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DU MARDI 31 MAI (19 H) AU MARDI 7 JUIN (18 H) 2011



SENS ET CONTEXTE : L'IMPLICITE

(English version)


DIRECTION : François RECANATI

CO-ORGANISATRICE : Marie GUILLOT

Site internet: http://sites.google.com/site/cerisycontext/
Courriel: context.cerisy@gmail.com

ARGUMENT :

D’importants développements ont eu lieu en philosophie du langage ces dix dernières années, avec l’apparition de nouvelles façons d’appréhender l’interaction entre sens et contexte et le rôle des contenus implicites dans la communication linguistique. Les travaux des philosophes du langage dans ces domaines interagissent avec les recherches menées de leur côté par les linguistes sur le thème de l’interface sémantique/pragmatique. On fera le point sur ces avancées diverses en croisant les regards des philosophes du langage et des linguistes.

La manifestation sera multiple: colloque, mais aussi école de formation (soutenue par le CNRS) et point de rendez-vous pour deux réseaux européens de chercheurs travaillant sur les thèmes de la rencontre et venant présenter leurs travaux. Aux ateliers et tables-rondes au cours desquels les chercheurs affronteront leurs points de vue, s’ajouteront les mini-cours donnés dans le cadre de l’école de formation, les présentations de doctorants sélectionnés, et les rendez-vous des réseaux.

La manifestation sera, également, cosmopolite: une dizaine de pays seront représentés. Pour cette raison, l’anglais sera souvent utilisé. Il n’y aura pas de dispositif de traduction simultanée, mais parmi les documents distribués aux participants figureront les résumés en français des interventions.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Mardi 31 mai
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 1er juin
Matin:
Mini-cours 1a
Stephen NEALE (CUNY, Graduate Center): Des plans préconçus pour les propositions

Mini-cours 2a
Stefano PREDELLI (U. Nottingham): La sémantique non-vériconditionnelle

Après-midi:
Table ronde A: Intuitions et expérimentations en sémantique et en pragmatique: Emmanuel CHEMLA (CNRS) & Nat HANSEN (CNRS) [Le contextualisme à l’épreuve de l’expérimentation]

Geoffrey NUNBERG (U. Berkeley): Une sémantique minimale pour les termes péjoratifs, ou comment être méchant sans en faire mine


Jeudi 2 juin
Matin:
Mini-cours 3a
Benjamin SPECTOR (CNRS): Les interrogatifs et la division sémantique / pragmatique

Mini-cours 2b
Stefano PREDELLI (U. Nottingham): La sémantique non-vériconditionnelle

Après-midi:
Sessions Jeunes Chercheurs en parallèle
Session 1: Lavi WOLF (Une approche interpersonnelle des prédicats de goût personnel), Hazel PEARSON (Une sémantique sans juge pour les prédicats de goût personnel), Sarah-Jane CONRAD (A quel point une langue est-elle perméable au contexte?), Alison HALL (Processus pragmatiques "libres", explicature et systématicité)
Session 2: Thiago N GALERY (Une revisitation des "donkey" pronoms et des pronoms métonymiques), Marie-Christine MEYER (Ou sinon, une nouvelle forme de disjonction), Vincent RICHARD (Prédicats de temps et dépendence contextuelle), Anouch BOURMAYAN (De l’incorporation à l’enrichissement pragmatique: une perspective inversée sur les objets implicites indéfinis)
Session 3: Jonas AKERMAN (Intuitions et référence indexicale), Tim SUNDELL (Comprendre le désaccord normatif), Yuuki OHTA & Emanuel VIEBAHN (Une défense de la modestie sémantique), Indrek REILAND (Les signfications linguistiques comme règles sémantiques)

Soirée:
Michael DEVITT: Quel est le problème du contextualisme linguistique?


Vendredi 3 juin
Matin:
Mini-cours 1b
Stephen NEALE (CUNY, Graduate Center): Le pragmatisme linguistique

Mini-cours 3b
Benjamin SPECTOR (CNRS): Les interrogatifs et la division sémantique / pragmatique

Après-midi:
DÉTENTE


Samedi 4 juin
Atelier PETAF (Organisatrice: Isidora STOJANOVIC, Coordinateur: Tom AVERY)
Matin:
Introduction
Conférence inaugurale: Michael DEVITT: En quoi une propriété est-elle "sémantique"?
Paul EGRÉ: Combien de degrés de vérité pour les prédicats vagues?

Après-midi:
Ivan KASA (Stockholm): Contenu et forme logique dans le néo-frégéanisme
Hanoch BEN-YAMI (CEU Budapest): Comment lier les ânes: sur les anaphores ‘donkey’ conditionnelles
Robert MICHELS (Genève): Deux sortes d'opérateurs "actually"
Peter PAGIN (U. Stockholm): Modifier paramètres et propositions


Dimanche 5 juin
Atelier PETAF
Matin:
Matias GARIAZZO (Londres): Désaccord sans erreur et vérité relative
Barry C. SMITH (Birkbeck College, Londres): Comprendre le goût et évaluer les contextes d’évaluation
Manuel GARCÍA-CARPINTERO (Barcelone) & Teresa MARQUES (U. Lisbonne): L’analyse présuppositionnelle des données sur le désaccord

Après-midi:
Dan LOPEZ DE SA (U. Barcelone): L’expression du désaccord: une analyse contextualiste indexicale présuppositionnelle
François RECANATI (CNRS): La co-référence de jure dans le cadre théorique des fichiers mentaux

Réunion du comité PETAF


Lundi 6 juin
Matin:
Sessions Jeunes Chercheurs en parallèle
Session 1: Vassilis TSOMPANIDIS (La croyance temporelle comme croyance De Re), Craig FRENCH (Contre deux manières de motiver le contextualisme perceptuel)
Session 2: Sanna HIRVONEN (Dépendance à la perspective et cécité sémantique), Benjamin LENNERTZ (Modaux épistémiques et spéculation), Mark CRILEY (Cappelen, le Relativisme et l’interprète créatif)

Table ronde B: La compositionnalité est-elle une contrainte substantielle?: Adrian BRICIU (U. Barcelone) [Compositionnalité et théories sémantiques],  David REY (U. Barcelone) [La compositionnalité est-elle une contrainte substantielle pour la sémantique formelle?], Max KÖLBEL (U. Barcelone) [La Compositionnalité comme principe méthodologique?]
[en parallèle aux Sessions Jeunes Chercheurs]

Après-midi:
Sessions Jeunes Chercheurs en parallèle
Session 1: Elmar GEIR UNNSTEINSSON (Du contenu des phrases), Zachary ABRAHAMS (Sous-spécification, spécification, sur-spécification), Thomas HODGSON (Sous-détermination & attitudes rapportées), Delia BELLERI (Sous-détermination sémantique)
Session 2: Ingrid LOSSIUS FALKUM (Une analyse pragmatique de la polysémie systématique), Jeffery B. PRETTI (Substitution, phrases simples, et désignations comme jeux de masques), Alexander DAVIES (Deux conceptions de la sensibilité au contexte: externalisation inutile et calibration), Dirk KINDERMANN (Assertion, relativisme, et de se)
Session 3: Matt MOSS (Impossibilité and ‘Might’ épistémique), Edison BARRIOS (Changement de signification et pureté du "je"), Julie HUNTER (Maintenant: une théorie discursive), Daniel HARRIS (Signification, Contenu et Illocution)


Mardi 7 juin
Matin:
Table ronde C: La sensibilité au contexte de réception: Andrew EGAN (Rutgers) [Quel genre de relativisme adopter?], Tamina STEPHENSON (U. Yale) [La pragmatique de la vérité relative]

Après-midi:
DÉPARTS

RÉSUMÉS :

Zachary ABRAHAMS: Sous-spécification, spécification, sur-spécification
La sous-spécification lexicale correspond à l’idée que la signification d’une expression "sous-spécifie" la contribution faite par cette expression à l’interprétation des phrases qui la contiennent. Dans cet article, je conteste l’application de la sous-spécification aux verbes de lumière. Je prétends que la signification lexicale des verbes de lumière "sur-spécifie" leur contribution sémantique — leur signification inclut l’information requise pour spécifier pleinement une multitude de contributions sémantiques. Je commence par formuler la sous-spécification plus précisément. Je caractérise trois versions différentes de la sous-spécification lexicale: la sous-spécification en terme de  traits, de structure, et de procès. Puis me tournant vers les verbes de lumière, j’examine des cas de variation dialectale de l’utilisation de ces verbes, et je prétends que ces différences correspondent à des différences de signification lexicale. Les différents types de sous-spécification que j’ai relevés ne sont pas en mesure d’expliquer ces différences de signification. Par conséquent, un théoricien affirmant que les verbes de lumière sont sensibles au contexte devrait soutenir que les verbes de lumière sur-spécifient leur contribution sémantique.

