, Lignes, 2008.
• Valérie Guillaume (dir.), Jean Baudrillard. Une biographie intellectuelle (Les années Traverses, Centre Pompidou, 1975-1988), Le Bord de l'eau, 2013.
• Serge Latouche, Jean Baudrillard ou la subversion par l'ironie, Le Passager clantestin, 2016.
• Serge Latouche, Remember Baudrillard, Fayard, 2019.
• Ludovic Leonelli, La Séduction Baudrillard, Éditions de L'École Nationale de Beaux-Arts, 2007.
• François L'Yvonnet (dir.), Jean Baudrillard, Cahier de l'Herne, 2005 (avec la traduction de neuf poèmes d'Hölderlin).
• François L'Yvonnet, L'Effet Baudrillard, François Bourin, 2013.
• Jean-Olivier Majastre (dir.), Sans oublier Baudrillard, La Lettre volée, 2003.
• Michel Neyraut, Hard Memories, en hommage à Jean Baudrillard, Sens & Tonka, 2013.
• Olivier Penot-Lacassagne (dir.), Back to Baudrillard, CNRS éditions, 2015.
• Nicolas Poirier (dir.), Baudrillard, cet attracteur étrange, Le Bord de l'eau, 2016.
• Revue Lignes, n°31, février 2010, "Le gai savoir de Baudrillard" (dirigé par Jean-Paul Curnier et Michel Surya).
• Anne Sauvageot, Jean Baudrillard, la passion de l'objet, Presses universitaires du Mirail, 2014.
• François Séguret, Baudrillard pataphysicien, 1, 2, 3, 4 & 5, Sens & Tonka, 2018.
• Jean-Louis Violeau, Utopie, 68 et la fonction utopique, Sens & Tonka, 2013.

Un site internet, en langue anglaise, lui est dédié : baudrillardstudies.ubishops.ca