Plan du Site du Centre Culturel International de Cerisy-La-Salle
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DU MARDI 31 MAI (19 H) AU MARDI 7 JUIN
(18 H) 2011
DIRECTION : François RECANATI
CO-ORGANISATRICE :
Marie GUILLOT
Site internet:
http://sites.google.com/site/cerisycontext/
Courriel: context.cerisy@gmail.com
ARGUMENT :
D’importants
développements ont eu lieu en philosophie
du langage ces dix dernières années,
avec l’apparition de nouvelles façons d’appréhender
l’interaction entre sens et contexte et le rôle
des contenus implicites dans la communication linguistique.
Les travaux des philosophes du langage dans ces domaines
interagissent avec les recherches menées de leur côté
par les linguistes sur le thème de l’interface sémantique/pragmatique.
On fera le point sur ces avancées diverses en croisant
les regards des philosophes du langage et des linguistes.
La manifestation
sera multiple: colloque, mais aussi école
de formation (soutenue par le CNRS) et point de rendez-vous
pour deux réseaux européens de chercheurs
travaillant sur les thèmes de la rencontre
et venant présenter leurs travaux. Aux ateliers
et tables-rondes au cours desquels les chercheurs affronteront
leurs points de vue, s’ajouteront les mini-cours donnés
dans le cadre de l’école de formation, les présentations
de doctorants sélectionnés, et les rendez-vous
des réseaux.
La manifestation
sera, également, cosmopolite: une dizaine
de pays seront représentés. Pour cette
raison, l’anglais sera souvent utilisé. Il
n’y aura pas de dispositif de traduction simultanée,
mais parmi les documents distribués aux participants
figureront les résumés en français
des interventions.
CALENDRIER DÉFINITIF :
Mardi 31 mai
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée:
Présentation du Centre, du colloque
et des participants
Mercredi 1er juin
Matin:
Mini-cours 1a
Stephen NEALE
(CUNY, Graduate Center): Des plans préconçus pour
les propositions
Mini-cours 2a
Stefano
PREDELLI (U. Nottingham): La sémantique
non-vériconditionnelle
Après-midi:
Table ronde A: Intuitions et expérimentations
en sémantique et en pragmatique: Emmanuel CHEMLA (CNRS)
& Nat HANSEN (CNRS) [Le contextualisme
à l’épreuve de l’expérimentation]
Geoffrey
NUNBERG (U. Berkeley): Une sémantique
minimale pour les termes péjoratifs, ou comment être méchant
sans en faire mine
Jeudi 2 juin
Matin:
Mini-cours 3a
Benjamin
SPECTOR (CNRS): Les interrogatifs et la division sémantique
/ pragmatique
Mini-cours 2b
Stefano PREDELLI
(U. Nottingham): La sémantique non-vériconditionnelle
Après-midi:
Sessions Jeunes Chercheurs en parallèle
Session 1: Lavi WOLF (Une approche interpersonnelle des
prédicats de goût personnel), Hazel PEARSON (Une sémantique sans
juge pour les prédicats de goût personnel), Sarah-Jane CONRAD (A quel point une
langue est-elle perméable au contexte?), Alison
HALL (Processus pragmatiques "libres", explicature et systématicité)
Session 2: Thiago N GALERY
(Une revisitation des "donkey" pronoms et des pronoms métonymiques),
Marie-Christine MEYER (Ou sinon,
une nouvelle forme de disjonction), Vincent
RICHARD (Prédicats de temps et dépendence contextuelle),
Anouch BOURMAYAN (De l’incorporation à
l’enrichissement pragmatique: une perspective inversée sur les objets
implicites indéfinis)
Session 3: Jonas AKERMAN (Intuitions et référence
indexicale), Tim SUNDELL (Comprendre le désaccord
normatif), Yuuki OHTA & Emanuel
VIEBAHN (Une défense de la modestie sémantique), Indrek REILAND (Les signfications linguistiques
comme règles sémantiques)
Soirée:
Michael DEVITT: Quel est le
problème du contextualisme linguistique?
Vendredi 3 juin
Matin:
Mini-cours 1b
Stephen NEALE
(CUNY, Graduate Center): Le pragmatisme linguistique
Mini-cours 3b
Benjamin
SPECTOR (CNRS): Les interrogatifs et la division sémantique
/ pragmatique
Après-midi:
DÉTENTE
Samedi 4 juin
Atelier PETAF (Organisatrice:
Isidora STOJANOVIC, Coordinateur: Tom
AVERY)
Matin:
Introduction
Conférence inaugurale: Michael DEVITT: En quoi une propriété
est-elle "sémantique"?
Paul EGRÉ: Combien de
degrés de vérité pour les prédicats vagues?
Après-midi:
Ivan KASA
(Stockholm): Contenu et forme logique dans le néo-frégéanisme
Hanoch BEN-YAMI
(CEU Budapest): Comment lier les ânes: sur les anaphores ‘donkey’
conditionnelles
Robert MICHELS (Genève):
Deux sortes d'opérateurs "actually"
Peter PAGIN
(U. Stockholm): Modifier paramètres et propositions
Dimanche 5 juin
Atelier PETAF
Matin:
Matias
GARIAZZO (Londres): Désaccord sans erreur
et vérité relative
Barry C.
SMITH (Birkbeck College, Londres): Comprendre le goût
et évaluer les contextes d’évaluation
Manuel
GARCÍA-CARPINTERO (Barcelone) & Teresa MARQUES
(U. Lisbonne): L’analyse présuppositionnelle des données
sur le désaccord
Après-midi:
Dan LOPEZ
DE SA (U. Barcelone): L’expression du désaccord:
une analyse contextualiste indexicale présuppositionnelle
François RECANATI
(CNRS): La co-référence de jure dans le cadre
théorique des fichiers mentaux
Réunion du comité PETAF
Lundi 6 juin
Matin:
Sessions Jeunes Chercheurs en parallèle
Session 1: Vassilis TSOMPANIDIS (La croyance
temporelle comme croyance De Re), Craig
FRENCH (Contre deux manières de motiver le contextualisme
perceptuel)
Session 2: Sanna HIRVONEN
(Dépendance à la perspective et cécité sémantique),
Benjamin LENNERTZ (Modaux épistémiques
et spéculation), Mark CRILEY
(Cappelen, le Relativisme et l’interprète créatif)
Table ronde B: La compositionnalité
est-elle une contrainte substantielle?: Adrian BRICIU (U. Barcelone) [Compositionnalité
et théories sémantiques], David
REY (U. Barcelone) [La compositionnalité est-elle
une contrainte substantielle pour la sémantique formelle?], Max KÖLBEL (U. Barcelone)
[La Compositionnalité comme principe méthodologique?]
[en parallèle aux Sessions Jeunes Chercheurs]
Après-midi:
Sessions Jeunes Chercheurs en parallèle
Session 1: Elmar GEIR UNNSTEINSSON (Du contenu
des phrases), Zachary
ABRAHAMS (Sous-spécification, spécification, sur-spécification),
Thomas HODGSON (Sous-détermination
& attitudes rapportées), Delia BELLERI (Sous-détermination
sémantique)
Session 2: Ingrid LOSSIUS
FALKUM (Une analyse pragmatique de la polysémie systématique),
Jeffery B. PRETTI (Substitution, phrases
simples, et désignations comme jeux de masques), Alexander DAVIES (Deux conceptions de la sensibilité
au contexte: externalisation inutile et calibration), Dirk KINDERMANN (Assertion, relativisme, et
de se)
Session 3: Matt MOSS
(Impossibilité and ‘Might’ épistémique), Edison BARRIOS (Changement de signification
et pureté du "je"), Julie HUNTER
(Maintenant: une théorie discursive), Daniel HARRIS (Signification, Contenu et Illocution)
Mardi 7 juin
Matin:
Table ronde C: La sensibilité
au contexte de réception: Andrew EGAN (Rutgers) [Quel genre de relativisme
adopter?], Tamina STEPHENSON
(U. Yale) [La pragmatique de la vérité relative]
Après-midi:
DÉPARTS
RÉSUMÉS :
Zachary ABRAHAMS: Sous-spécification, spécification,
sur-spécification
La sous-spécification lexicale correspond à
l’idée que la signification d’une expression "sous-spécifie"
la contribution faite par cette expression à l’interprétation
des phrases qui la contiennent. Dans cet article, je conteste l’application
de la sous-spécification aux verbes de lumière. Je prétends
que la signification lexicale des verbes de lumière "sur-spécifie"
leur contribution sémantique — leur signification inclut l’information
requise pour spécifier pleinement une multitude de contributions
sémantiques. Je commence par formuler la sous-spécification
plus précisément. Je caractérise trois versions
différentes de la sous-spécification lexicale: la sous-spécification
en terme de traits, de structure, et de procès. Puis me
tournant vers les verbes de lumière, j’examine des cas de variation
dialectale de l’utilisation de ces verbes, et je prétends que
ces différences correspondent à des différences de
signification lexicale. Les différents types de sous-spécification
que j’ai relevés ne sont pas en mesure d’expliquer ces différences
de signification. Par conséquent, un théoricien affirmant
que les verbes de lumière sont sensibles au contexte devrait
soutenir que les verbes de lumière sur-spécifient leur
contribution sémantique.