Jonas AKERMAN: Intuitions et référence indexicale
Les partisans de diverses théories philosophiques présentent souvent des exemples destinés à susciter certaines intuitions sur la question examinée, intuitions qui sont ensuite censées être utilisées comme un fondement neutre pour l’évaluation. Un problème évident de cette méthode est que les philosophes tendent à proposer des réponses différentes pour ces exemples. Dans cet article, je concentre mon attention sur le débat portant sur la référence indexicale, et j’examine différentes sources possibles pour ces diverses réponses sur les exemples pertinents. Mon argumentation sera la suivante : les réponses ne sont généralement pas réellement décrites comme des réponses purement intuitives. De plus, je considérerai la possibilité d’évoquer certaines considération théoriques pour résoudre ces conflits.

Edison BARRIOS: Changement de signification et pureté du "je"
Dans cet article, je défend l’analyse "standard" de la sémantique de je" — selon laquelle "je" est un indexical pur et automatique — face à un défi posé par Mount (2008). Mount prétend que les intentions ont le rôle sémantique de fixer la référence de "je". Elle fonde son argument sur une série de cas de référence par métonymie dans lesquels elle prétend que les occurrences de "je" ne réfèrent pas au locuteur et ne sont donc pas automatiques. En réponse, j’offre une analyse alternative des cas en question, analyse que je nomme "L’Analyse en terme de Description" (AD). Selon l’AD, les occurrences du pronom de la première personne dans lesquelles il semble avoir une référence métonymique sont interprétées comme des constituants d’une description définie dont l’opérateur a portée large sur une formule ouverte Rxy — où R est une relation sélectionnée contextuellement prenant pour argument des paires d’individus et d’objets. Le rôle des intentions se limite ainsi à déterminer R, ce qui advient après la fixation de la référence de "je". Pour soutenir l’AD, je fournis des preuves du fait que dans les cas examinés, le syntagme (déterminatif) contenant "je" se comporte de manière pertinente comme une description. J’affirme également que l’AD peut rendre compte du caractère non-litéral des exemples de Mount, tout en préservant la simplicité de la sémantique standard de "je".

Delia BELLERI: Sous-détermination sémantique
D'après, la thèse de la sous-détermination sémantique (SDS), la signification de phrases comme "les feuilles sont vertes", "Jill est prête" ou encore "Il pleut" ne permet pas de déterminer les conditions vérités des énoncés leur correspondant. Qu’est-ce cela signifie exactement? Deux lectures du SDS sont possibles. Selon la première lecture, la signification sous-détermine les conditions de vérité parce que la signification elle-même est indéterminée. Selon la seconde lecture, la signification des phrases est déterminée, même si elle ne détermine pas le contenu des énoncés en contexte. Je prétends que la première lecture est incompatible avec la sémantique vériconditionnelle standard, tandis que la seconde est trop générique, car elle couvre également des phénomènes comme l’indexicalité. Je propose alors une notion de sous-détermination sémantique comme sous-articulation phrastique. L’idée est que la signification des phrases sous-détermine les conditions de vérité des énoncés parce des phrases comme "les feuilles sont vertes", "il pleut" etc... n’articulent pas assez de matériel linguistique pour pouvoir donner les conditions de vérité des énoncés.

Hanoch BEN-YAMI: Comment lier les ânes: sur les anaphores ‘donkey’ conditionnelles
Considérez le pronom "le" dans la phrase "donkey" suivante: (D) Si Sancho a acheté un âne, il le bat.
"Le" ne peut pas reprendre la référence d’un terme apparaissant précédemment dans la phrase, car aucun âne spécifique n’a été mentionné. Pour cette raison, la phrase (D) a été tout d’abord analysée comme quantifiée universellement, synonyme de "Pour tout âne, si Sancho l’a acheté, il le bat". Mais bien que l’on s’accorde à dire que cette analyse produit les bonnes conditions de vérité, elle est problématique. Elle traite le NP indéfini "un âne" en (D) comme un NP universellement quantifié, alors qu’un tel NP se comporte habituellement comme étant quantifié existentiellement. Traiter l’indéfini en (D) comme ayant une force universelle peut sembler ad hoc. Dans ma présentation, je dérive la force universelle de "un âne" dans la phrase (D) d’autres faits reconnus sur les conditionnels et les indéfinis. De cette façon, la difficulté sera éliminée et l’analyse originale de (D) ne sera pas seulement acceptable, elle deviendra une conséquence nécessaire d’autres faits reconnus.

Anouch BOURMAYAN: De l’incorporation à l’enrichissement pragmatique: une perspective inversée sur les objets implicites indéfinis
Certains verbes comme manger, lire, chasser..., peuvent apparaître sans objet direct exprimé et recevoir pourtant une interprétation incluant un objet sémantique indéfini, soit existentiel et dans ce cas à peu près équivalent à "quelque chose", soit toujours indéfini mais avec une valeur plus spécialisée. Outre leur valeur indéfinie, les objets implicites indéfinis (OII), regroupant objets implicites existentiels (OIE) et objets implicites spécialisés (OIS), partagent certaines caractéristiques comme le fait d'avoir toujours portée large par rapport aux autres opérateurs de phrase, ou le fait d'être incompatibles avec les datifs personnels. Marti (2009, 2010, 2011) prétend que la bonne analyse des OII est forcément "grammaticale" plutôt que pragmatique. Son analyse repose sur deux arguments. Tout d'abord, elle prétend que les OII doivent être des noms incorporés, puisqu'ils se comportent exactement comme eux. Deuxièmement, elle affirme que les analyses pragmatiques des OII ne peuvent pas rendre compte de leurs propriétés spécifiques. Dans cet article, je propose une analyse pragmatique des OII, selon laquelle les OIE sont des constituants métaphysiques inarticulés, tandis que les OIS résultent d'enrichissement pragmatique libre. Je montre que cette analyse prédit correctement les propriétés spécifiques des OII, et je conclus sur l'idée que la ressemblance frappante entre les OII et les noms incorporés pourrait bien en fait être un argument en faveur d'une analyse pragmatique, et non grammaticale.

Adrian BRICIU: Compositionnalité et théories sémantiques
Ma discussion se centrera sur l’affirmation que la compositionnalité est une thèse falsifiable pour les langues naturelles. Plus exactement, je considérerai ce à quoi une théorie sémantique doit s’engager si elle prétend être compositionnelle. Cela permettra peut-être de clarifier la nature de la compositionnalité. A des fins illustratives, je fixerai mon attention sur des exemples issus de la littérature contextualiste, puisque de nombreux contextualistes ont affirmé que la compositionnalité ne s’applique pas à l’anglais.

Emmanuel CHEMLA & Nat HANSEN: Le contextualisme à l’épreuve de l’expérimentation
Des expériences récentes ont mis en évidence des données qui semblent entrer en conflit avec les analyses contextualistes d’attribution de connaissance (cf notamment Beebe (2011); Buckwalter (2010); Schaffer et Knobe (2010)). Keith DeRose (à venir) prétend que les études expérimentales existantes sont défectueuses et ne menacent donc pas le contextualisme (ou du moins une version notable de cette théorie). Nous expliquons et évaluons les critiques de DeRose à l’égard des études expérimentales du contextualisme et nous testons ses recommandations méthodologiques en menant une nouvelle enquête mettant en jeu les jugements sur les attributions de connaissance. Notre étude confirme certaines des critiques formulées par DeRose à l’égard d’études existantes mais problématise un trait essentiel de l’approche qu’il recommande pour construire des expériences contextualistes. Notre étude révèle également des différences entre les réponses aux cas contextualistes mettant en jeu “sait” et les cas mettant en jeu d’autres expressions dignes d’intérêt pour les contextualistes (tels que les adjectifs de couleur). Nous concluons en réfléchissant sur l’importance du protocole expérimental pour les expériences de pensée aussi bien que pour les enquêtes.

