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DU MARDI 1er SEPTEMBRE (19 H) AU MARDI 8 SEPTEMBRE (14 H) 2009



CONVENTIONS : L'INTERSUBJECTIF ET LE NORMATIF


DIRECTION : Olivier FAVEREAU

COMITÉ D'ORGANISATION : Philippe BATIFOULIER, Franck BESSIS, Guillemette DE LARQUIER, Ariane GHIRARDELLO, Delphine REMILLON

ARGUMENT :

Depuis le numéro fondateur de la Revue économique en 1989, l’économie des conventions caractérise une démarche de recherche en sciences sociales qui veut restaurer l’interdépendance perdue entre "coordination", " rationalité" et "valeurs". En vingt ans, les travaux appliqués se sont accumulés, dont beaucoup menés par une nouvelle génération de chercheurs. C’est le moment de transformer en "connaissance commune" et de capitaliser l’apport de ces travaux, pour deux raisons liées:

- les débats internes et externes autour de cette branche de la tradition institutionnaliste ont révélé l’importance analytique de nouveaux outils/domaines d’investigation, comme les notions d’intersubjectivité et de normativité, de nature à enrichir l’interaction avec des programmes voisins (par exemple la sociologie économique ou l’économie du droit);

- la crise économique actuelle se manifeste chaque jour davantage comme procédant précisément d’une défaillance de la normativité et d’un dysfonctionnement du régime d’intersubjectivité, propres à la phase néo-libérale du capitalisme des trente dernières années.

Il s’agira donc de rassembler et de confronter des réflexions d’inspiration conventionnaliste (au sens large du terme), abordant directement ou indirectement des questions d’ordre dynamique, telles que l’action publique, le changement social, la diffusion de nouveaux modèles d’entreprise, les innovations juridiques, les transformations institutionnelles des marchés — avec, en arrière-plan, cette conjecture paradoxale: sans référence aux conventions, une part essentielle de la crise resterait inintelligible.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Mardi 1er septembre
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mercredi 2 septembre
Rendre la crise intelligible
Matin:
André ORLÉAN: La crise financière comme crise de la convention d’évaluation
Antoine REBÉRIOUX: Crise financière et gouvernance d’entreprise

Après-midi:
Sabine MONTAGNÉ: Du capitalisme fiduciaire au paternalisme libertaire: les mésaventures de la prudence d’investissement
Sophie HARNAY: La concurrence juridique: où en sont les analyses économiques du droit?
Christian BESSY: Droit, formes d’organisation et marché des services juridiques

Soirée:
Table Ronde : La démarche "économie des conventions": vingt ans après


Jeudi 3 septembre
Relire les coordinations usuelles
Matin:
Rouslan KOUMAKHOV: Psychologie économique des conventions
John LATSIS et Ismaël AL AMOUDI: La normativité des conventions arbitraires

Après-midi:
Michaël PIORE: Un tournant dans la politique économique et sociale américaine: une leçon de l'économie des conventions, une leçon de l'école des conventions
Guillemette de LARQUIER et Emmanuelle MARCHAL: Recrutement: réagencer les épreuves de sélection pour bousculer les files d’attente
Laurent THÉVENOT: Contre les conventions: embarras critiques

Soirée:
Discussion sur l’intersubjectif et le normatif autour de Michaël PIORE


Vendredi 4 septembre
Fondements normatifs de l’action publique
Matin:
Philippe BATIFOULIER: Faire payer le patient. La dérive de la politique de santé
Nicolas CASTEL: Aux fondements des politiques sociales: les enjeux salariaux de la réforme des retraites

Après-midi:
Robert SALAIS: L’action publique et ses conventions: connaître, délibérer, évaluer
Daniel URRUTIAGUER: Service public et marchés dans le spectacle vivant en France
Delphine REMILLON: Repenser les politiques d’insertion pour lutter contre le chômage d’exclusion

Soirée:
Discussion sur l’intersubjectif et le normatif autour de Bruno LATOUR


Samedi 5 septembre
Mutations des marchés et institutions du travail
Matin:
Bénédicte MARTIN: Conventions & Le Monde de l'Art
François EYMARD-DUVERNAY: Les pouvoirs de valorisation
Géraldine RIEUCAU: Trouver ou créer son emploi: les logiques de recours aux réseaux et aux institutions

Après-midi:
DÉTENTE


Dimanche 6 septembre
Matin:
Mutations des marchés et institutions du travail (suite)
Ariane GHIRARDELLO: La discrimination: comportements et représentations
Franck BESSIS: L'idéologie des conventions: intersubjectivité contre normativité?