Jonas AKERMAN: Intuitions et référence
indexicale
Les partisans de diverses théories philosophiques
présentent souvent des exemples destinés à
susciter certaines intuitions sur la question examinée, intuitions
qui sont ensuite censées être utilisées comme
un fondement neutre pour l’évaluation. Un problème
évident de cette méthode est que les philosophes tendent
à proposer des réponses différentes pour ces
exemples. Dans cet article, je concentre mon attention sur le débat
portant sur la référence indexicale, et j’examine différentes
sources possibles pour ces diverses réponses sur les exemples
pertinents. Mon argumentation sera la suivante : les réponses
ne sont généralement pas réellement décrites
comme des réponses purement intuitives. De plus, je considérerai
la possibilité d’évoquer certaines considération
théoriques pour résoudre ces conflits.
Edison BARRIOS: Changement de
signification et pureté du "je"
Dans cet article, je défend
l’analyse "standard" de la sémantique de je" — selon
laquelle "je" est un indexical pur et automatique — face à
un défi posé par Mount (2008). Mount prétend
que les intentions ont le rôle sémantique de fixer
la référence de "je". Elle fonde son argument
sur une série de cas de référence par
métonymie dans lesquels elle prétend que les occurrences
de "je" ne réfèrent pas au locuteur et ne sont
donc pas automatiques. En réponse, j’offre une analyse
alternative des cas en question, analyse que je nomme "L’Analyse
en terme de Description" (AD). Selon l’AD, les occurrences du pronom
de la première personne dans lesquelles il semble avoir une
référence métonymique sont interprétées
comme des constituants d’une description définie dont l’opérateur
a portée large sur une formule ouverte Rxy — où
R est une relation sélectionnée contextuellement
prenant pour argument des paires d’individus et d’objets. Le rôle
des intentions se limite ainsi à déterminer R,
ce qui advient après la fixation de la référence
de "je". Pour soutenir l’AD, je fournis des preuves du fait que dans
les cas examinés, le syntagme (déterminatif) contenant
"je" se comporte de manière pertinente comme une description.
J’affirme également que l’AD peut rendre compte du caractère
non-litéral des exemples de Mount, tout en préservant
la simplicité de la sémantique standard de "je".
Delia BELLERI: Sous-détermination sémantique
D'après, la thèse de la sous-détermination
sémantique (SDS), la signification de phrases comme "les
feuilles sont vertes", "Jill est prête" ou encore "Il pleut"
ne permet pas de déterminer les conditions vérités
des énoncés leur correspondant. Qu’est-ce cela signifie
exactement? Deux lectures du SDS sont possibles. Selon la première
lecture, la signification sous-détermine les conditions de
vérité parce que la signification elle-même est
indéterminée. Selon la seconde lecture, la signification
des phrases est déterminée, même si elle ne
détermine pas le contenu des énoncés en contexte.
Je prétends que la première lecture est incompatible
avec la sémantique vériconditionnelle standard, tandis
que la seconde est trop générique, car elle couvre également
des phénomènes comme l’indexicalité. Je propose
alors une notion de sous-détermination sémantique comme
sous-articulation phrastique. L’idée est que la signification
des phrases sous-détermine les conditions de vérité
des énoncés parce des phrases comme "les feuilles sont vertes",
"il pleut" etc... n’articulent pas assez de matériel linguistique
pour pouvoir donner les conditions de vérité des énoncés.
Hanoch BEN-YAMI: Comment lier les ânes: sur
les anaphores ‘donkey’ conditionnelles
Considérez le pronom "le" dans la phrase "donkey" suivante:
(D) Si Sancho a acheté un âne, il le bat.
"Le" ne peut pas reprendre la référence d’un terme
apparaissant précédemment dans la phrase, car aucun âne
spécifique n’a été mentionné. Pour cette
raison, la phrase (D) a été tout d’abord analysée
comme quantifiée universellement, synonyme de "Pour tout âne,
si Sancho l’a acheté, il le bat". Mais bien que l’on s’accorde à
dire que cette analyse produit les bonnes conditions de vérité,
elle est problématique. Elle traite le NP indéfini "un
âne" en (D) comme un NP universellement quantifié, alors
qu’un tel NP se comporte habituellement comme étant quantifié
existentiellement. Traiter l’indéfini en (D) comme ayant une force
universelle peut sembler ad hoc. Dans ma présentation, je dérive
la force universelle de "un âne" dans la phrase (D) d’autres faits
reconnus sur les conditionnels et les indéfinis. De cette façon,
la difficulté sera éliminée et l’analyse originale
de (D) ne sera pas seulement acceptable, elle deviendra une conséquence
nécessaire d’autres faits reconnus.
Anouch BOURMAYAN: De l’incorporation
à l’enrichissement pragmatique: une perspective inversée
sur les objets implicites indéfinis
Certains verbes comme manger, lire, chasser...,
peuvent apparaître sans objet direct exprimé et recevoir
pourtant une interprétation incluant un objet sémantique
indéfini, soit existentiel et dans ce cas à peu près
équivalent à "quelque chose", soit toujours indéfini
mais avec une valeur plus spécialisée. Outre leur valeur
indéfinie, les objets implicites indéfinis (OII), regroupant
objets implicites existentiels (OIE) et objets implicites spécialisés
(OIS), partagent certaines caractéristiques comme le fait d'avoir
toujours portée large par rapport aux autres opérateurs
de phrase, ou le fait d'être incompatibles avec les datifs personnels.
Marti (2009, 2010, 2011) prétend que la bonne analyse des OII est
forcément "grammaticale" plutôt que pragmatique. Son analyse
repose sur deux arguments. Tout d'abord, elle prétend que les OII
doivent être des noms incorporés, puisqu'ils se comportent
exactement comme eux. Deuxièmement, elle affirme que les analyses
pragmatiques des OII ne peuvent pas rendre compte de leurs propriétés
spécifiques. Dans cet article, je propose une analyse pragmatique
des OII, selon laquelle les OIE sont des constituants métaphysiques
inarticulés, tandis que les OIS résultent d'enrichissement
pragmatique libre. Je montre que cette analyse prédit correctement
les propriétés spécifiques des OII, et je conclus sur
l'idée que la ressemblance frappante entre les OII et les noms incorporés
pourrait bien en fait être un argument en faveur d'une analyse pragmatique,
et non grammaticale.
Adrian BRICIU: Compositionnalité et théories
sémantiques
Ma discussion se centrera sur l’affirmation que la compositionnalité
est une thèse falsifiable pour les langues naturelles. Plus exactement,
je considérerai ce à quoi une théorie sémantique
doit s’engager si elle prétend être compositionnelle. Cela
permettra peut-être de clarifier la nature de la compositionnalité.
A des fins illustratives, je fixerai mon attention sur des exemples issus
de la littérature contextualiste, puisque de nombreux contextualistes
ont affirmé que la compositionnalité ne s’applique pas à
l’anglais.
Emmanuel CHEMLA & Nat HANSEN: Le contextualisme
à l’épreuve de l’expérimentation
Des expériences récentes ont mis en évidence
des données qui semblent entrer en conflit avec les analyses contextualistes
d’attribution de connaissance (cf notamment Beebe (2011); Buckwalter (2010);
Schaffer et Knobe (2010)). Keith DeRose (à venir) prétend
que les études expérimentales existantes sont défectueuses
et ne menacent donc pas le contextualisme (ou du moins une version notable
de cette théorie). Nous expliquons et évaluons les critiques
de DeRose à l’égard des études expérimentales
du contextualisme et nous testons ses recommandations méthodologiques
en menant une nouvelle enquête mettant en jeu les jugements sur les
attributions de connaissance. Notre étude confirme certaines des
critiques formulées par DeRose à l’égard d’études
existantes mais problématise un trait essentiel de l’approche qu’il
recommande pour construire des expériences contextualistes. Notre
étude révèle également des différences
entre les réponses aux cas contextualistes mettant en jeu “sait”
et les cas mettant en jeu d’autres expressions dignes d’intérêt
pour les contextualistes (tels que les adjectifs de couleur). Nous concluons
en réfléchissant sur l’importance du protocole expérimental
pour les expériences de pensée aussi bien que pour les enquêtes.
Sarah-Jane CONRAD: A quel point une langue est-elle perméable
au contexte?