Sarah-Jane CONRAD: A quel point une langue est-elle perméable au contexte?
D’après John MacFarlane, le Contextualisme se trompe quand il suppose que la signification des expressions telles que “petit” ou “grand” est trop faible pour déterminer un contenu véri-évaluable lorsque ces expressions sont utilisées dans une phrase. La théorie défendue par MacFarlane lui-même, à savoir le Contextualisme Non-Indexical, postule que les phrases énoncées expriment une proposition et ont une intension. Cependant, pour déterminer leur valeur de vérité, des informations supplémentaires fournies par les points d’évaluation sont requises, en particulier des informations liée à ce que l’on appelle le paramètre de ‘décompte’. L’approche de MacFarlane risque cependant de souffrir des mêmes faiblesses qu’il impute aux intensions de Cappelen et Lepore: les Intensions de phrases contraires telle que ‘Jean est grand’ et ‘Jean est petit’ ne peuvent plus être distinguées. Le problème de MacFarlane soulève la question de savoir à quel point une langue est perméable au contexte.

Mark CRILEY: Cappelen, le Relativisme et l’interprète créatif
Herman Cappelen a récemment défendu une position qu’il nomme le relativisme du contenu (RC): il s’agit de la thèse selon laquelle un seul et même énoncé peut avoir un contenu différent dans différents contextes d’évaluation et d’interprétation. Dans son analyse la plus récente du phénomène, L’interprète Créatif, 2008, Cappelen défend l’hypothèse du RC en utilisant des exemples mettant en jeu un langage prescriptif: des instructions, des ordres et des lois. Dans la première partie de cet article, je mets en évidence certains problèmes auxquels se heurtent les arguments avancés par Cappelen en faveur du RC ; dans la seconde partie, je suggère une manière de reformuler le RC et je montre qu’elle permet d’éviter ces écueils. Je prétends que la version de Cappelen sur le RC et les arguments sur lesquels il s’appuie nous entraînent sur une mauvaise voie pour comprendre la contribution que les interprètes font au contenu du langage législatif en particulier, et aux termes sensibles à l’interprétation en génral. J’affirme que d’autres exemples de termes sensibles à l’interprétation — incluant des jugements en bonne et due forme ou pas — motivent fortement une analyse relativiste. Cependant, en développant le RC pour accommoder ces exemples, il apparaîtra que celui-ci prend une forme différente de celle esquissée par Cappelen.

Alexander DAVIES: Deux conceptions de la sensibilité au contexte: externalisation inutile et calibration
Je distingue deux manières de comprendre la sensibilité au contexte. Selon la première, la sensibilité au contexte est redondante, car sans elle, notre capacité à communiquer les uns avec les autres serait intacte et pourrait même s’en trouver améliorée (cf. Frege (1948, p.211) et Cappelen and Lepore (2005, chapter 8)). La sensibilité au contexte est une externalisation inutile d’un travail qui pourrait être accompli par des symboles, par leur signification et par leur structure seuls. Selon l’autre conception, la sensibilité au contexte est nécessaire pour communiquer de manière informative. Il s’agit d’un phénomène comparable à la calibration que subit l’extension des termes théoriques lorsque l’on contrôle les facteurs de confusion idiosyncrasiques de la circonstance dans laquelle la théorie est appliquée (cf. Hempel (1988)). Cette seconde manière d’appréhender la sensibilité au contexte sert la thèse de Barba (2007), Diamond (1981) et Travis (2009) concernant la relation entre sémantique formelle et langue naturelle.

Michael DEVITT: Quel est le problème du contextualisme linguistique?
J’argue que les travaux des tenants du contextualisme linguistique illustrent trois erreurs importantes:
1. Une confusion entre, d’une part, la métaphysique du sens, centrée sur le locuteur, et qui a trait à ce que constitue ce qui est dit, signifié, etc., et d’autre part, l’épistémologie de l’interprétation, centrée sur l’auditeur, et qui a trait à la façon dont l’auditeur décide ce que le locuteur a dit, a voulu signifier, etc.
2. L’acceptation du "Rasoir d’Occam modifié", compris de telle façon qu’il militerait contre le fait de poser un nouveau sens dans tout les cas où le message peut être dérivé au moyen d’une inférence pragmatique.
3. La promotion d’une "pragmatique vériconditionnelle", selon laquelle le sens de la phrase, dans une énonciation, ne fournit pas à lui seul un contenu vériconditionnel (même après la désambiguïsation et la fixation de la référence). Ce sens devrait être complété de façon pragmatique, et pourrait l’être d’un nombre infini de façons, donnant lieu à un nombre infini de conditions de vérité possibles.

Michael DEVITT: En quoi une propriété est-elle "sémantique"?
On distingue habituellement les propriétés "sémantiques" d’un énoncé de ses propriétés "pragmatiques", et ce qui est "dit" de ce qui est "signifié". Sur quel fondement peut-on mettre quelque chose d’un côté ou de l’autre? C’est souvent par les intuitions que l’on résout de telles questions. L’article rejette cette approche, affirmant la nécessité d’un fondement théorique pour ces distinctions. On peut le voir en notant que les langues sont des systèmes représentationnels que les scientifiques attribuent à des espèces pour expliquer leurs comportements communicationnels. Nous avons alors un intérêt théorique fort à distinguer (a) les propriétés représentationnelles d’un énoncé qui émergent simplement de l’exploitation par le locuteur d’un système linguistique de (b) toute autre propriété pouvant constituer le "message" du locuteur. J’appelle les premières propriétés "sémantiques" et les dernières "pragmatiques". Les propriétés sémantiques sont constituées par les conventions linguistiques, les désambiguïsations, les fixations de référence, et sans doute par rien d’autre. J’indique brièvement quelles en sont les conséquences pour le débat sémantique-pragmatique.

Andrew EGAN: Quel genre de relativisme adopter?
Différentes variétés de relativisme (ou tout du moins, de positions qui se présentent sous le nom de "relativisme") sont aujourd’hui disponibles. J’opère des distinctions entre plusieurs d’entre elles, et j’argue en faveur de la forme de relativisme qui se fonde sur la proposition de David Lewis et Roderick Chisholm, selon quoi nous devrions envisager les objets des attitudes comme des propriétés.

Paul EGRÉ: Combien de degrés de vérité pour les prédicats vagues?
L'objet de ma communication est de proposer un argument en faveur de l'idée que la logique trivalente constitue un cadre adéquat pour le traitement des prédicats vagues. Selon cette perspective, le grain de la logique bivalente classique est trop gros pour rendre compte du vague. Inversement, le grain de la logique floue est sans doute inutilement fin. L'exposé prendra comme point de départ la théorie du vague proposée récemment par N. Smith dans Vagueness and Degrees of Truth. Smith défend une théorie du vague en termes de degrés de vérité, de façon à rendre compte du principe dit de proximité. Selon ce principe, si deux objets x et y sont semblables sous les aspects pertinents pour l'attribution du prédicat P, alors la valeur de vérité de P(x) et celle de P(y) doivent être proches (sans nécessairement être identiques). L'une des thèses de Smith est que le principe de proximité demande qu'on introduise un grand nombre de valeurs de vérité. De fait, Smith utilise une infinité non-dénombrable de telles valeurs, comme dans la logique floue standard. Toutefois, la notion de conséquence logique qu'il propose pour la logique floue n'est pas la notion standard et lui permet de préserver la logique classique. Dans un travail récent avec Cobreros, Ripley et van Rooij, nous avons proposé un cadre sémantique pour les prédicats vagues qui repose sur une architecture bivalente, mais qu'on peut faire correspondre de façon attendue avec une approche trivalente. Notre approche, en outre, propose une définition de la conséquence logique très voisine de celle de Smith. Je présenterai plusieurs éléments de ce travail, qui suggèrent que la notion de proximité de Smith peut être adéquatement traitée dans un cadre trivalent. Le but de ma communication, plus généralement, est de contribuer par là à une meilleure compréhension de la notion de valeur sémantique pour les énoncés.

Craig FRENCH: Contre deux manières de motiver le contextualisme perceptuel
Je tente de défendre le principe selon lequel si S voit une partie propre attachée à un objet matériel, alors S doit voir cet objet. Une partie de l’argumentation met en jeu un développement de et un défi à ce que j’appellerai le contextualisme perceptuel, qui, si on l’applique à "voit”, est l’idée que "voit" ou "voit o" est sémantiquement sensible au contexte. On pourrait tenter de soutenir un tel contextualisme avec des paires de cas dont l’un viole le principe mentionné ci-dessus. En d’autres termes, on peut recourir à des paires A et B répondant aux contraintes suivantes: on fixe le paramètre selon lequel une partie propre attachée à o est vue (outre d’autres conditions perceptuelles), mais l’on fait varier d’autres facteurs "contextuels" de façon à ce qu’en A, "voit o" puisse être attribué avec justesse à notre sujet, tandis qu’en B non — en dépit de ce que dit le principe. Je considère deux cas de la sorte. Il est possible d’expliquer les données avec une forme ou une autre de contextualisme. Je propose cependant une analyse alternative non-contextualiste de ces deux cas exploitant le fait que "voit" est massivement polysémique.