Après-midi:
Mutations des marchés et économie industrielle
Kevin MELLET: La guerre des mondes (de production)
Arnaud LE MARCHAND: Désintégration des entreprises de réseaux et convention: Aller-Retour
Franck COCHOY: Humour de crise et performativité

Soirée:
Discussion sur l’intersubjectif et le normatif autour de Jean DE MUNCK


Lundi 7 septembre
Matin:
Mutations des marchés et économie industrielle (suite)
Olivier BIENCOURT: Comment évaluer la qualité d’un bien qui n’est pas une marchandise? La qualité en santé
Sylvie LUPTON: Commerce équitable et signaux: entre information et illusion

Aprés-midi:
Emmanuel KESSOUS: Internet et les conventions de la rencontre amoureuse

La théorie économique: formation d’une idéologie, formatage d’une réalité
François VATIN: Evaluer - valoriser
Nicolas POSTEL: La RSE, une fragile innovation institutionnelle

Soirée:
Table Ronde : L’enseignement de l’économie des institutions et de la sociologie économique: un projet commun? (avec la participation des doctorants)


Mardi 8 septembre
Matin:
La théorie économique: formation d’une idéologie, formatage d’une réalité (suite)
Alain LOUTE: De la reproduction des conventions à la créativité normative: Ricoeur et les actes excessifs
Olivier FAVEREAU: Keynes, l’économie des conventions et la responsabilité politique des économistes face à la crise

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS

RÉSUMÉS :

Philippe BATIFOULIER: Faire payer le patient. La dérive de la politique de santé
Le secteur de la santé connaît une crise économique d’une autre ampleur que la crise financière mais dont les racines sont semblables. L’incapacité à réduire les dépenses tout en activant de nouvelles inégalités (d’accès aux soins notamment) révèle une crise de régulation qui repose sur une mécanique unique: la volonté, portée par un Etat interventionniste, de faire de la santé, un secteur marchand. La construction d’un marché en santé est portée par un objectif d’efficacité (la réduction des dépenses) qui s’oppose à celui de l’équité (dans l’accès aux soins). C’est le cas, par exemple quand le développement des mécanismes de co-paiement (ticket modérateur, déremboursements), en transférant des frais de santé vers le patient, conduit à des phénomènes de renoncement aux soins pour raison financière. La politique de santé est alors à la recherche de critères équitables de rationnement. Cette quête de légitimité de la politique publique a une résonance toute particulière en matière de santé du fait de l’exigence éthique qui accompagne la délivrance des soins. L’omission coupable que le secteur de la santé était dominé par des valeurs conduit à des dysfonctionnements: la réduction des dépenses par la mise à contribution du patient active de nouvelles inégalités qui exigent de nouveaux dispositifs. Quand de nouvelles dépenses se conjuguent avec de nouvelles inégalités, la régulation du système de santé peut être qualifiée de déficiente au regard même des objectifs qui sont affichés. Cette crise de régulation peut être lue comme une crise du régime des idées qui anime la représentation orthodoxe d’un "bon" système de santé.

Christian BESSY: Droit, formes d’organisation et marché des services juridiques
La juridicisation des relations économiques et sociales, sinon leur judiciarisation, a entraîné l’accroissement des activités de services juridiques et a progressivement transformé leur mode d’organisation. Plus récemment, le projet de la Commission européenne est porteur d’une libéralisation du "marché des services" par la suppression des restrictions professionnelles analysées comme des freins à la concurrence. Nous proposons de partir du cas de l’ordre professionnel français des avocats pour rendre compte de ces différentes transformations institutionnelles et des formes d’organisation de leurs activités qui les concrétisent. Au-delà (et en lien avec) des facteurs économiques, comme la globalisation des activités, nous voudrions montrer que ces évolutions sont également le produit d’une conception plus individualiste du droit renvoyant à une philosophie politique libérale où la défense des droits dits individuels remplacerait la politique, au sens de la gestion des tensions entre différentes prétentions au bien commun.