D’après John MacFarlane, le Contextualisme se trompe quand il suppose
que la signification des expressions telles que “petit” ou “grand” est trop
faible pour déterminer un contenu véri-évaluable lorsque
ces expressions sont utilisées dans une phrase. La théorie
défendue par MacFarlane lui-même, à savoir le Contextualisme
Non-Indexical, postule que les phrases énoncées expriment une
proposition et ont une intension. Cependant, pour déterminer leur valeur
de vérité, des informations supplémentaires fournies
par les points d’évaluation sont requises, en particulier des informations
liée à ce que l’on appelle le paramètre de ‘décompte’.
L’approche de MacFarlane risque cependant de souffrir des mêmes faiblesses
qu’il impute aux intensions de Cappelen et Lepore: les Intensions de phrases
contraires telle que ‘Jean est grand’ et ‘Jean est petit’ ne peuvent plus
être distinguées. Le problème de MacFarlane soulève
la question de savoir à quel point une langue est perméable
au contexte.
Mark CRILEY: Cappelen, le Relativisme
et l’interprète créatif
Herman Cappelen a récemment défendu
une position qu’il nomme le relativisme du contenu (RC): il
s’agit de la thèse selon laquelle un seul et même
énoncé peut avoir un contenu différent dans
différents contextes d’évaluation et d’interprétation.
Dans son analyse la plus récente du phénomène,
L’interprète Créatif, 2008, Cappelen défend
l’hypothèse du RC en utilisant des exemples mettant en
jeu un langage prescriptif: des instructions, des ordres et des
lois. Dans la première partie de cet article, je mets en évidence
certains problèmes auxquels se heurtent les arguments avancés
par Cappelen en faveur du RC ; dans la seconde partie, je suggère
une manière de reformuler le RC et je montre qu’elle permet
d’éviter ces écueils. Je prétends que la version
de Cappelen sur le RC et les arguments sur lesquels il s’appuie nous
entraînent sur une mauvaise voie pour comprendre la contribution
que les interprètes font au contenu du langage législatif
en particulier, et aux termes sensibles à l’interprétation
en génral. J’affirme que d’autres exemples de termes sensibles
à l’interprétation — incluant des jugements en bonne et
due forme ou pas — motivent fortement une analyse relativiste. Cependant,
en développant le RC pour accommoder ces exemples, il apparaîtra
que celui-ci prend une forme différente de celle esquissée
par Cappelen.
Alexander DAVIES: Deux conceptions de la
sensibilité au contexte: externalisation inutile et calibration
Je distingue deux manières de comprendre la sensibilité
au contexte. Selon la première, la sensibilité au contexte
est redondante, car sans elle, notre capacité à communiquer
les uns avec les autres serait intacte et pourrait même s’en trouver
améliorée (cf. Frege (1948, p.211) et Cappelen and Lepore
(2005, chapter 8)). La sensibilité au contexte est une externalisation
inutile d’un travail qui pourrait être accompli par des symboles, par
leur signification et par leur structure seuls. Selon l’autre conception,
la sensibilité au contexte est nécessaire pour communiquer
de manière informative. Il s’agit d’un phénomène comparable
à la calibration que subit l’extension des termes théoriques
lorsque l’on contrôle les facteurs de confusion idiosyncrasiques
de la circonstance dans laquelle la théorie est appliquée
(cf. Hempel (1988)). Cette seconde manière d’appréhender
la sensibilité au contexte sert la thèse de Barba (2007),
Diamond (1981) et Travis (2009) concernant la relation entre sémantique
formelle et langue naturelle.
Michael DEVITT: Quel est le problème du contextualisme linguistique?
J’argue que les travaux des tenants du contextualisme linguistique illustrent
trois erreurs importantes:
1. Une confusion entre, d’une part, la métaphysique du sens,
centrée sur le locuteur, et qui a trait à ce que constitue
ce qui est dit, signifié, etc., et d’autre part, l’épistémologie
de l’interprétation, centrée sur l’auditeur, et qui a trait
à la façon dont l’auditeur décide ce que le locuteur
a dit, a voulu signifier, etc.
2. L’acceptation du "Rasoir d’Occam modifié", compris de telle
façon qu’il militerait contre le fait de poser un nouveau sens dans
tout les cas où le message peut être dérivé
au moyen d’une inférence pragmatique.
3. La promotion d’une "pragmatique vériconditionnelle", selon
laquelle le sens de la phrase, dans une énonciation, ne fournit pas
à lui seul un contenu vériconditionnel (même après
la désambiguïsation et la fixation de la référence).
Ce sens devrait être complété de façon pragmatique,
et pourrait l’être d’un nombre infini de façons, donnant lieu
à un nombre infini de conditions de vérité possibles.
Michael DEVITT: En quoi une propriété est-elle
"sémantique"?
On distingue habituellement les propriétés "sémantiques"
d’un énoncé de ses propriétés "pragmatiques",
et ce qui est "dit" de ce qui est "signifié". Sur quel fondement
peut-on mettre quelque chose d’un côté ou de l’autre? C’est
souvent par les intuitions que l’on résout de telles questions.
L’article rejette cette approche, affirmant la nécessité d’un
fondement théorique pour ces distinctions. On peut le voir en notant
que les langues sont des systèmes représentationnels que
les scientifiques attribuent à des espèces pour expliquer
leurs comportements communicationnels. Nous avons alors un intérêt
théorique fort à distinguer (a) les propriétés
représentationnelles d’un énoncé qui émergent
simplement de l’exploitation par le locuteur d’un système linguistique
de (b) toute autre propriété pouvant constituer le "message"
du locuteur. J’appelle les premières propriétés "sémantiques"
et les dernières "pragmatiques". Les propriétés sémantiques
sont constituées par les conventions linguistiques, les désambiguïsations,
les fixations de référence, et sans doute par rien d’autre.
J’indique brièvement quelles en sont les conséquences pour
le débat sémantique-pragmatique.
Andrew EGAN: Quel genre de relativisme adopter?
Différentes variétés de relativisme (ou tout du
moins, de positions qui se présentent sous le nom de "relativisme")
sont aujourd’hui disponibles. J’opère des distinctions entre plusieurs
d’entre elles, et j’argue en faveur de la forme de relativisme qui se fonde
sur la proposition de David Lewis et Roderick Chisholm, selon quoi nous devrions
envisager les objets des attitudes comme des propriétés.
Paul EGRÉ: Combien de degrés de vérité
pour les prédicats vagues?
L'objet de ma communication est de proposer un argument en faveur de l'idée
que la logique trivalente constitue un cadre adéquat pour le traitement
des prédicats vagues. Selon cette perspective, le grain de la logique
bivalente classique est trop gros pour rendre compte du vague. Inversement,
le grain de la logique floue est sans doute inutilement fin. L'exposé
prendra comme point de départ la théorie du vague proposée
récemment par N. Smith dans Vagueness and Degrees of Truth. Smith
défend une théorie du vague en termes de degrés de vérité,
de façon à rendre compte du principe dit de proximité.
Selon ce principe, si deux objets x et y sont semblables sous les aspects
pertinents pour l'attribution du prédicat P, alors la valeur de vérité
de P(x) et celle de P(y) doivent être proches (sans nécessairement
être identiques). L'une des thèses de Smith est que le principe
de proximité demande qu'on introduise un grand nombre de valeurs de
vérité. De fait, Smith utilise une infinité non-dénombrable
de telles valeurs, comme dans la logique floue standard. Toutefois, la notion
de conséquence logique qu'il propose pour la logique floue n'est pas
la notion standard et lui permet de préserver la logique classique.
Dans un travail récent avec Cobreros, Ripley et van Rooij, nous avons
proposé un cadre sémantique pour les prédicats vagues
qui repose sur une architecture bivalente, mais qu'on peut faire correspondre
de façon attendue avec une approche trivalente. Notre approche, en
outre, propose une définition de la conséquence logique très
voisine de celle de Smith. Je présenterai plusieurs éléments
de ce travail, qui suggèrent que la notion de proximité de
Smith peut être adéquatement traitée dans un cadre trivalent.
Le but de ma communication, plus généralement, est de contribuer
par là à une meilleure compréhension de la notion de
valeur sémantique pour les énoncés.
Craig FRENCH: Contre deux
manières de motiver le contextualisme perceptuel
Je tente de défendre
le principe selon lequel si S voit une partie propre
attachée à un objet matériel, alors S
doit voir cet objet. Une partie de l’argumentation met en jeu
un développement de et un défi à ce que
j’appellerai le contextualisme perceptuel, qui, si on l’applique
à "voit”, est l’idée que "voit" ou "voit o"
est sémantiquement sensible au contexte. On pourrait tenter
de soutenir un tel contextualisme avec des paires de cas dont
l’un viole le principe mentionné ci-dessus. En d’autres
termes, on peut recourir à des paires A et B répondant
aux contraintes suivantes: on fixe le paramètre selon
lequel une partie propre attachée à o est vue (outre
d’autres conditions perceptuelles), mais l’on fait varier d’autres
facteurs "contextuels" de façon à ce qu’en A, "voit
o" puisse être attribué avec justesse à notre
sujet, tandis qu’en B non — en dépit de ce que dit le principe.