Thiago N GALERY: Une revisitation des "donkey" pronoms et des pronoms métonymiques
Le but de cette présentation est de revisiter certaines propriétés interprétatives des "donkey" pronoms — expressions dont l’interprétation dépend d’une autre expression qui ne peut les lier — et des pronoms métonymiques qui dépendent de l’identification d’un individu en contexte, mais dont l’interprétation est descriptive. Je tends à montrer qu’il existe des similarités frappantes entre les deux ensembles de données et je propose une explication unifiée des deux phénomènes combinant la syntaxe dynamique (Kempson et al 2001, Cann et al 2005) et la théorie de la pertinence (Sperber et Wilson 1995, Carston 2002).

Manuel GARCÍA-CARPINTERO & Teresa MARQUES: L’analyse présuppositionnelle des données sur le désaccord
Dans une série d’articles, Dan López de Sa a défendu une version du contextualisme pour les prédicats de goût (et les prédicats d’évaluation morale et esthétique) dans laquelle les impressions de désaccord (par rapport auxquelles de telles analyses sont censées être en difficulté selon les relativistes) s’expliquent par les présuppositions de similitude qu’elles portent. Récemment, Carl Baker a publié une critique approfondie de cette approche. Dans cet article, nous (i) répondrons à la critique de Baker, (ii) proposerons une critique différente de la proposition de López de Sa qui nous est personnelle, et (iii) défendrons une forme modifiée de l’approche contextualiste en termes de présuppositions de similitude pour les prédicats de goût, selon laquelle ce que l’on présuppose comme étant partagé par les locuteurs sont les attitudes pratiques - une analyse qui selon nous s’applique également aux épithètes raciaux. Nous conclurons en comparant cette proposition à une analyse purement contextualiste récemment défendue par Schaffer, et à une proposition relativiste mise en avant par Egan.

Matías GARIAZZO: Désaccord sans erreur et vérité relative
Certains partisans du relativisme ont affirmé que le prétendu phénomène de désaccord sans erreur constitue une preuve de la validité de leur théorie, dans la mesure où celle-ci est la seule capable d’en rendre compte. L’objet de cet essai est de montrer que s’il y avait en effet des cas de désaccord sans erreur, aucune des positions relativistes ne réussirait à les expliquer. Je parviens à cette conclusion en défendant les quatre points suivants: (i) le relativisme modéré ne nous donne aucune raison sérieuse de penser que les prétendus cas de désaccord sans erreur sont de véritables désaccords; (ii) les analyses considérées comme des relativismes modérés et radicaux constituent, d’un point de vue métaphysique, des versions pluralistes de positions réalistes; (iii) une position relativiste métaphysique n’explique aucunement le désaccord sans erreur; (iv) si l’on adopte une notion plausible d’assertion, il semble qu’on ne puisse pas dégager d’analyse réaliste mais relativiste différente du relativisme modéré.

Matias Gariazzo travaille depuis trois ans sur le débat entre minimalisme et contextualisme. Dans son article "Minimalisme and intuitions des locuteurs" (Ideas y valores, à paraître), il défend une position contextualiste. Néanmoins, son intérêt pour le débat l’a conduit à s’interroger sur la possibilité de recourir au relativisme comme une manière alternative de concevoir le contenu de certaines phrases. Actuellement, il s’intéresse également à la valeur métaphysique de cette thèse.

Elmar GEIR UNNSTEINSSON: Du contenu des phrases
Dans cet article, je défends la thèse que la signification linguistique d’une expression φ sous-détermine la proposition exprimée par un locuteur grâce à φ. Mon argumentation repose sur une distinction néo-gricéenne entre (i) ce qui est dit, (ii) ce par quoi ce qui est dit est dit et (iii) ce que le locuteur veut dire. Je propose quatre grande catégories de sous-spécification : ostensive, elliptique, aléthique et fonctionnelle. La stratégie de postuler des constituants inarticulés est explorée pour sa généralité. Bien que ceci n’ait pas été souligné dans la littérature, cette stratégie ouvre la possibilité de “surarticuler” ses pensées. Il est intéressant de noter que même dans de tels cas, la signification linguistique de φ continuera à sous-déterminer ce qui est dit en énonçant φ. D’où une distinction entre sous-spécification essentielle et conventionnelle. La première est une relation binaire entre différents types d’éléments, tels la signification linguistique et le contenu, tandis que la seconde doit être une relation binaire entre des éléments de même type, comme des expressions simples ou composées. Ceci est censé montrer que le type de sous-spécification qui nous intéresse est en fait un trait essentiel de la signification linguistique.

Alison HALL: Processus pragmatiques "libres", explicature et systématicité
Dans cette présentation, j’examine une objection faite aux théories qui postulent des contributions pragmatiques "libres" (c’est-à-dire non motivées linguistiquement) au contenu explicite des énoncés. L’objection consiste à dire que de tels processus sont insuffisamment contraints, et rendent impossible une analyse systématique de notre compréhension du contenu explicite. En réponse, je montre tout d’abord que l’objection implique de travailler avec une conception hautement sous-spécifiée de ce que sont ces processus pragmatiques, conception qui échoue à apprécier leur sensibilité au contexte. Deuxièmement, je considère l’approche alternative, qui tend à accommoder le caractère optionnel des effets en question en postulant une structure optionnelle linguistique cachée (cf. Marti 2006, Merchant 2010). Je prétends qu’une telle structure n’a aucun rôle dans le traitement des énoncés, et n’a ainsi aucune réalité syntactique dans le système linguistique, même au niveau d’une analyse de la compétence.

Nathaniel HANSEN
Nathaniel Hansen est chercheur postdoctoral à l'Institut Jean-Nicod, dans le cadre du projet ERC de François Recanati "Context, Content and Compositionality". Il a obtenu son doctorat en philosophie de l'Université de Chicago en 2010 avec une thèse sur le contextualisme radical. Ses recherches actuelles portent sur le contextualisme, le sens des termes de couleur, et les fondements empiriques des théories sémantiques et pragmatiques.

Daniel HARRIS: Signification, Contenu et Illocution
De quelle nature est la contrainte exercée par la signification d’une phrase sur ce que les locuteurs peuvent dire en prononçant cette phrase? Selon moi, il est possible d’éclairer cette question en se posant une question analogue sur la manière dont la signification d’une phrase contraint la force illocutoire des actes de langages littéraux accomplis par l’énonciation de cette phrase. Je défendrai l’idée que le rôle explicatif de la signification linguistique dicte que ces deux types de contraintes soient de même nature. Puis je défendrai l’idée que, puisque la thèse selon laquelle la signification linguistique détermine partiellement ce qui est dit ne peut pas être adaptée pour expliquer la manière dont la signification contraint la force, nous devrions rejeter cette thèse. Pour finir, je suggérerai une analyse alternative selon laquelle la signification linguistique d’une phrase impose une série de contraintes sur les actes de langage accomplis par cette phrase, mais d’une manière indirecte, en limitant les effets que les locuteurs peuvent espérer produire sur les destinataires en prononçant cette phrase.

Sanna HIRVONEN: Dépendance à la perspective et cécité sémantique
Cette présentation défend l’idée que les locuteurs sont partiellement ignorants des conditions de vérité de certaines expressions, c’est-à-dire sont sémantiquement aveugles, selon l’appellation dépréciative du phénomène. Pour les besoins de l’exposé, admettons que les perspectives sont des personnes à un moment donné. Ce que j’appelle la dépendance à la perspective est la thèse selon laquelle certaines expressions (ou leur usage) (i) font référence à une perspective entrant dans la détermination des conditions de vérité de la phrase dans laquelle elles apparaissent, et (ii) ne se comportent pas comme des indexicaux ou des démonstratifs. Dans cet exposé, je fais l’hypothèse qu’il existe des expressions dépendant de la perspective, par exemple les prédicats de goût (délicieux, amusant), et de manière plus polémique d’autre adjectifs gradables (grand, probable). Je prétends que l’analyse la plus plausible de la dépendance à la perspective accepte le fait que bien que (i) soit vraie, les locuteurs sont typiquement non conscients de la présence de la perspective dans les conditions de vérité ; en d’autres termes, ils sont sémantiquement aveugles en ce qui concerne les perspectives. Ainsi, leurs intuitions sur la valeur de vérité des énoncés dépendent de leur propre perspective, mais ils considèrent eux-mêmes et les autres comme faisant des affirmations indépendantes de la perspective. Celà explique les différences de comportement entre les expressions dépendant du contexte et les expressions dépendant de la perspective.