Olivier BIENCOURT: Comment évaluer la qualité d’un bien qui n’est pas une marchandise? La qualité en santé
S’il est un objet qui, en pratique comme en théorie, focalise attention et réflexion, c’est bien la qualité. Dans le champ académique de l’économie, ce (re)questionnement des hypothèses fondatrices suite à une (ré)intégration de la variable qualité est l’un des faits marquants de la fin du XXème siècle. Suite aux travaux pionniers des marginalistes, s’était peu à peu imposé un cadre, cohérent et rigoureux, dans lequel deux variables, et seulement deux, assuraient la coordination des mécanismes économiques: les prix et les quantités. Les postulats retenus avaient alors conduit à exclure du champ de l’analyse toute la problématique de la qualité. Tel n’est plus le cas actuellement. Mais la (ré)intégration de cette dimension s’est cependant faite dans deux directions opposées. Dans le champ néoclassique, elle s’est effectuée sous l’angle du traitement d’une information asymétrique, par le biais du développement de la théorie des incitations. La qualité a alors été introduite, mais non la question de la définition de la qualité. Cette seconde dimension est, au contraire, le point d’entrée retenu par des approches non standard. Le programme de recherche de "l’Economie des Conventions", que l’on mobilisera ici, suppose un accord préalable des agents sur une même définition de la qualité comme préalable à la réalisation d’un échange.
La pertinence de cette question est renforcée quand le produit est un service, c’est-à-dire quand il n’a pas d’existence propre en dehors d’une relation donnée. Bien sûr, la théorie économique standard ne s’arrête pas à cette distinction entre produit et service, estimant que l’appareil d’analyse retenu est apte à appréhender, sans distinction, l’un et l’autre. Il est pourtant intéressant de relever que, lorsqu’il devient utile de mobiliser des exemples, ces derniers nous renvoient assez fréquemment vers des services à l’instar de ce que constate Coestier (1996, p. 14): "les consommateurs sont capables, la plupart du temps, de ne donner qu’une évaluation vague et partielle de la qualité des services fournis par un médecin, un avocat, un plombier...". Selon nous, la référence à des services, plutôt qu’à des biens matériels, s’explique par le fait que, dans le cas d’un bien, la qualité est davantage de l’ordre d’un savoir-faire que d’un savoir. L’étiquette "médecin", si elle atteste de la possession d’un diplôme, en dit peut-être moins sur le "bien" que l’étiquette "poulet" apposé sur un produit alimentaire, du fait du caractère singulier de la relation patient — médecin.
La relation de santé trouve sa particularité dans le rôle d’expert joué par le médecin, qui le conduit à être "juge et partie (...) prescripteur du besoin au niveau du diagnostic et producteur de biens au niveau du traitement" (Batifoulier, 1990, p. 402). De plus, le résultat ne peut être séparé des personnes. D’où la difficulté à l’évaluer objectivement.
Si ces questions ont, sur un plan théorique, été régulièrement évoquées depuis l’émergence de l’économie de la santé, les débats actuels sur l’organisation du système de santé français viennent les éclairer différemment. La problématique désormais récurrente du financement est en mesure de modifier la perception que les différents acteurs du système de santé avait de la qualité. A une logique comptable s’opposerait, au sens fort du terme, une préoccupation de qualité des soins.
On se propose d’isoler les déterminants qui agissent sur l’appréhension de la qualité de chacun des acteurs (patient, soignant, financeur). On cherchera ensuite à repérer les conditions qui rendraient possibles l’émergence d’un compromis, c’est-à-dire d’une nouvelle acception partagée de ce qu’est la qualité en santé.