Je considère deux cas de la sorte. Il est possible d’expliquer
les données avec une forme ou une autre de contextualisme.
Je propose cependant une analyse alternative non-contextualiste
de ces deux cas exploitant le fait que "voit" est massivement polysémique.
Thiago N GALERY: Une revisitation
des "donkey" pronoms et des pronoms métonymiques
Le but de cette présentation
est de revisiter certaines propriétés interprétatives
des "donkey" pronoms — expressions dont l’interprétation
dépend d’une autre expression qui ne peut les lier — et
des pronoms métonymiques qui dépendent de l’identification
d’un individu en contexte, mais dont l’interprétation
est descriptive. Je tends à montrer qu’il existe des similarités
frappantes entre les deux ensembles de données et
je propose une explication unifiée des deux phénomènes
combinant la syntaxe dynamique (Kempson et al 2001, Cann et
al 2005) et la théorie de la pertinence (Sperber et Wilson
1995, Carston 2002).
Manuel GARCÍA-CARPINTERO & Teresa
MARQUES: L’analyse présuppositionnelle des données
sur le désaccord
Dans une série d’articles, Dan López de Sa a défendu
une version du contextualisme pour les prédicats de goût
(et les prédicats d’évaluation morale et esthétique)
dans laquelle les impressions de désaccord (par rapport auxquelles
de telles analyses sont censées être en difficulté
selon les relativistes) s’expliquent par les présuppositions de
similitude qu’elles portent. Récemment, Carl Baker a publié
une critique approfondie de cette approche. Dans cet article, nous (i) répondrons
à la critique de Baker, (ii) proposerons une critique différente
de la proposition de López de Sa qui nous est personnelle, et (iii)
défendrons une forme modifiée de l’approche contextualiste
en termes de présuppositions de similitude pour les prédicats
de goût, selon laquelle ce que l’on présuppose comme étant
partagé par les locuteurs sont les attitudes pratiques - une analyse
qui selon nous s’applique également aux épithètes
raciaux. Nous conclurons en comparant cette proposition à une analyse
purement contextualiste récemment défendue par Schaffer,
et à une proposition relativiste mise en avant par Egan.
Matías GARIAZZO:
Désaccord sans erreur et vérité relative
Certains partisans du relativisme
ont affirmé que le prétendu phénomène
de désaccord sans erreur constitue une
preuve de la validité de leur théorie, dans la mesure
où celle-ci est la seule capable d’en rendre compte. L’objet
de cet essai est de montrer que s’il y avait en effet des cas de
désaccord sans erreur, aucune des positions relativistes
ne réussirait à les expliquer. Je parviens à
cette conclusion en défendant les quatre points suivants:
(i) le relativisme modéré ne nous donne aucune raison
sérieuse de penser que les prétendus cas de désaccord
sans erreur sont de véritables désaccords; (ii)
les analyses considérées comme des relativismes
modérés et radicaux constituent, d’un point de
vue métaphysique, des versions pluralistes de positions
réalistes; (iii) une position relativiste métaphysique
n’explique aucunement le désaccord sans erreur; (iv)
si l’on adopte une notion plausible d’assertion, il semble qu’on
ne puisse pas dégager d’analyse réaliste mais relativiste
différente du relativisme modéré.
Matias Gariazzo travaille
depuis trois ans sur le débat entre minimalisme
et contextualisme. Dans son article "Minimalisme and intuitions
des locuteurs" (Ideas y valores, à paraître), il
défend une position contextualiste. Néanmoins,
son intérêt pour le débat l’a conduit à
s’interroger sur la possibilité de recourir au relativisme comme
une manière alternative de concevoir le contenu de certaines
phrases. Actuellement, il s’intéresse également
à la valeur métaphysique de cette thèse.
Elmar GEIR UNNSTEINSSON: Du contenu
des phrases
Dans cet article, je défends la thèse que la signification
linguistique d’une expression φ sous-détermine la proposition exprimée
par un locuteur grâce à φ. Mon argumentation repose sur une
distinction néo-gricéenne entre (i) ce qui est dit, (ii)
ce par quoi ce qui est dit est dit et (iii) ce que le locuteur veut dire.
Je propose quatre grande catégories de sous-spécification
: ostensive, elliptique, aléthique et fonctionnelle. La stratégie
de postuler des constituants inarticulés est explorée pour
sa généralité. Bien que ceci n’ait pas été
souligné dans la littérature, cette stratégie ouvre
la possibilité de “surarticuler” ses pensées. Il est intéressant
de noter que même dans de tels cas, la signification linguistique
de φ continuera à sous-déterminer ce qui est dit en énonçant
φ. D’où une distinction entre sous-spécification essentielle
et conventionnelle. La première est une relation binaire entre différents
types d’éléments, tels la signification linguistique et le
contenu, tandis que la seconde doit être une relation binaire entre
des éléments de même type, comme des expressions simples
ou composées. Ceci est censé montrer que le type de sous-spécification
qui nous intéresse est en fait un trait essentiel de la signification
linguistique.
Alison HALL: Processus pragmatiques
"libres", explicature et systématicité
Dans cette présentation, j’examine
une objection faite aux théories qui postulent des
contributions pragmatiques "libres" (c’est-à-dire non
motivées linguistiquement) au contenu explicite des énoncés.
L’objection consiste à dire que de tels processus sont
insuffisamment contraints, et rendent impossible une analyse
systématique de notre compréhension du contenu explicite.
En réponse, je montre tout d’abord que l’objection implique
de travailler avec une conception hautement sous-spécifiée
de ce que sont ces processus pragmatiques, conception qui échoue
à apprécier leur sensibilité au contexte. Deuxièmement,
je considère l’approche alternative, qui tend à accommoder
le caractère optionnel des effets en question en postulant
une structure optionnelle linguistique cachée (cf. Marti 2006,
Merchant 2010). Je prétends qu’une telle structure n’a aucun
rôle dans le traitement des énoncés, et n’a ainsi
aucune réalité syntactique dans le système linguistique,
même au niveau d’une analyse de la compétence.
Nathaniel HANSEN
Nathaniel Hansen est chercheur postdoctoral à l'Institut Jean-Nicod,
dans le cadre du projet ERC de François
Recanati "Context, Content and Compositionality". Il a
obtenu son doctorat en philosophie de l'Université de Chicago en 2010 avec
une thèse sur le contextualisme
radical. Ses recherches actuelles portent
sur le contextualisme, le sens des
termes de couleur, et les fondements empiriques des
théories sémantiques et pragmatiques.
Daniel HARRIS: Signification, Contenu et
Illocution
De quelle nature est la contrainte exercée par la signification
d’une phrase sur ce que les locuteurs peuvent dire en prononçant
cette phrase? Selon moi, il est possible d’éclairer cette question
en se posant une question analogue sur la manière dont la signification
d’une phrase contraint la force illocutoire des actes de langages littéraux
accomplis par l’énonciation de cette phrase. Je défendrai
l’idée que le rôle explicatif de la signification linguistique
dicte que ces deux types de contraintes soient de même nature. Puis
je défendrai l’idée que, puisque la thèse selon laquelle
la signification linguistique détermine partiellement ce qui est
dit ne peut pas être adaptée pour expliquer la manière
dont la signification contraint la force, nous devrions rejeter cette thèse.
Pour finir, je suggérerai une analyse alternative selon laquelle
la signification linguistique d’une phrase impose une série de contraintes
sur les actes de langage accomplis par cette phrase, mais d’une manière
indirecte, en limitant les effets que les locuteurs peuvent espérer
produire sur les destinataires en prononçant cette phrase.
Sanna HIRVONEN: Dépendance à la perspective
et cécité sémantique
Cette présentation défend l’idée que les locuteurs
sont partiellement ignorants des conditions de vérité de
certaines expressions, c’est-à-dire sont sémantiquement
aveugles, selon l’appellation dépréciative du phénomène.
Pour les besoins de l’exposé, admettons que les perspectives sont
des personnes à un moment donné. Ce que j’appelle la dépendance
à la perspective est la thèse selon laquelle certaines
expressions (ou leur usage) (i) font référence à une
perspective entrant dans la détermination des conditions de vérité
de la phrase dans laquelle elles apparaissent, et (ii) ne se comportent pas
comme des indexicaux ou des démonstratifs. Dans cet exposé,
je fais l’hypothèse qu’il existe des expressions dépendant
de la perspective, par exemple les prédicats de goût (délicieux,
amusant), et de manière plus polémique d’autre adjectifs
gradables (grand, probable). Je prétends que l’analyse la
plus plausible de la dépendance à la perspective accepte le
fait que bien que (i) soit vraie, les locuteurs sont typiquement non conscients
de la présence de la perspective dans les conditions de vérité
; en d’autres termes, ils sont sémantiquement aveugles en ce qui concerne
les perspectives. Ainsi, leurs intuitions sur la valeur de vérité
des énoncés dépendent de leur propre perspective, mais
ils considèrent eux-mêmes et les autres comme faisant des
affirmations indépendantes de la perspective. Celà explique
les différences de comportement entre les expressions dépendant
du contexte et les expressions dépendant de la perspective.