Thomas HODGSON: Sous-détermination & attitudes rapportées
Il existe une tradition en philosophie du langage et en linguistique, parfois nommée contextualisme, qui soutient que la signification linguistique ne détermine pas entièrement ce qui est dit. D’après Robyn Carston, je nomme cette thèse indétermination. Celle-ci est à juste titre considérée comme ayant des conséquences d’une portée extrême pour les théories de la communication linguistique. Je décrirai tout d’abord une des conséquences de l’indétermination sur le traitement des attitudes propositionnelles rapportées. Puis je présenterai une manière d’accommoder ces conséquences dans le cadre d’une approche traditionnelle des attitudes rapportées. Enfin, je mettrai mon analyse en regard avec une autre analyse récemment proposée par Ray Buchanan. Je conclurai que mon analyse rend compte des faits aussi bien que la sienne, tout en s’appuyant sur une métaphysique du contenu plus parcimonieuse.

Julie HUNTER: Maintenant: une théorie discursive
Alors que “maintenant” est généralement interprété par rapport au moment de l’énoncé et ne peut être utilisé anaphoriquement pour faire référence à un temps passé, il y a des cas où il peut être utilisé ainsi: “J’étais seul dans sa chambre austère. Seul, parce que plus rien d’elle n’était là, juste un corps qui n’avait maintenant plus grand chose à voir avec ma mère". Cet article propose une théorie des usages anaphoriques passés de “maintenant”. J’affirme que “maintenant” dépend d’un point de perspective qui ne correspond pas nécessairement au moment de l’énonciation, mais contrairement aux analyses existantes de “maintenant”, je prétends que ce point de perspective est déterminé par la structure rhétorique du discours. L’idée est que “maintenant” impose une structure sur l’ordre temporel ; il divise une période donnée de ce qui la précède et de ce qui la suit. “Maintenant” a également un effet de mise en évidence, de sorte que le discours requiert une attention particulière aux événements / états décrits par la proposition en “maintenant” ; la proposition doit contribuer au point central de l’histoire, plutôt qu’aux informations d’arrière-plan.

Ivan KASA: Contenu et forme logique dans le néo-frégéanisme
Je présente une analyse des objets qui soutient l’analyse abstractionniste suivante: la partie gauche d’un principe d’abstraction concerne tout ce qui est mentionné dans son équivalent droit, y compris les entités abstraites individuées par ce principe. Ceci est atteint sans abandonner l’équivalence nécessaire exprimée par ce principe, et sans confondre les objets des équivalents nécessaires de manière générale.

Dirk KINDERMANN: Assertion, relativisme, et de se
Les relativistes prétendent que le contenu des assertions est plus fin qu’un ensemble de mondes possibles ; les locuteurs n’entendent pas seulement communiquer des informations sur le monde. Mais comme chacun sait, les relativistes doivent faire face au défi lancé par Evans: quel est le but de ces assertions, si ce n’est d’affirmer une vérité sur le monde? La plupart des relativistes privilégient une réponse liée à une norme égocentrique de l’assertion: asserte une phrase S (dans un contexte d’énonciation c) seulement si S (en c) est vraie selon ta propre perspective. Dans cet exposé, je défends l’idée d’une norme centrée sur le groupe: asserte une phrase S (dans un contexte d’énonciation c) seulement si S (en c) est vraie selon la perspective de tous les participants conversationnels. Je développe une analyse de la communication dans laquelle l’enjeu de la communication est la coordination de nos perspectives sur le monde. Cette analyse rend compte de la communication des croyances sur le goût aussi bien que des croyances de se, illuminant ainsi leurs similarités et leurs différences. Elle rend également compte de la dynamique du désaccord.

Max KÖLBEL: La Compositionnalité comme principe méthodologique?
Les principes de compositionnalité incluent souvent l’idée que la signification (dans un sens donné) des expressions complexes d’une langue est déterminée par la signification de leur constituants et de la manière dont ils sont assemblés. Néanmoins, l’apport exact de ce principe et plus particulièrement son statut empirique restent peu clairs. Dans cette contribution, j’examinerai certaines conceptions de la compositionnalité qui présentent celleci comme un principe empirique (en particulier Szabó 2010). Je défendrai l’idée qu’il est facile de voir qu’un tel principe est faux, et que ceci ne nécessite pas les contre-exemples typiquement “contextualistes”, et ne constitue pas non plus un problème fondamental pour la sémantique. J’explorerai ensuite l’analyse selon laquelle la compositionnalité est un principe méthodologique. J’essaierai d’expliquer pourquoi, selon cette analyse, la compositionnalité n’est pas non plus une vérité a priori.

Ben LENNERTZ: Modaux épistémiques et spéculation
Dans cet article, je propose une nouvelle analyse du désaccord mettant en jeu les modaux épistémiques. J’examine le type de données qui a guidé les relativistes et certains contextualistes, comme von Fintel et Gillies. Je rejette l’idée qu’il soit suffisant d’analyser le désaccord dans les cas enchâssés comme non-enchâssés en termes de désaccord propositionnel (non-relativiste). Je suggère d’utiliser plutôt la notion de désaccord au niveau de l’attitude. Je postule un nouveau type d’attitude d’incertitude, que j’appelle “spéculation”. Il s’agit de l’attitude que l’on a par rapport à une proposition dont la vérité nous semble hautement probable. Je donne une sémantique contextualiste couplée avec une pragmatique qui intègre la spéculation pour expliquer les cas problématiques de désaccord au niveau de l’attitude.

Dan LOPEZ DE SA: L’expression du désaccord: une analyse contextualiste indexicale présuppositionnelle
En ce qui concerne les prédicats de goût personnel et les prédicats évaluatifs en général, il semble y avoir de possibles variations dans les jugements sur certaines questions du domaine, n’impliquant de faute de la part d’aucun participant (Wright 1992). Selon le relativisme, ces apparents désaccords sans faute doivent être assumées. Selon le relativisme contextualiste, cela peut être fait dans un cadre général qui admet pour notion sémantique de base l’idée d’une phrase p vraie dans un contexte c par rapport à un indice i : il peut effectivement se trouver que p soit vraie en c (par rapport à son indice), mais fausse en c* (par rapport à son indice) (Lewis 1980). D’après le relativisme contextualiste indexical, cela se produit en vertu du fait que le contenu de la phrase p en c est différent de celui de p en c* (MacFarlane 2009). Le relativisme contextualiste indexical semble ainsi rendre parfaitement compte de l’absence de faute des jugements qui pourraient être exprimés en utilisant p en c mais non pas en c*. Qu’en est-il des faits qui impliquent des intuitions de désaccord, comme le révèlent les disputes ordinaires dans le domaine? Dans les récents débats sur ces questions, la plupart présupposent que le contextualisme indexical ne peut tout simplement pas expliquer ces faits, et doit ainsi être rejeté (Wright 2001, Kölbel 2004). Selon moi, il existe une version du contextualisme indexical qui peut se prémunir contre une telle objection (Lewis 1989, López de Sa 2007, 2008). Une telle analyse exploite des présuppositions de similitude qui ont pour effet de présenter l’interlocuteur comme partageant les traits pertinents du locuteur (ou de toute autre personne du contexte saillante de manière pertinente). Dans cet article, je répète les principaux dogmes de cette conception, j’examine d’autres objections récentes, et je la compare à d’autres propositions qui ont été récemment avancées.