Nicolas CASTEL: Aux fondements des politiques sociales: les enjeux salariaux de la réforme des retraites
La réforme des pensions, en les indexant sur les prix, en gelant les taux de cotisation, en distinguant le contributif et le non contributif, en augmentant la durée de la carrière complète, s’emploie à interrompre leur évolution vers la poursuite du salaire pour les remplacer par un dispositif non salarial conjuguant revenu garanti, revenu différé de prévoyance et rente de la propriété financière. Après avoir présenté sur un mode "clinique" les principaux éléments de la réforme des retraites depuis la fin des années 1980, l’auteur soumettra au débat une interprétation en termes d’enjeux salariaux du déplacement qui s’opère aujourd’hui en matière de pensions de vieillesse.

Franck COCHOY: Humour de crise et performativité
La théorie linguistique de la performativité propose de s'intéresser à la façon dont les mots se replient sur les choses. Pour cette raison et sous l'impulsion de Michel Callon, cette théorie a fortement intéressé les études sociales de l'économie, qui y ont vu le moyen de dépasser l'opposition classique entre faits économiques et constructions sociales: armée de la théorie de la performativité, la sociologie des marchés ne vise plus à statuer sur le caractère vrai ou faux, réel ou construit des théories économiques, mais à montrer comment et dans quelles conditions ces énoncés finissent par façonner les contours mêmes des pratiques marchandes. Toutefois, les situations de crise remettent en cause le suivi des phénomènes de performation, dans la mesure où ces situations embrouillent ou dissolvent par définition l'ensemble des liens que l'on croyait avoir retracés ou établis entre formulations savantes et pratiques profanes. Est-ce à dire qu'en situation de crise plus rien n'est performable ou performé? Non bien sûr, mais pour reprendre leur cours, les phénomènes de performation doivent emprunter d'autres voies. La présente contribution s'intéresse au rôle de l'humour qui, en prenant acte de la crise à négative comme le manque de main d'œuvre au cours de la deuxième guerre mondiale, ou positive comme l'introduction du libre-service, une innovation porteuse de gains de productivité invente, un langage propre à apprivoiser les ruptures d'énonciation et à réinventer les chemins susceptibles de renouer (mais aussi de remanier profondément) le lien entre les mots et les choses. L'étude repose sur un dépouillement systématique du magazine américain de l'épicerie de détail Progressive Grocer sur la période 1929-1959, et plus précisément sur l'analyse d'une série de dessins humoristiques publiés dans cette revue au cours de cette période.

Sophie HARNAY: La concurrence juridique: où en sont les analyses économiques du droit?
L’analyse économique du droit analyse les évolutions juridiques principalement comme le résultat d’un processus de concurrence entre règles de droit et juridictions. Dans le cadre analytique de cette regulatory competition, le processus de concurrence est en général considéré induire un effet uniformisateur sur les règles de droit, par le biais d’une course vers le haut (race to the top) ou vers le bas (race to the bottom) se traduisant par la convergence des différentes règles de droit. Les évolutions des droits des sociétés aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe, sont par exemple censés témoigner de cette convergence.
Au-delà de la discussion sur les effets réels ou supposés de la concurrence entre règles de droit, l’objectif de la contribution est de mettre à jour certaines hypothèses, modèles et représentations implicites véhiculés par ces analyses de la concurrence juridique, ainsi que de souligner la difficulté d’une transposition analogique trop directe du concept de concurrence dans le domaine des règles de droit. On propose également d’analyser certaines implications normatives des analyses économiques du droit pour le droit européen des sociétés, dans un contexte où la crise économique est aussi une crise de la régulation juridique.