Thomas HODGSON: Sous-détermination
& attitudes rapportées
Il existe une tradition en philosophie
du langage et en linguistique, parfois nommée contextualisme, qui
soutient que la signification linguistique ne détermine pas entièrement
ce qui est dit. D’après Robyn Carston, je nomme cette thèse
indétermination. Celle-ci est à juste titre considérée
comme ayant des conséquences d’une portée extrême pour
les théories de la communication linguistique. Je décrirai
tout d’abord une des conséquences de l’indétermination sur
le traitement des attitudes propositionnelles rapportées. Puis je
présenterai une manière d’accommoder ces conséquences
dans le cadre d’une approche traditionnelle des attitudes rapportées.
Enfin, je mettrai mon analyse en regard avec une autre analyse récemment
proposée par Ray Buchanan. Je conclurai que mon analyse rend compte
des faits aussi bien que la sienne, tout en s’appuyant sur une métaphysique
du contenu plus parcimonieuse.
Julie HUNTER: Maintenant: une
théorie discursive
Alors que “maintenant” est généralement interprété
par rapport au moment de l’énoncé et ne peut être utilisé
anaphoriquement pour faire référence à un temps passé,
il y a des cas où il peut être utilisé ainsi: “J’étais
seul dans sa chambre austère. Seul, parce que plus rien d’elle n’était
là, juste un corps qui n’avait maintenant plus grand chose à
voir avec ma mère". Cet article propose une théorie des usages
anaphoriques passés de “maintenant”. J’affirme que “maintenant”
dépend d’un point de perspective qui ne correspond pas nécessairement
au moment de l’énonciation, mais contrairement aux analyses existantes
de “maintenant”, je prétends que ce point de perspective est déterminé
par la structure rhétorique du discours. L’idée est que “maintenant”
impose une structure sur l’ordre temporel ; il divise une période donnée
de ce qui la précède et de ce qui la suit. “Maintenant” a également
un effet de mise en évidence, de sorte que le discours requiert une
attention particulière aux événements / états
décrits par la proposition en “maintenant” ; la proposition doit contribuer
au point central de l’histoire, plutôt qu’aux informations d’arrière-plan.
Ivan KASA: Contenu et forme logique dans le
néo-frégéanisme
Je présente une analyse des objets qui soutient l’analyse abstractionniste
suivante: la partie gauche d’un principe d’abstraction concerne tout ce
qui est mentionné dans son équivalent droit, y compris les
entités abstraites individuées par ce principe. Ceci est atteint
sans abandonner l’équivalence nécessaire exprimée par
ce principe, et sans confondre les objets des équivalents nécessaires
de manière générale.
Dirk KINDERMANN: Assertion, relativisme, et de se
Les relativistes prétendent que le contenu des assertions est
plus fin qu’un ensemble de mondes possibles ; les locuteurs n’entendent
pas seulement communiquer des informations sur le monde. Mais comme chacun
sait, les relativistes doivent faire face au défi lancé par
Evans: quel est le but de ces assertions, si ce n’est d’affirmer une vérité
sur le monde? La plupart des relativistes privilégient une réponse
liée à une norme égocentrique de l’assertion: asserte
une phrase S (dans un contexte d’énonciation c) seulement si S
(en c) est vraie selon ta propre perspective. Dans cet exposé,
je défends l’idée d’une norme centrée sur le groupe:
asserte une phrase S (dans un contexte d’énonciation c) seulement
si S (en c) est vraie selon la perspective de tous les participants conversationnels.
Je développe une analyse de la communication dans laquelle l’enjeu
de la communication est la coordination de nos perspectives sur le monde.
Cette analyse rend compte de la communication des croyances sur le goût
aussi bien que des croyances de se, illuminant ainsi leurs similarités
et leurs différences. Elle rend également compte de la dynamique
du désaccord.
Max KÖLBEL: La Compositionnalité comme principe
méthodologique?
Les principes de compositionnalité incluent souvent l’idée
que la signification (dans un sens donné) des expressions complexes
d’une langue est déterminée par la signification de leur constituants
et de la manière dont ils sont assemblés. Néanmoins,
l’apport exact de ce principe et plus particulièrement son statut
empirique restent peu clairs. Dans cette contribution, j’examinerai certaines
conceptions de la compositionnalité qui présentent celleci comme
un principe empirique (en particulier Szabó 2010). Je défendrai
l’idée qu’il est facile de voir qu’un tel principe est faux, et que
ceci ne nécessite pas les contre-exemples typiquement “contextualistes”,
et ne constitue pas non plus un problème fondamental pour la sémantique.
J’explorerai ensuite l’analyse selon laquelle la compositionnalité
est un principe méthodologique. J’essaierai d’expliquer pourquoi, selon
cette analyse, la compositionnalité n’est pas non plus une vérité
a priori.
Ben LENNERTZ: Modaux épistémiques et
spéculation
Dans cet article, je propose une nouvelle analyse du désaccord
mettant en jeu les modaux épistémiques. J’examine le type
de données qui a guidé les relativistes et certains contextualistes,
comme von Fintel et Gillies. Je rejette l’idée qu’il soit suffisant
d’analyser le désaccord dans les cas enchâssés comme
non-enchâssés en termes de désaccord propositionnel
(non-relativiste). Je suggère d’utiliser plutôt la notion
de désaccord au niveau de l’attitude. Je postule un nouveau type
d’attitude d’incertitude, que j’appelle “spéculation”. Il s’agit
de l’attitude que l’on a par rapport à une proposition dont la vérité
nous semble hautement probable. Je donne une sémantique contextualiste
couplée avec une pragmatique qui intègre la spéculation
pour expliquer les cas problématiques de désaccord au niveau
de l’attitude.
Dan LOPEZ DE SA: L’expression du désaccord:
une analyse contextualiste indexicale présuppositionnelle
En ce qui concerne les prédicats de goût personnel et
les prédicats évaluatifs en général, il semble
y avoir de possibles variations dans les jugements sur certaines questions
du domaine, n’impliquant de faute de la part d’aucun participant (Wright
1992). Selon le relativisme, ces apparents désaccords sans faute
doivent être assumées. Selon le relativisme contextualiste,
cela peut être fait dans un cadre général qui admet
pour notion sémantique de base l’idée d’une phrase p vraie
dans un contexte c par rapport à un indice i : il peut effectivement
se trouver que p soit vraie en c (par rapport à son indice), mais fausse
en c* (par rapport à son indice) (Lewis 1980). D’après le
relativisme contextualiste indexical, cela se produit en vertu du fait que
le contenu de la phrase p en c est différent de celui de p en c* (MacFarlane
2009). Le relativisme contextualiste indexical semble ainsi rendre parfaitement
compte de l’absence de faute des jugements qui pourraient être exprimés
en utilisant p en c mais non pas en c*. Qu’en est-il des faits qui impliquent
des intuitions de désaccord, comme le révèlent les
disputes ordinaires dans le domaine? Dans les récents débats
sur ces questions, la plupart présupposent que le contextualisme
indexical ne peut tout simplement pas expliquer ces faits, et doit ainsi
être rejeté (Wright 2001, Kölbel 2004). Selon moi, il
existe une version du contextualisme indexical qui peut se prémunir
contre une telle objection (Lewis 1989, López de Sa 2007, 2008). Une
telle analyse exploite des présuppositions de similitude qui ont pour
effet de présenter l’interlocuteur comme partageant les traits pertinents
du locuteur (ou de toute autre personne du contexte saillante de manière
pertinente). Dans cet article, je répète les principaux dogmes
de cette conception, j’examine d’autres objections récentes, et je
la compare à d’autres propositions qui ont été récemment
avancées.