Ingrid LOSSIUS FALKUM: Une analyse pragmatique de la polysémie systématique
Cet article examine le type de polysémie systématique qui repose sur la distinction entre les utilisations comptables et massives de certains noms (par exemple, "Marie a tiré sur un lapin/a trouvé le lapin très bon/ portait du lapin"). Les approches en sémantique computationnelle ont défendu une analyse influente selon laquelle de telles alternances de sens devraient être traitées comme découlant d’un ensemble de règles d’inférence lexicales spécialisés. Je conteste ce type d’analyses parce que (i) elles n’offrent pas cette souplesse interprétative requise pour rendre compte de la diversité des sens mis en jeu dans la polysémie systématique ; (ii) elles surgénèrent, et (iii) elles requièrent l’intervention de plusieurs mécanismes interprétatifs dans des contextes quasi-identiques. A la place, je propose une analyse alternative essentiellement pragmatique de la polysémie systématique, dans laquelle la distinction comptable-massif est traitée comme une distinction sémantico-conceptuelle apparaissant au niveau des occurrences des NPs entiers, et non comme une propriété syntaxique des noms. Cela permet aux NPs d’être encodés avec une dénotation soit comptable soit massive, qui fournit ensuite une instruction au système pragmatique sur le format du concept en question. C’est sur la base de tels inputs sous-spécifiés, de l’information encyclopédique associée au concept la plus fortement activée, et des hypothèses conceptuelles dérivées de la situation d’énonciation, que le système pragmatique fournit le concept que le locuteur entend communiquer.

Marie-Christine MEYER: Ou sinon, une nouvelle forme de disjonction
Dans cet exposé, je présenterai et tenterai d’analyser une construction qui pose un véritable défi pour toute théorie de la disjonction ; celle-ci est illustrée en (1) et (2):
(1) Bernadette doit être riche ou sinon elle ne posséderait pas une Porsche.
(2) Chaque pronom doit être engendré avec un index, ou sinon il sera ininterprétable.
Je montrerai que ce qui est prononcé comme une disjonction connective semble être interprété comme une conjonction. Je suggérerai une analyse qui met en jeu deux éléments indépendants : un élement anaphorique modal et une signification sous-spécifiée pour ou.

Robert MICHELS: Deux sortes d'opérateurs "actually"
En logique modale, l’adverbe “actually” est traité comme un opérateur modal qui complète les deux opérateurs plus fréquents “possibly” et “necessarily”, et qui augmente la force expressive d’un langage modal en offrant le moyen de changer le monde d’évaluation depuis ce langage. Il y a en langue naturelle différentes manières d’utiliser “actually” qui posent a priori des difficultés pour les différentes sémantiques proposées par les logiciens. J’introduirai certaines de ces sémantiques et considérerai dans quelle mesure elles peuvent surmonter ces difficultés.

Matt MOSS: Impossibilité and ‘Might’ épistémique
La possibilité épistémique est typiquement plus vaste que la possibilité métaphysique ou logique. Ce qui est possible étant donné un ensemble de connaissances comprend ce qui n’est pas possible étant donné les faits de la métaphysique ou de la logique. A cette vérité conceptuelle correspond son expression linguistique : les affirmations mettant en jeu un “might” épistémique et une proposition impossible. Intuitivement, l’indépendance de la possibilité épistémique à l’égard de la possibilité logique et métaphysique se refléterait dans la sémantique de “might” épistémique ; ainsi, nous nous attendrions à ce que de telles affirmations soient parfois vraies.
Cette intuition s’accorde bien avec une ancienne analyse de “might” épistémique, due à G.E. Moore, qui fait de la modalité épistémique le dual de la connaissance : “Might φ” est vrai seulement si la négation de φ n’est pas une connaissance.
D’après l’analyse maintenant standard due à Angelika Kratzer, “might φ” est vrai seulement s’il existe un monde possible, accessible depuis les mondes déterminés par les connaissances pertinentes, dans lequel φ est vrai. Les raffinements de cette analyse négligent typiquement le cas où φ est une simple possibilité épistémique. Je défendrai l’idée que cette négligence est problématique pour l’analyse standard. Je défendrai également l’idée qu’une fois les différents prérequis pour une théorie de “might” épistémique démélés, l’ancienne analyse de Moore gagne en plausibilité. Je conclus en examinant avec attention certaines définitions proposées pour un “monde épistémiquement possible” à la lumière des considérations précédentes.

Stephen NEALE: Des plans préconçus pour les propositions
C’est un article de foi pour de nombreux philosophes et linguistes que la signification d’une phrase sous-détermine ce que dit un locuteur, ou bien la proposition qu’un locuteur exprime, en utilisant cette phrase à une occasion donnée. Sans une caractérisation claire des relata, il sera probablement difficile de caractériser la relation d’indétermination plus précisement qu’en disant qu’elle implique la non-identité, c’est-à-dire que “X sous-détermine Y” implique que “X≠Y”. D’un côté de l’équation, on trouve trois positions générales sur la nature des propositions dans la littérature, positions caractérisées par leur granularité : (1) les théories frégéennes (2) russelliennes, et (3) véri-conditionnelles. De l’autre côté de l’équation, on trouve des suggestions sur la signification des phrases comme propositions partielles ou incomplètes, comme radicaux et schémas propositionnels, comme modèles et plans préconçus pour les propositions. Nous pouvons ici distinguer trois positions générales, que j’appellerai : (1) théories du comblement (la signification d’une phrase est une proposition contenant des trous qui doivent être comblés), (2) théories fonctionnelles (la signification d’une phrase est une fonction propositionnelle), et (3) les théories instructionnelles. Dans ces deux séminaires, j’argumenterai contre les théories du comblement et les théories fonctionnelles et en faveur d’une théorie instructionnelle particulière que j’appelle la théorie du plan préconçu, elle-même fondée sur ce que j’appelle une conception syntactico-actancielle du langage. Combiner la théorie du plan préconçu avec une théorie russellienne des propositions fournit les moyens de caractériser clairement deux notions différentes (mais intimement reliées) qui peinent jusqu’à présent sous l’étiquette d’“indétermination” (essentiellement à cause de la confusion répandue entre deux concepts de détermination différant l’un de l’autre de manière notoire). Ces deux notions d’”indétermination” sont centrales à la compréhension du langage et de son utilisation, mais l’une concerne la constitution (métaphysique) de ce qui est dit et l’autre l’identification (épistémique-évidentielle) de ce qui est dit (quelle que soit sa constitution). Une fois l’architecture conceptuelle mise en place, on comprend mieux pourquoi de nombreux débats sur la détermination “sémantique” ou “pragmatique” des “conditions de vérité” sont incohérentes ou futiles, symptômes d’arguments confus sur l’impact plus ou moins grand du contexte, du sujet abordé, des maximes conversationnelles, de la pertinence, de la saillance, des connaissances d’arrière-plan et d’autres “facteurs pragmatiques” sur ce que dit un locuteur, échouant à reconnaître deux façons non-concurrentes d’effectuer une distinction explicative et importante sur le plan théorique entre la sémantique et la pragmatique, l’une centrale pour les discussions sur ce qu’un locuteur veut dire, l’autre pour les questions sur la manière d’identifier ce qu’un locuteur veut dire.

Geoffrey NUNBERG: Une sémantique minimale pour les termes péjoratifs, ou comment être méchant sans en faire mine
Les termes péjoratifs soulèvent deux types de questions. Premièrement, comment parviennent-ils à véhiculer du dédain vis à vis des membres d’un groupe et à leur imputer un ensemble de traits dévalorisants? Quel est le rôle de la signification lexicale dans ce fait et qu’est-ce qui relève ce que l’on asserte quand on les utilise? Ma réponse à chacune de ces questions est, en deux mots, quasiment rien. La signification linguistique d’un mot péjoratif comme peau-rouge est décrite de manière à peu près complète par une définition typique de dictionnaire ; par exemple, “peau-rouge: (souvent argotique) Utilisé comme un terme désobligeant pour désigner un Indien américain”. Cette analyse peut être généralisée à d’autres termes évaluatifs. Mais une seconde question concerne une propriété que (certains) termes péjoratifs partagent seulement avec les descriptions vulgaires, propriété que j’appelle solvabilité universelle: ils peuvent évoquer des sentiments forts en vertu de leur forme seule, et ce potentiel imprègne jusqu’aux opérateurs, comme la citation, qui absolvent habituellement le locuteur de la responsabilité de leur contenu - il n’est pas même possible de les citer en mention. Cette propriété est de l’ordre d’un acte locutoire, non illocutoire, et ne peut être expliquée par aucune analyse de la manière dont ils se chargent d’un apport évaluatif (pas même par la mienne).