Emmanuel KESSOUS: Internet et les conventions de la rencontre amoureuse
La thèse de cette communication peut être résumée par la formule provocatrice suivante: bien qu’ils soient conçus dans ce but, l’usage des sites de rencontre sur Internet ne permet guère plus de réussite pour les candidats motivés pour une rencontre durable que la fréquentation assidue du métro parisien, en raison notamment d’une mauvaise gestion du privé. La critique portera moins sur "l'économisation" de la relation amoureuse, reconnaissant en cela que toute forme de relation amoureuse contient une forme d’économie et de calcul, que sur la forme particulière de coordination retenue par ces sites pour mettre les individus en relation. S‘inspirant des bourses d‘offre et de demande, les sites de rencontres sont au cœur du conflit de valeurs entre les données comme attribut de la personne et comme information sur les marchés. Ces sites posent trois problèmes qu'il est possible de mettre en lumière avec les catégories d'analyse de l'économie des conventions. Premièrement, la recherche d'appariement pose un problème de rationalité, c'est-à-dire d'existence de méta-données permettant l'opération d'interprétation. Ce problème est le symétrique de celui que connaît le recruteur qui ne se fie plus au CV ou au diplôme pour juger des qualités et des compétences d'un candidat, mais relève sur Internet des informations non professionnelles sur lui (photos festives ou commentaires amusés) et en déduit des éléments sur ses aptitudes professionnelles. Deuxièmement, le processus attentionnel sollicité par les sites engendre des états émotionnels particuliers qui, s'ils peuvent être adaptés à la captation marchande (notamment parce qu'ils s’appuient sur le désir de possession et son renouvellement), le sont moins aux processus de sublimation et de focalisation, par lesquels certaines approches psychologiques tentent d’expliquer le sentiment amoureux. Enfin, l'enchainement des régimes d‘engagement, du virtuel au réel, relance l‘épreuve de réalité. Sur ces sites, il assez facile de basculer d’un statut passif d’observateur à celui de participant à une action collective (par exemple, en dialoguant lors d’un, voire de plusieurs, chats simultanés). La difficulté provient du changement de cadre que constitue la rencontre dans un espace public (café, cinéma...) au cours de laquelle les individus doivent choisir s’ils décident ou non de se revoir. A l’abri de l’ordinateur, les individus sont plus facilement conduits à dévoiler leur intimité. Au café, le dialogue se fait plus réservé et, en même temps, certaines informations (par exemple l’âge, la taille, l’apparence physique) sont requalifiées. Les données privées dévoilées lors de l’interaction virtuelle sont confrontées à celles que renvoie l’individu réel. Un autre problème provient de la temporalité nécessaire pour construire le lien. L’épreuve se joue souvent en une seule fois où les individus ne sont pas forcement dans la meilleure représentation de soi. Se reconnecter au site après la rencontre en face à face et répondre à de nouveaux candidats est une façon indirecte de clore définitivement l’interaction avec la personne précédente.

Guillemette de LARQUIER et Emmanuelle MARCHAL: Recrutement: réagencer les épreuves de sélection pour bousculer les files d’attente
L’organisation des épreuves de sélection par les entreprises a des effets déterminants sur la mise en valeur des qualités des candidats à l’emploi, et partant, sur le chômage de longue durée. Des auteurs montrent en ce sens qu’une partie des chômeurs n’a pas l’occasion de rencontrer et de s’entretenir avec des employeurs potentiels (Simonin, 2000), comme si leur exclusion se jouait en amont de cette étape du recrutement. En utilisant une enquête quantitative (Ofer, 2005) et des travaux plus qualitatifs portant sur l’utilisation de la méthode de recrutement par simulation par Pôle emploi, notre objectif est d’analyser la façon dont s’articulent les formes de coordination et de valorisation des personnes sur le marché du travail. Nous chercherons à montrer que le réagencement des épreuves de sélection (en particulier, en neutralisant le CV comme moyen de présélection à distance et en menant une évaluation au plus près des situations de travail) peut permettre de bousculer les files d’attente du chômage. Ce constat va à l’encontre de l’introduction de procédures normées et plaide pour une diversification des épreuves de sélection afin d'obtenir une diversité des candidats recrutés au sein des entreprises.