Ingrid LOSSIUS FALKUM: Une analyse pragmatique de la
polysémie systématique
Cet article examine le type de polysémie systématique
qui repose sur la distinction entre les utilisations comptables et
massives de certains noms (par exemple, "Marie a tiré sur un lapin/a
trouvé le lapin très bon/ portait du lapin"). Les approches
en sémantique computationnelle ont défendu une analyse
influente selon laquelle de telles alternances de sens devraient être
traitées comme découlant d’un ensemble de règles
d’inférence lexicales spécialisés. Je conteste ce
type d’analyses parce que (i) elles n’offrent pas cette souplesse interprétative
requise pour rendre compte de la diversité des sens mis en jeu dans
la polysémie systématique ; (ii) elles surgénèrent,
et (iii) elles requièrent l’intervention de plusieurs mécanismes
interprétatifs dans des contextes quasi-identiques. A la place, je
propose une analyse alternative essentiellement pragmatique de la polysémie
systématique, dans laquelle la distinction comptable-massif est traitée
comme une distinction sémantico-conceptuelle apparaissant au niveau
des occurrences des NPs entiers, et non comme une propriété
syntaxique des noms. Cela permet aux NPs d’être encodés avec
une dénotation soit comptable soit massive, qui fournit ensuite une
instruction au système pragmatique sur le format du concept en
question. C’est sur la base de tels inputs sous-spécifiés,
de l’information encyclopédique associée au concept la plus
fortement activée, et des hypothèses conceptuelles dérivées
de la situation d’énonciation, que le système pragmatique
fournit le concept que le locuteur entend communiquer.
Marie-Christine MEYER: Ou sinon, une nouvelle forme de disjonction
Dans cet exposé, je présenterai et tenterai d’analyser
une construction qui pose un véritable défi pour toute théorie
de la disjonction ; celle-ci est illustrée en (1) et (2):
(1) Bernadette doit être riche ou sinon elle ne posséderait
pas une Porsche.
(2) Chaque pronom doit être engendré avec un index, ou
sinon il sera ininterprétable.
Je montrerai que ce qui est prononcé comme une disjonction
connective semble être interprété comme une conjonction.
Je suggérerai une analyse qui met en jeu deux éléments
indépendants : un élement anaphorique modal et une signification
sous-spécifiée pour ou.
Robert MICHELS: Deux sortes d'opérateurs "actually"
En logique modale, l’adverbe “actually” est traité comme un
opérateur modal qui complète les deux opérateurs plus
fréquents “possibly” et “necessarily”, et qui augmente la force
expressive d’un langage modal en offrant le moyen de changer le monde
d’évaluation depuis ce langage. Il y a en langue naturelle différentes
manières d’utiliser “actually” qui posent a priori des difficultés
pour les différentes sémantiques proposées par les
logiciens. J’introduirai certaines de ces sémantiques et considérerai
dans quelle mesure elles peuvent surmonter ces difficultés.
Matt MOSS: Impossibilité and ‘Might’ épistémique
La possibilité épistémique est typiquement plus
vaste que la possibilité métaphysique ou logique. Ce qui
est possible étant donné un ensemble de connaissances comprend
ce qui n’est pas possible étant donné les faits de la métaphysique
ou de la logique. A cette vérité conceptuelle correspond
son expression linguistique : les affirmations mettant en jeu un “might”
épistémique et une proposition impossible. Intuitivement,
l’indépendance de la possibilité épistémique
à l’égard de la possibilité logique et métaphysique
se refléterait dans la sémantique de “might” épistémique
; ainsi, nous nous attendrions à ce que de telles affirmations soient
parfois vraies.
Cette intuition s’accorde bien avec une ancienne analyse de “might”
épistémique, due à G.E. Moore, qui fait de la modalité
épistémique le dual de la connaissance : “Might φ” est vrai
seulement si la négation de φ n’est pas une connaissance.
D’après l’analyse maintenant standard due à Angelika
Kratzer, “might φ” est vrai seulement s’il existe un monde possible, accessible
depuis les mondes déterminés par les connaissances pertinentes,
dans lequel φ est vrai. Les raffinements de cette analyse négligent
typiquement le cas où φ est une simple possibilité épistémique.
Je défendrai l’idée que cette négligence est problématique
pour l’analyse standard. Je défendrai également l’idée
qu’une fois les différents prérequis pour une théorie
de “might” épistémique démélés, l’ancienne
analyse de Moore gagne en plausibilité. Je conclus en examinant
avec attention certaines définitions proposées pour un “monde
épistémiquement possible” à la lumière des considérations
précédentes.
Stephen NEALE: Des plans préconçus pour les
propositions
C’est un article de foi pour de nombreux philosophes et linguistes que
la signification d’une phrase sous-détermine ce que dit un locuteur,
ou bien la proposition qu’un locuteur exprime, en utilisant cette phrase à
une occasion donnée. Sans une caractérisation claire des relata,
il sera probablement difficile de caractériser la relation d’indétermination
plus précisement qu’en disant qu’elle implique la non-identité,
c’est-à-dire que “X sous-détermine Y” implique que “X≠Y”. D’un
côté de l’équation, on trouve trois positions générales
sur la nature des propositions dans la littérature, positions caractérisées
par leur granularité : (1) les théories frégéennes
(2) russelliennes, et (3) véri-conditionnelles. De l’autre côté
de l’équation, on trouve des suggestions sur la signification des
phrases comme propositions partielles ou incomplètes, comme radicaux
et schémas propositionnels, comme modèles et plans préconçus
pour les propositions. Nous pouvons ici distinguer trois positions générales,
que j’appellerai : (1) théories du comblement (la signification d’une
phrase est une proposition contenant des trous qui doivent être comblés),
(2) théories fonctionnelles (la signification d’une phrase est une
fonction propositionnelle), et (3) les théories instructionnelles.
Dans ces deux séminaires, j’argumenterai contre les théories
du comblement et les théories fonctionnelles et en faveur d’une théorie
instructionnelle particulière que j’appelle la théorie du plan
préconçu, elle-même fondée sur ce que j’appelle
une conception syntactico-actancielle du langage. Combiner la théorie
du plan préconçu avec une théorie russellienne des propositions
fournit les moyens de caractériser clairement deux notions différentes
(mais intimement reliées) qui peinent jusqu’à présent
sous l’étiquette d’“indétermination” (essentiellement à
cause de la confusion répandue entre deux concepts de détermination
différant l’un de l’autre de manière notoire). Ces deux notions
d’”indétermination” sont centrales à la compréhension
du langage et de son utilisation, mais l’une concerne la constitution (métaphysique)
de ce qui est dit et l’autre l’identification (épistémique-évidentielle)
de ce qui est dit (quelle que soit sa constitution). Une fois l’architecture
conceptuelle mise en place, on comprend mieux pourquoi de nombreux débats
sur la détermination “sémantique” ou “pragmatique” des “conditions
de vérité” sont incohérentes ou futiles, symptômes
d’arguments confus sur l’impact plus ou moins grand du contexte, du sujet
abordé, des maximes conversationnelles, de la pertinence, de la saillance,
des connaissances d’arrière-plan et d’autres “facteurs pragmatiques”
sur ce que dit un locuteur, échouant à reconnaître deux
façons non-concurrentes d’effectuer une distinction explicative et
importante sur le plan théorique entre la sémantique et la
pragmatique, l’une centrale pour les discussions sur ce qu’un locuteur veut
dire, l’autre pour les questions sur la manière d’identifier ce qu’un
locuteur veut dire.
Geoffrey NUNBERG: Une sémantique minimale
pour les termes péjoratifs, ou comment être méchant
sans en faire mine
Les termes péjoratifs soulèvent deux types de questions.
Premièrement, comment parviennent-ils à véhiculer
du dédain vis à vis des membres d’un groupe et à leur
imputer un ensemble de traits dévalorisants? Quel est le rôle
de la signification lexicale dans ce fait et qu’est-ce qui relève
ce que l’on asserte quand on les utilise? Ma réponse à chacune
de ces questions est, en deux mots, quasiment rien. La signification linguistique
d’un mot péjoratif comme peau-rouge est décrite de manière
à peu près complète par une définition typique
de dictionnaire ; par exemple, “peau-rouge: (souvent argotique) Utilisé
comme un terme désobligeant pour désigner un Indien américain”.
Cette analyse peut être généralisée à
d’autres termes évaluatifs. Mais une seconde question concerne une
propriété que (certains) termes péjoratifs partagent
seulement avec les descriptions vulgaires, propriété que j’appelle
solvabilité universelle: ils peuvent évoquer des sentiments
forts en vertu de leur forme seule, et ce potentiel imprègne jusqu’aux
opérateurs, comme la citation, qui absolvent habituellement le locuteur
de la responsabilité de leur contenu - il n’est pas même possible
de les citer en mention. Cette propriété est de l’ordre d’un
acte locutoire, non illocutoire, et ne peut être expliquée
par aucune analyse de la manière dont ils se chargent d’un apport
évaluatif (pas même par la mienne).