Yuuki OHTA & Emanuel VIEBAHN: Une défense de la modestie sémantique
La modestie sémantique est une combinaison des deux thèses suivantes: (i) les intuitions des locuteurs ordinaires ne sont pas des indicateurs fiables du contenu sémantique d’un énoncé ; (ii) le rôle joué par le contenu sémantique dans l’interprétation d’un énoncé est minime. Dans cet exposé, nous défendons la modestie sémantique mise en avant par Bach et Cappelen & Lepore contre les objections de King & Stanley. King & Stanley prétendent qu’une théorie sémantiquement modeste ne peut pas être compositionnelle, et qu’elle est moins systématique que leur propre théorie, qui est sémantiquement immodeste. Nous montrons que ces objections ne concernent pas (i), puis nous argumentons en faveur de l’idée qu’elles ne touchent pas non plus (ii). Une théorie qui est modeste sur le rôle du contenu sémantique peut être compositionnelle et n’est pas nécessairement moins systématique qu’une théorie sémantiquement immodeste.

Peter PAGIN: Modifier paramètres et propositions
Pour remplir leur rôle dans les explications de l’action en termes de croyances et de désirs (enchâssés), il faut que les croyances aient des contenus dont les valeurs de vérité restent fixes à travers le temps. Ainsi les propositions doivent-elles être éternelles. Mais dans la sémantique Kaplanienne, si les propositions sont éternelles, les paramètres de temps appartiennent au contexte d’énonciation et participent de toutes les propositions pour lesquelles le temps importe. Ainsi, les opérateurs temporels modifient le contexte d’énonciation. La phrase (1) “Il pleut toujours là où je suis” est alors vraie dans un contexte c par rapport au monde w de c ssi la phrase (2) “Il pleut là où je suis maintenant” est vraie à tout moment pour le locuteur de c par rapport à w. Mais changer le temps c’est changer le contexte, et cela modifie d’un même geste la référence de “maintenant” (“maintenant” est alors un monstre). Cela fausse la signification de (1). Ainsi, les propositions doivent être temporelles. D’où une contradiction. Je suggérerai une solution.

Hazel PEARSON: Une sémantique sans juge pour les prédicats de goût personnel
Nous proposons une nouvelle analyse de la sémantique des prédicats de goût personnel (PGPs) comme bon ou plaisant, qui va à l’encontre de propositions récentes (Lasersohn 2005, Stephenson 2007) en ce qu’elle n’introduit pas de juge comme nouveau paramètre dans l’index d’évaluation. Nous identifions certaines lacunes dans les propositions précédentes, arguant que les PGPs présentent un composant sémantique orienté vers la première personne dans les cas d’apparente interprétation exocentrique. Notre thèse est que l’interprétation des PGPs met en jeu une généricité orientée vers la première personne du même type que celle identifiée par Moltmann (2006, 2010) dans son analyse du générique on. L’idée générale est que lorsque je dis Le gâteau est bon, je dis que le gâteau est bon pour tous les individus qui partagent les mêmes traits pertinents que moi et qui ont goûté au gâteau. Si l’orientation de la première personne bascule du locuteur vers la personne qui entretient l’attitude dans les attitudes rapportées, c’est selon nous parce que la phrase enchâssée aussi bien que la phrase matricielle expriment des propriétés plutôt que des propositions (Stojanovic 2008).

Stefano PREDELLI: La sémantique non-vériconditionnelle
Ce cours étudiera certains phénomènes ayant trait à la signification non-vériconditionnelle. Son objectif plus large est de faire signe vers un cadre théorique à l’interface entre d’un côté des questions proprement sémantiques, et de l’autre des questions typiquement classées comme pragmatiques, socio-linguistiques ou lexicales. Je commence par prendre comme paradigmatiques des exemples simples d’onomatopées, de registres, de titres honorifiques, et d’insultes. Je conclus la première partie de ma présentation par l’application de mon cadre sémantique à une “logique” pour “hélas”. Dans la seconde partie, je passe à des phénomènes qui motivent la distinction entre les conditions de vérité d’une phrase, et les “conditions de vérité” de ses différentes utilisations. Est particulièrement pertinent à cet égard le phénomène de ce que j’appelle les occurrences persistantes d’expressions indexicales, un phénomène pertinent pour l’étude des vocatifs, des citations et des pronoms logophoriques.

Jeffery B. PRETTI: Substitution, phrases simples, et désignations comme jeux de masques
La dernière décennie a permis de montrer que le problème de la substitution des noms coréférentiels touche jusqu’aux phrases dépourvues de contenu opacifiant - c’est-à-dire jusqu’aux phrases “simples”. Par exemple, tandis que (1) “Superman franchit plus d’immeubles que Clark Kent” semble vraie, (2) “Superman franchit plus d’immeubles que Superman” est clairement fausse. Diverses solutions sémantiques et pragmatiques ont été mises en avant dans le débat, qui ont été toutes refusées par Jennifer Saul. D’après cette dernière, le problème de la substitutivité ne peut être résolu en faisant appel à des mécanismes linguistiques. Dans cet article, j’offre cependant une analyse causale comme nouvelle solution au débat. Je défends l’idée que les différentes manières de penser à un seul et même référent peuvent être préservées grâce à une analyse causale des noms propres. Je propose tout d’abord une analyse du contenu sémantique des noms propres en terme des chaînes causales historiques qu’ils déterminent de manière unique, puis je réponds aux objections premières soulevées par Saul. Enfin, je montre comment réussir à préserver nos intuitions vériconditionnelles, même pour des phrases aussi problématiques que les phrases simples.

François RECANATI: La co-référence de jure dans le cadre théorique des fichiers mentaux
Deux termes singuliers (considérés comme occurrences) sont coréférentiels de jure si et seulement si comprendre le discours qui les contient requiert de savoir que, si ces termes réfèrent, ils co-réfèrent. Dans le cadre de la théorie des dossiers mentaux, cela est rendu en disant que les deux termes sont associés au même dossier.
L’exposé sera consacré à la discussion d’une objection soulevée par Angel Pinillos à l’encontre de cette théorie. Selon cette objection, la théorie des dossiers ne peut pas être correcte pour la raison suivante. Il est possible que A et B soient coréférentiels de jure, et que B et C le soient aussi, sans que pour autant A et C le soient. Cela montre que la relation de coréférence de jure n’est pas transitive. Or elle le serait si la coréférence de jure n’était rien d’autre que le fait, pour deux termes singuliers, d’être associés au même dossier (l’identité étant elle-même une relation transitive).

François Recanati, Directeur de recherche au CNRS et Directeur d'études à l'EHESS, est spécialiste de philosophie du langage et de l'esprit. Il mène ses recherches à l'Ecole Normale Supérieure, au sein de l'Institut Jean-Nicod qu'il dirige. Il a enseigné dans plusieurs universités étrangères, dont Berkeley, Harvard, Genève, et St Andrews (où il occupe un poste de Professorial Fellow). Il a publié une dizaine de livres, dont les plus récents sont Perspectival Thought (Oxford University Press, 2007), Le Sens littéral (Editions de l'Eclat, 2007), Philosophie du langage (et de l'esprit) (Gallimard, 2008) et Truth-Conditional Pragmatics (Oxford University Press, 2010).

Indrek REILAND: Les signfications linguistiques comme règles sémantiques
Il est plausible que pour qu’une phrase ait une signification linguistique, il faut qu’elle ait la propriété relationnelle d’entretenir une relation R par rapport à quelque chose d’autre, disons X. Trois questions intéressantes se posent: tout d’abord, quelle est la nature de R, deuxièmement quelle est la nature de X, troisièmement, comment pouvons-nous décrire la signification linguistique des expressions? Mon objectif dans cette présentation est double. Tout d’abord, je veux mettre en avant l’idée que R est la relation x (‘_’  peut être utilisé légitimement par x ssi _), que X est un état mental et que l’on peut décrire la signification linguistique des expressions en les considérant comme des règles sémantiques de cet ordre: x (‘aïe!’ peut être utilisé légitimement par x ssi x a mal). Deuxièmement, je veux défendre l’idée que cette analyse est préférable à ses compétiteurs parce que tandis qu’elle peut rendre compte aussi bien des aspects vériconditionnels de la signification, elle rend compte beaucoup mieux des aspects non-vériconditionnels, tels que  la signification linguistique des phrases impératives (ex: “ferme la porte !”), des phrases expressives (ex: “Aïe !”), des phrases déclaratives comprenant des expressions descriptives-interjectives (ex: “Gottlob est un Boche”), les smileys (ex: “:-D”) et les gestes de la main.