John LATSIS et Ismaël AL AMOUDI: La normativité des conventions arbitraires
Nous proposons une réflexion philosophique et méthodologique sur la nature des conventions en partant du constat qu’une forme sociale X est dite conventionnelle lorsqu’elle remplit deux conditions pouvant sembler contradictoires. D’une part, X est normative au sens faible du terme: je dois respecter X toutes choses étant égales par ailleurs. D’autre part, dire de X qu’elle est une convention implique également que X est arbitraire dans la mesure où une autre forme sociale Y aurait aussi bien pu servir de convention. Cette caractérisation des conventions nous amène à étudier leur nature tant d’un point de vue synchronique que dans une perspective diachronique. L’étude synchronique s’attache à identifier les multiples mécanismes à travers lesquels les conventions sont re/produites. Nous proposons notamment que l’intérêt individuel représente un mécanisme parmi de nombreux autres. Les agents peuvent également respecter une convention par devoir ou du fait de la peur ou de l’habitude. Outre ces facteurs personnels, nous suggérons également l’existence de mécanismes structurels qui expliquent la persistance des conventions. L’étude diachronique repose sur les travaux d’ontologie sociale réalistes critiques (Bhaskar 1979, Lawson 1997, 2003). Dans cette perspective, les conventions rendent possible et, du même fait, contraignent les activités individuelles. Trois conséquences s’ensuivent. Premièrement, l’adoption de nouvelles conventions doit être analysée comme une transformation des conventions (pré)existantes. Deuxièmement, l’évolution d’une convention doit être étudiée tant au niveau des événements qu’aux niveaux de la conscience subjective des participants et des formes et relations sociales. Troisièmement, nous soulevons des questions relatives à l’identification des conventions lorsque celles-ci sont ambigües ou fluctuantes. Enfin, notre communication discute la portée de nos arguments. D’un point de vue théorique, nous précisons la caractérisation initiale des conventions à la fois normatives et arbitraires. D’un point de vue méthodologique, nous examinons certaines implications de notre travail pour des projets de recherche appliquée tels que l’étude de l’industrie de la mode menée par Storper et Salais (1997).

Arnaud LE MARCHAND: Désintégration des entreprises de réseaux et convention: Aller-Retour
La désintégration des entreprises dites de "réseau" a engendré de nouveaux usages, une renaissance du travail mobile et de nouvelles fragmentations des territoires. Elle semble contenir de nouveaux risques de désaffiliations et de crises. Cette désintégration fut justifiée par le développement des NTIC qui semblaient régler les problèmes d'information, qui, eux, avaient justifiés les statuts anciens de ces entreprises. Les NTIC permettraient de séparer les différentes couches des réseaux, tout en permettant une régulation efficace, car informée. C'est un effet de la "convention internet" des années 2000 et une mise en cohérence avec l'hypothèse d'efficience des marchés. Cette séparation des différentes couches d'un même réseau a néanmoins fait l'objet de critiques récurrentes, provenant d'ailleurs de plusieurs points de vue, notamment quant à sa généralisation. Cette désintégration, comme l'intégration antérieure, apparaît comme une "convention de représentation" parmi d?autres possibles. Les contestations de ces justifications se sont glissées elles aussi dans la problématique des réseaux et notamment des réseaux sociaux. Les relations entre les individus sont mises en formes par des modèles de réseaux "désintégrés", à la fois rassembleurs et excluants. Les appréciations intersubjectives sont alors médiatisées par des normes ad hoc, créant des communautés plus ou moins durables et en détruisant d'autres. L'acteur se perçoit comme impliqué dans divers réseaux, exclu d'autres, et développe ses stratégies comme un joueur en ligne. On procédera en examinant divers textes et situations exemplaires de ce processus. En paraphrasant Labrousse, on pourrait dire que nos sociétés ont les crises de leurs représentations dominantes.

Kevin MELLET: La guerre des mondes (de production)
Notre communication s'appuie sur une analyse empirique des régies présentes sur le marché de la publicité en ligne français. Nous mettons en évidence les différentes conventions de qualité qui encadrent l'activité de ces intermédiaires. Ce résultat nous permet tout d'abord de nuancer les analyses actuelles qui prédisent l'automatisation complète du marché, via la généralisation  des technologies de ciblage et d'enchères. De plus, l'examen des dispositifs qui soutiennent ces conventions de qualité, ainsi que de leurs rapports de forces, nous permet d'expliquer plusieurs caractéristiques des prix : leur opacité, leur dispersions et leurs fluctuations.