Yuuki OHTA & Emanuel VIEBAHN: Une défense
de la modestie sémantique
La modestie sémantique est une combinaison des deux
thèses suivantes: (i) les intuitions des locuteurs ordinaires ne
sont pas des indicateurs fiables du contenu sémantique d’un énoncé
; (ii) le rôle joué par le contenu sémantique dans l’interprétation
d’un énoncé est minime. Dans cet exposé, nous défendons
la modestie sémantique mise en avant par Bach et Cappelen &
Lepore contre les objections de King & Stanley. King & Stanley prétendent
qu’une théorie sémantiquement modeste ne peut pas être
compositionnelle, et qu’elle est moins systématique que leur propre
théorie, qui est sémantiquement immodeste. Nous montrons
que ces objections ne concernent pas (i), puis nous argumentons en faveur
de l’idée qu’elles ne touchent pas non plus (ii). Une théorie
qui est modeste sur le rôle du contenu sémantique peut être
compositionnelle et n’est pas nécessairement moins systématique
qu’une théorie sémantiquement immodeste.
Peter PAGIN: Modifier paramètres et
propositions
Pour remplir leur rôle dans les explications de l’action en termes
de croyances et de désirs (enchâssés), il faut que
les croyances aient des contenus dont les valeurs de vérité
restent fixes à travers le temps. Ainsi les propositions doivent-elles
être éternelles. Mais dans la sémantique Kaplanienne,
si les propositions sont éternelles, les paramètres de temps
appartiennent au contexte d’énonciation et participent de toutes
les propositions pour lesquelles le temps importe. Ainsi, les opérateurs
temporels modifient le contexte d’énonciation. La phrase (1) “Il
pleut toujours là où je suis” est alors vraie dans un contexte
c par rapport au monde w de c ssi la phrase (2) “Il pleut là où
je suis maintenant” est vraie à tout moment pour le locuteur de c
par rapport à w. Mais changer le temps c’est changer le contexte,
et cela modifie d’un même geste la référence de “maintenant”
(“maintenant” est alors un monstre). Cela fausse la signification de (1).
Ainsi, les propositions doivent être temporelles. D’où une
contradiction. Je suggérerai une solution.
Hazel PEARSON: Une sémantique
sans juge pour les prédicats de goût personnel
Nous proposons une nouvelle analyse
de la sémantique des prédicats de goût
personnel (PGPs) comme bon ou plaisant, qui va à
l’encontre de propositions récentes (Lasersohn 2005, Stephenson
2007) en ce qu’elle n’introduit pas de juge comme nouveau paramètre
dans l’index d’évaluation. Nous identifions certaines
lacunes dans les propositions précédentes,
arguant que les PGPs présentent un composant sémantique
orienté vers la première personne dans les
cas d’apparente interprétation exocentrique. Notre thèse
est que l’interprétation des PGPs met en jeu une
généricité orientée vers la première
personne du même type que celle identifiée
par Moltmann (2006, 2010) dans son analyse du générique
on. L’idée générale est que
lorsque je dis Le gâteau est bon, je dis que
le gâteau est bon pour tous les individus qui partagent les
mêmes traits pertinents que moi et qui ont goûté
au gâteau. Si l’orientation de la première personne
bascule du locuteur vers la personne qui entretient l’attitude
dans les attitudes rapportées, c’est selon nous parce que
la phrase enchâssée aussi bien que la phrase matricielle
expriment des propriétés plutôt que des
propositions (Stojanovic 2008).
Stefano PREDELLI: La sémantique
non-vériconditionnelle
Ce cours étudiera certains phénomènes ayant trait
à la signification non-vériconditionnelle. Son objectif plus
large est de faire signe vers un cadre théorique à l’interface
entre d’un côté des questions proprement sémantiques,
et de l’autre des questions typiquement classées comme pragmatiques,
socio-linguistiques ou lexicales. Je commence par prendre comme paradigmatiques
des exemples simples d’onomatopées, de registres, de titres honorifiques,
et d’insultes. Je conclus la première partie de ma présentation
par l’application de mon cadre sémantique à une “logique”
pour “hélas”. Dans la seconde partie, je passe à des phénomènes
qui motivent la distinction entre les conditions de vérité
d’une phrase, et les “conditions de vérité” de ses différentes
utilisations. Est particulièrement pertinent à cet égard
le phénomène de ce que j’appelle les occurrences persistantes
d’expressions indexicales, un phénomène pertinent pour l’étude
des vocatifs, des citations et des pronoms logophoriques.
Jeffery B. PRETTI: Substitution,
phrases simples, et désignations comme jeux de masques
La dernière décennie a permis de montrer que le problème
de la substitution des noms coréférentiels touche jusqu’aux
phrases dépourvues de contenu opacifiant - c’est-à-dire
jusqu’aux phrases “simples”. Par exemple, tandis que (1) “Superman franchit
plus d’immeubles que Clark Kent” semble vraie, (2) “Superman franchit plus
d’immeubles que Superman” est clairement fausse. Diverses solutions sémantiques
et pragmatiques ont été mises en avant dans le débat,
qui ont été toutes refusées par Jennifer Saul. D’après
cette dernière, le problème de la substitutivité
ne peut être résolu en faisant appel à des mécanismes
linguistiques. Dans cet article, j’offre cependant une analyse causale
comme nouvelle solution au débat. Je défends l’idée
que les différentes manières de penser à un seul et
même référent peuvent être préservées
grâce à une analyse causale des noms propres. Je propose tout
d’abord une analyse du contenu sémantique des noms propres en terme
des chaînes causales historiques qu’ils déterminent de manière
unique, puis je réponds aux objections premières soulevées
par Saul. Enfin, je montre comment réussir à préserver
nos intuitions vériconditionnelles, même pour des phrases aussi
problématiques que les phrases simples.
François RECANATI:
La co-référence de jure dans le cadre théorique
des fichiers mentaux
Deux termes singuliers (considérés comme occurrences) sont
coréférentiels de jure si et seulement si comprendre
le discours qui les contient requiert de savoir que, si ces termes réfèrent,
ils co-réfèrent. Dans le cadre de la théorie des dossiers
mentaux, cela est rendu en disant que les deux termes sont associés
au même dossier.
L’exposé sera consacré à la discussion d’une objection
soulevée par Angel Pinillos à l’encontre de cette théorie.
Selon cette objection, la théorie des dossiers ne peut pas être
correcte pour la raison suivante. Il est possible que A et B soient coréférentiels
de jure, et que B et C le soient aussi, sans que pour autant A
et C le soient. Cela montre que la relation de coréférence
de jure n’est pas transitive. Or elle le serait si la coréférence
de jure n’était rien d’autre que le fait, pour deux termes
singuliers, d’être associés au même dossier (l’identité
étant elle-même une relation transitive).
François Recanati, Directeur de recherche
au CNRS et Directeur d'études à l'EHESS,
est spécialiste de philosophie du langage et
de l'esprit. Il mène ses recherches à l'Ecole
Normale Supérieure, au sein de l'Institut Jean-Nicod
qu'il dirige. Il a enseigné dans plusieurs universités
étrangères, dont Berkeley, Harvard, Genève,
et St Andrews (où il occupe un poste de Professorial
Fellow). Il a publié une dizaine de livres, dont les
plus récents sont Perspectival Thought
(Oxford University Press, 2007), Le Sens littéral
(Editions de l'Eclat, 2007), Philosophie du langage
(et de l'esprit) (Gallimard, 2008) et Truth-Conditional
Pragmatics (Oxford University Press, 2010).
Indrek REILAND: Les signfications linguistiques
comme règles sémantiques
Il est plausible que pour qu’une phrase ait une signification linguistique,
il faut qu’elle ait la propriété relationnelle d’entretenir
une relation R par rapport à quelque chose d’autre, disons
X. Trois questions intéressantes se posent: tout d’abord,
quelle est la nature de R, deuxièmement quelle est la nature
de X, troisièmement, comment pouvons-nous décrire la
signification linguistique des expressions? Mon objectif dans cette présentation
est double. Tout d’abord, je veux mettre en avant l’idée que R
est la relation x (‘_’ peut être utilisé légitimement
par x ssi _), que X est un état mental et que l’on peut
décrire la signification linguistique des expressions en les considérant
comme des règles sémantiques de cet ordre: x (‘aïe!’
peut être utilisé légitimement par x ssi x a mal). Deuxièmement,
je veux défendre l’idée que cette analyse est préférable
à ses compétiteurs parce que tandis qu’elle peut rendre
compte aussi bien des aspects vériconditionnels de la signification,
elle rend compte beaucoup mieux des aspects non-vériconditionnels,
tels que la signification linguistique des phrases impératives
(ex: “ferme la porte !”), des phrases expressives (ex: “Aïe !”), des
phrases déclaratives comprenant des expressions descriptives-interjectives
(ex: “Gottlob est un Boche”), les smileys (ex: “:-D”) et les gestes de
la main.
David REY: La compositionnalité est-elle une contrainte
substantielle pour la sémantique formelle?