David REY: La compositionnalité est-elle une contrainte substantielle pour la sémantique formelle?
Dans cet exposé, j’examinerai une certaine circularité qui ressort lorsque l’on évalue la compositionnalité des langues naturelles du point de vue de la sémantique formelle. La sémantique formelle est fondée sur l’hypothèse méthodologique que notre maîtrise des structures sémantiques du langage naturel n’est pas indépendante des avancées de cette discipline. Les structures sémantiques qui sont pertinentes pour évaluer le principe de compositionnalité sont les structures postulées par nos meilleures théories sémantiques. Cependant l’on peut soutenir que la conformité à ce principe est le critère essentiel que les sémanticiens formels utilisent pour concevoir et sélectionner les théories sémantiques. La prédiction compositionnelle des conditions de vérité est l’enjeu de la sémantique formelle. Ainsi, pour un sémanticien formel, il n’est pas possible de se demander si une langue naturelle est compositionnelle sans prédéterminer une réponse à cette question.

Vincent RICHARD: Prédicats de temps et dépendence contextuelle
L'article présente un nouvel argument en faveur de l'articulation d'un élément de lieu dans Il pleut. J'examine d'abord les principaux arguments qui ont été proposés lors du débat sur les prédicats météorologiques: l'argument du liage (Stanley) et l'argument de l'optionnalité (Récanati). Je montre que les deux arguments surgénèrent. J'en tire la conclusion que ces arguments ne sont pas suffisamment fins pour s'appliquer à la sémantique des prédicats météorologiques. Je propose donc le principe méthodologique suivant: un bon argument pour ou contre l'articulation d'un lieu dans Il pleut doit être fondé sur un phénomène spécifique aux prédicats météorologiques. Suivant ce principe, je donne un nouvel argument pour l'articulation d'un lieu dans la seconde partie de l'article. Je note qu'une phrase comme Il a plu avant de neiger implique la co-localisation des deux événements. Je propose alors l’idée que ce phénomène est fondé sur un processus de contrôle syntaxique. Selon Chomsky (1981), les prédicats météorologiques sont les seuls prédicats dont les sujets peuvent contrôler sans être référentiel. Je conclus que c'est parce que les sujets des prédicats météorologiques sont liés à un lieu, qui les rend quasi-référentiel et rend ainsi compte de l'effet de co-localisation que je note.

Barry C. SMITH: Comprendre le goût et évaluer les contextes d’évaluation
En dépit de nombreux travaux récemment produits sur le thème du relativisme sémantique, peu de progrès ont été faits concernant la compréhension ou l’évaluation des positions véritablement relativistes. Les difficultés proviennent tout d’abord de confusions autour du terrain de rassemblement que constituent les prédicats de goût personnel, et ensuite d’un échec à apprécier le véritable rôle des contextes d’évaluation dans la position relativiste. Dans cet article, je mettrai en évidence certains aspects négligés de la complexité de la question du goût, en distinguant les prédicats de goût des prédicats de goût personnel, afin de déterminer la portée des véritables désaccords dans ce domaine. De plus, j’explorerai les réflexions qui poussent à recourir aux contextes d’évaluation, afin de distinguer les analyses relativistes impliquant la sensibilité au contexte des analyses non-relativistes traitant ces contextes comme un paramètre parmi d’autres. Pour finir, je considérerai la façon la plus prometteuse de situer le véritable désaccord du type de celui qui motive le relativisme pour le goût.

Benjamin SPECTOR: Les interrogatifs et la division sémantique / pragmatique
Contrairement aux phrases déclaratives qui expriment des propositions, les interrogatives n’ont pas de conditions de vérité. Leur signification peut cependant être caractérisée en termes de “conditions de résolvabilité”. Nous présenterons deux analyses influentes sur la sémantique et la pragmatique des questions et réponses (la sémantique des partitions vs. une sémantique en termes de “réponses élémentaires”), et nous examinerons leur forces et leurs faiblesses. Nous examinerons également l’interprétation des interrogatives lorsqu’elles sont enchâssées dans des phrases déclaratives, telles que “John sait s’il pleut”. Nous nous attarderons tout particulièrement sur l’analyse des questions alternatives.

Tamina STEPHENSON: La pragmatique de la vérité relative
Cet exposé explorera la façon dont nos choix concernant les modèles formels de la pragmatique peuvent être informés par des découvertes (relativement) récentes dans le champ de la sémantique des prédicats de goût, des prédicats scalaires vagues, des modaux
épistémiques, et des attitudes propositionnelles, avec une attention particulière aux analyses qui intègrent une forme ou une autre de relativisme. Nous aborderons notamment comme éléments de la pragmatique : les connaissances communes, les engagements des participants, les types d’actes de langage, et les normes déterminant ces actes de langage. Je défends l’idée que les choix particuliers que nous faisons pour construire un modèle pragmatique sont cruciaux pour comprendre et évaluer les théories sémantiques apparemment fondées sur la notion de vérité relative.

Tim SUNDELL: Comprendre le désaccord normatif
Une thèse répandue en philosophie contemporaine est que pour qu’il y ait réel désaccord entre les locuteurs, ceux-ci doivent signifier la même chose par les mots qu’ils utilisent. Nous appelons ce principe DRSP pour “le Désaccord Requiert une Signification Partagée”. Le DRSP s’est avéré une contrainte importante sur les théories de la sémantique des termes et concepts normatifs. Cependant, nous prétendons que ce principe est faux. En nous appuyant sur des travaux récents en philosophie du langage aussi bien qu’en linguistique, nous prétendons qu’il existe plusieurs manières d’être en désaccord pour deux locuteurs. De manière cruciale, de tels désaccords alternatifs sont bien souvent extrêmement difficiles à distinguer des désaccords ordinaires sur la vérité (ou la correction) d’un contenu exprimé littéralement. Ceci a pour conséquence de conférer plus de plausibilité aux théories postulant un degré important de variation sémantique dans nos termes et concepts normatifs. Nous prétendons également que l’échec du DRSP suggère la nécessité de repenser de manière plus générale la méthodologie d’une théorie normative.

Vassilis TSOMPANIDIS: La croyance temporelle comme croyance De Re
L’enjeu principal de cet article est d’esquisser une analyse des croyances temporelles en terme de croyance externaliste De Re qui pourrait bien n’être pas loin d’expliquer pourquoi et comment celles-ci mènent à une action temporelle. Selon moi, les croyances temporelles sont perspectivales, relationnelles, et pas entièrement conceptualisées. Une telle analyse évite un problème sur lequel achoppent les analyses "hyper-intellectualisées" des croyances temporelles, à savoir prédire qu’un sujet aura des croyances temporelles dans le cas où la croyance temporelle n’advient pas nécessairement. En outre, je défend l’idée que les êtres humains sont capables de percevoir des propriétés temporelles telles que la durée et l’ordre, et que la psychologie humaine inclut un cadre temporel non-conceptuel semblable à un index égocentrique spatial. Ceci peut être directement combiné avec mon analyse externaliste pour expliquer pourquoi l’action temporelle suit d’une croyance temporelle sans recourir à des faits biologiques bruts ou ignorer des réactions temporelles rapides à des perceptions immédiates.

Lavi WOLF: Une approche interpersonnelle des prédicats de goût personnel
Cet article défend l’idée que les prédicats de goût personnel (tel que bon, amusant) n’expriment en fait pas le goût personnel mais plutôt un goût interpersonnel. Les approches précédentes, en particulier celle de Lasersohn (2005) qui propose une analyse essentiellement subjective, souffrent de plusieurs problèmes sémantiques, pragmatiques et logiques. Recanati (2007) propose une analyse essentiellement objective qui évite les difficultés auxquelles se heurte Lasersohn mais présente d’autres problèmes. La solution est de combiner subjectivité et objectivité, et ce grâce à un modèle probabiliste mixte qui prend en considération les jugements de divers individus (l’aspect objectif) que le locuteur considère être de bon évaluateurs pour le goût (l’aspect subjectif). Cette théorie rend compte des prédicats de goût personnel, explique le désaccord sans erreur et évite les problèmes des autres théories.

BIBLIOGRAPHIE :

H. Cappelen et E. Lepore, Insensitive Semantics. Blackwell.
R. Carston, Thoughts and Utterances. Blackwell.
S. Predelli, Contexts, Oxford University Press.
F. Recanati, Le Sens littéral. Editions de l’Eclat.
D. Sperber et D. Wilson, La Pertinence. Minuit.
J. Stanley, Language in Context. Oxford University Press.


Avec le soutien du CNRS (Formation permanente),
du Réseau Marie Curie PETAF,
de l'Institut Jean Nicod,
de Arché/CSMN,
du Projet "Semantic Content and Context-Dependence" (M. Kölbel)
et du Projet ERC "Context, Content and Compositionality" (F. Récanati)




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