Références Bibliographiques :

M. Callon, F. Muniesa, 2005, "Economic Markets as Calculative Collective Devices", Organization Studies, 26, (8), p.1229-1250.
D. S. Evans, "The Economics of the Online Adverstising Industry", Review of Network Economics, 7/3, 2008.
F. Eymard-Duvernay, "La qualification des produits", in R. Salais et L. Thévenot (dir.), Marchés, Règles, Conventions, Paris, Economica, 1986.
E. Goldman, 2006, "A Coasean Analysis of Marketing", Wisconsin Law Review, 1151-1221.
R. Salais, M. Storper [1997], Worlds of production: The Action Frameworks of the Economy, HUP.


Nicolas POSTEL: La RSE, une fragile innovation institutionnelle
L’article porte sur les liens entre éthique et RSE. Il propose une définition opérationnelle de l’éthique fondée sur le concept de rationalité communicationnelle dans une optique institutionnaliste-pragmatique (se revendiquant de l’approche conventionnaliste). Sur cette base il distingue et jauge les différentes modalités contemporaines visant à associer éthique et efficacité au sein du capitalisme: paternalisme, fordisme, RSE. A la lumière de cet éclairage conceptuel et historique il propose d’interpréter la RSE comme une forme conventionnelle en cours d’institutionnalisation. La réussite de ce processus d’institutionnalisation, qui dépend principalement du comportement des consommateurs, est la condition sine qua non de l’existence d’une authentique dimension éthique au sein des démarches de RSE. L’existence de firmes responsables ne dépend pas des firmes elles-mêmes... mais des conventions qui les entourent.

Delphine REMILLON: Repenser les politiques d’insertion pour lutter contre le chômage d’exclusion
La tendance actuelle est au développement des actions d’accompagnement en direction des demandeurs d'emploi et plus particulièrement de ceux présentant des risques élevés de chômage de longue durée. Si quelques travaux ont établi un lien positif entre le niveau quantitatif d’offre de services et le taux de retour à l’emploi, il n’existe que peu d’évaluations des prestations d’accompagnement en elles-mêmes. Le travail d’évaluation de la méthode IOD (Intervention sur les Offres et les Demandes) que nous avons réalisé, peut être utilement mobilisé pour repérer "ce qui fonctionne" pour favoriser le retour en emploi. Elle est basée sur l’idée que "personne n’est inemployable", bien qu’elle s’adresse particulièrement aux chômeurs considérés ailleurs comme non directement employables, notamment aux chômeurs de longue durée peu qualifiés. Elle est guidée par le refus de toute action déconnectée d’un objectif concret de retour à l’emploi. Le principe de la méthode IOD est d’expliquer le chômage par les opérations de sélection trop contraignantes et discriminantes, notamment pour les personnes non qualifiées et âgées. Cette vision est congruente avec celle de l’économie des conventions qui s’intéresse aux questions d’évaluation sur le marché du travail et distingue un régime de chômage fondé sur la sélection.

Robert SALAIS: L’action publique et ses conventions: connaître, délibérer, évaluer
L'objectif de cette contribution est simple: faire progresser, pour analyser l'action publique, la connexion entre des champs de recherche habituellement séparés: l'économie des conventions, l'histoire des catégories de l'action publique, les théories de la justice. La contribution est centrée sur le concept de "base informationnelle de jugement en justice" et ses diverses interprétations.

Daniel URRUTIAGUER: Service public et marchés dans le spectacle vivant en France
La mission de service public dépend du compromis dans les conventions liées à la politique culturelle, tournée vers la prise en charge économique de besoins tutélaires. Elle articule dans le spectacle vivant la recherche d’une qualité artistique, au-delà des facilités commerciales, et la démocratisation de l’accès à la culture lettrée. Portée initialement par le ministère des Affaires Culturelles, elle se heurte à des tensions liées à la multiplication de spectacles au cycle de vie raccourci, la diversité des pratiques culturelles, la contestation libérale des subventions de l’offre, la crise de financement du régime d’assurance chômage des intermittents, la stratification des réseaux de production et de diffusion selon le degré de notoriété des artistes.


Avec le soutien de EconomiX (UMR 7166 CNRS et université Paris X),
et de l’école doctorale 396 "économie, organisations, société"
(université Paris X et école nationale supérieure des mines de Paris)




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