Dans cet exposé, j’examinerai une certaine circularité qui
ressort lorsque l’on évalue la compositionnalité des langues
naturelles du point de vue de la sémantique formelle. La sémantique
formelle est fondée sur l’hypothèse méthodologique que
notre maîtrise des structures sémantiques du langage naturel
n’est pas indépendante des avancées de cette discipline. Les
structures sémantiques qui sont pertinentes pour évaluer le
principe de compositionnalité sont les structures postulées
par nos meilleures théories sémantiques. Cependant l’on peut
soutenir que la conformité à ce principe est le critère
essentiel que les sémanticiens formels utilisent pour concevoir et
sélectionner les théories sémantiques. La prédiction
compositionnelle des conditions de vérité est l’enjeu de la
sémantique formelle. Ainsi, pour un sémanticien formel, il
n’est pas possible de se demander si une langue naturelle est compositionnelle
sans prédéterminer une réponse à cette question.
Vincent RICHARD: Prédicats
de temps et dépendence contextuelle
L'article présente un nouvel argument en faveur de l'articulation
d'un élément de lieu dans Il pleut. J'examine d'abord les
principaux arguments qui ont été proposés lors du débat
sur les prédicats météorologiques: l'argument du liage
(Stanley) et l'argument de l'optionnalité (Récanati). Je
montre que les deux arguments surgénèrent. J'en tire la conclusion
que ces arguments ne sont pas suffisamment fins pour s'appliquer à
la sémantique des prédicats météorologiques. Je
propose donc le principe méthodologique suivant: un bon argument pour
ou contre l'articulation d'un lieu dans Il pleut doit être fondé
sur un phénomène spécifique aux prédicats météorologiques.
Suivant ce principe, je donne un nouvel argument pour l'articulation d'un
lieu dans la seconde partie de l'article. Je note qu'une phrase comme Il
a plu avant de neiger implique la co-localisation des deux événements.
Je propose alors l’idée que ce phénomène est fondé
sur un processus de contrôle syntaxique. Selon Chomsky (1981), les prédicats
météorologiques sont les seuls prédicats dont les sujets
peuvent contrôler sans être référentiel. Je conclus
que c'est parce que les sujets des prédicats météorologiques
sont liés à un lieu, qui les rend quasi-référentiel
et rend ainsi compte de l'effet de co-localisation que je note.
Barry C. SMITH: Comprendre le goût et évaluer
les contextes d’évaluation
En dépit de nombreux travaux récemment produits sur
le thème du relativisme sémantique, peu de progrès
ont été faits concernant la compréhension ou l’évaluation
des positions véritablement relativistes. Les difficultés
proviennent tout d’abord de confusions autour du terrain de rassemblement
que constituent les prédicats de goût personnel, et ensuite
d’un échec à apprécier le véritable rôle
des contextes d’évaluation dans la position relativiste. Dans cet
article, je mettrai en évidence certains aspects négligés
de la complexité de la question du goût, en distinguant les
prédicats de goût des prédicats de goût personnel,
afin de déterminer la portée des véritables désaccords
dans ce domaine. De plus, j’explorerai les réflexions qui poussent
à recourir aux contextes d’évaluation, afin de distinguer
les analyses relativistes impliquant la sensibilité au contexte des
analyses non-relativistes traitant ces contextes comme un paramètre
parmi d’autres. Pour finir, je considérerai la façon la plus
prometteuse de situer le véritable désaccord du type de celui
qui motive le relativisme pour le goût.
Benjamin SPECTOR: Les interrogatifs et la division sémantique
/ pragmatique
Contrairement aux phrases déclaratives qui expriment des propositions,
les interrogatives n’ont pas de conditions de vérité. Leur
signification peut cependant être caractérisée en termes
de “conditions de résolvabilité”. Nous présenterons
deux analyses influentes sur la sémantique et la pragmatique des
questions et réponses (la sémantique des partitions vs. une
sémantique en termes de “réponses élémentaires”),
et nous examinerons leur forces et leurs faiblesses. Nous examinerons également
l’interprétation des interrogatives lorsqu’elles sont enchâssées
dans des phrases déclaratives, telles que “John sait s’il pleut”.
Nous nous attarderons tout particulièrement sur l’analyse des questions
alternatives.
Tamina STEPHENSON: La pragmatique de la vérité relative
Cet exposé explorera la façon dont nos choix concernant
les modèles formels de la pragmatique peuvent être informés
par des découvertes (relativement) récentes dans le champ de
la sémantique des prédicats de goût, des prédicats
scalaires vagues, des modaux
épistémiques, et des attitudes propositionnelles, avec une
attention particulière aux analyses qui intègrent une forme
ou une autre de relativisme. Nous aborderons notamment comme éléments
de la pragmatique : les connaissances communes, les engagements des participants,
les types d’actes de langage, et les normes déterminant ces actes
de langage. Je défends l’idée que les choix particuliers que
nous faisons pour construire un modèle pragmatique sont cruciaux pour
comprendre et évaluer les théories sémantiques apparemment
fondées sur la notion de vérité relative.
Tim SUNDELL: Comprendre le désaccord normatif
Une thèse répandue en philosophie contemporaine est
que pour qu’il y ait réel désaccord entre les locuteurs,
ceux-ci doivent signifier la même chose par les mots qu’ils utilisent.
Nous appelons ce principe DRSP pour “le Désaccord Requiert une
Signification Partagée”. Le DRSP s’est avéré une
contrainte importante sur les théories de la sémantique
des termes et concepts normatifs. Cependant, nous prétendons que
ce principe est faux. En nous appuyant sur des travaux récents en
philosophie du langage aussi bien qu’en linguistique, nous prétendons
qu’il existe plusieurs manières d’être en désaccord
pour deux locuteurs. De manière cruciale, de tels désaccords
alternatifs sont bien souvent extrêmement difficiles à distinguer
des désaccords ordinaires sur la vérité (ou la correction)
d’un contenu exprimé littéralement. Ceci a pour conséquence
de conférer plus de plausibilité aux théories postulant
un degré important de variation sémantique dans nos termes
et concepts normatifs. Nous prétendons également que l’échec
du DRSP suggère la nécessité de repenser de manière
plus générale la méthodologie d’une théorie
normative.
Vassilis TSOMPANIDIS: La croyance
temporelle comme croyance De Re
L’enjeu principal de cet article est
d’esquisser une analyse des croyances temporelles en terme
de croyance externaliste De Re qui pourrait bien n’être
pas loin d’expliquer pourquoi et comment celles-ci mènent
à une action temporelle. Selon moi, les croyances temporelles
sont perspectivales, relationnelles, et pas entièrement
conceptualisées. Une telle analyse évite un problème
sur lequel achoppent les analyses "hyper-intellectualisées"
des croyances temporelles, à savoir prédire qu’un sujet
aura des croyances temporelles dans le cas où la croyance
temporelle n’advient pas nécessairement. En outre, je défend
l’idée que les êtres humains sont capables de percevoir
des propriétés temporelles telles que la durée
et l’ordre, et que la psychologie humaine inclut un cadre temporel
non-conceptuel semblable à un index égocentrique spatial.
Ceci peut être directement combiné avec mon analyse externaliste
pour expliquer pourquoi l’action temporelle suit d’une croyance
temporelle sans recourir à des faits biologiques bruts ou
ignorer des réactions temporelles rapides à des perceptions
immédiates.
Lavi WOLF: Une approche interpersonnelle
des prédicats de goût personnel
Cet article défend l’idée que les prédicats de
goût personnel (tel que bon, amusant) n’expriment en fait pas le
goût personnel mais plutôt un goût interpersonnel.
Les approches précédentes, en particulier celle de Lasersohn
(2005) qui propose une analyse essentiellement subjective, souffrent de
plusieurs problèmes sémantiques, pragmatiques et logiques.
Recanati (2007) propose une analyse essentiellement objective qui évite
les difficultés auxquelles se heurte Lasersohn mais présente
d’autres problèmes. La solution est de combiner subjectivité
et objectivité, et ce grâce à un modèle probabiliste
mixte qui prend en considération les jugements de divers individus
(l’aspect objectif) que le locuteur considère être de bon évaluateurs
pour le goût (l’aspect subjectif). Cette théorie rend compte
des prédicats de goût personnel, explique le désaccord
sans erreur et évite les problèmes des autres théories.
BIBLIOGRAPHIE :
H. Cappelen et E. Lepore, Insensitive Semantics.
Blackwell.
R. Carston, Thoughts and Utterances. Blackwell.
S. Predelli, Contexts, Oxford University
Press.
F. Recanati, Le Sens littéral. Editions
de l’Eclat.
D. Sperber et D. Wilson, La Pertinence.
Minuit.
J. Stanley, Language in Context. Oxford University
Press.
Avec le soutien du CNRS (Formation permanente),
du Réseau
Marie Curie PETAF,
de l'Institut
Jean Nicod,
de Arché/CSMN,
du Projet "Semantic Content and Context-Dependence"
(M. Kölbel)
et du Projet
ERC "Context, Content and Compositionality" (F.
Récanati)