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DU LUNDI 12 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 18 SEPTEMBRE (14 H) 2011



ENTRE LE LICITE ET L'ILLICITE : MIGRATIONS, TRAVAIL, MARCHÉS


DIRECTION : Angelina PERALVA, Vera TELLES

ARGUMENT :

Ce colloque a pour but de dresser un bilan des conditions de déploiement de trois marchés illégaux dans la mondialisation: le marché de travail, vecteur de multiples circulations illégales de travailleurs manuels "migrants" ; le marché illégal de menus articles qui assure aux populations pauvres un accès à la consommation, souvent via la contrefaçon et la contrebande ; et le marché de consommation de biens illicites (spécialement les drogues) qui participe — c’est notre hypothèse — à une dynamique économique étroitement imbriquée dans l’économie légale.

Mondialisation des marchés et démocratie entretiennent ainsi des relations paradoxales: dans bien des cas, les effets proprement économiques de ces marchés illégaux ne sont pas entièrement négatifs, dans la mesure où ils participent à une réduction de la pauvreté ou, tout au moins, à sa reconfiguration ; mais ils affectent directement le rapport à la loi et aux droits en vigueur dans les Etats-nations démocratiques, allant jusqu’à en modifier les conditions internes de fonctionnement.

En effet, qu’il s’agisse de la circulation illégale de travailleurs et de leur insertion dans des marchés illégaux de travail, ou de la circulation illégale de marchandises licites ou illicites, la mondialisation du travail et du commerce a favorisé le développement de mécanismes de traversée des frontières internes et internationales des Etats-nations qui remettent en cause, de l’intérieur, le rapport de l’Etat à la loi.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 12 septembre
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mardi 13 septembre
Matin:
Ouverture
Angelina PERALVA & Vera TELLES: Ouverture
Dana DIMINESCU: K29 dans la sociologie des migrations? Borders, Homme territoires et homeland connections

Après-midi:
Frontières et passages
Bénédicte MICHALON: La mobilité au service de l'enfermement? Les centres de rétention pour étrangers en Roumanie
Pauline CARNET: De l’ambivalence de l’Etat espagnol face aux conditions de passage et d’installation en Espagne des migrants africains clandestins
Daniel WELZER-LANG: Traverser les frontières de sexe et de genre: les travestis de São Paulo
Tom DWYER: Usages d’Internet et pratiques illégales comme mode d’entrée dans une société de consommation


Mercredi 14 septembre
Mobilités, travail et marchés

Matin:
Laurence ROULLEAU BERGER: Migrations, économies polycentriques et nouvelles frontières morales
Ronaldo de ALMEIDA: Essor du pentecôtisme brésilien et transformations des relations de travail au Brésil
Sophie BAVA: Des migrants sénégalais mourides aux étudiants africains d'Al Azhar: la légitimation religieuse d'activités commerçantes en milieu urbain
Robert CABANES: Banlieue: droits à la ville et naissance d'une économie morale

Après-midi:
Jacob LIMA: Les nouveaux territoires de la production et du travail: flexibilité et mobilités dans l'industrie de chaussures
David KYLE: Migration industries & the manufacturing of a mobile underdasis
Luciano RODRIGUES: Sous-traitance et informalité dans l´industrie du bâtiment au Brésil et en France
Leonardo DE LA TORRE AVILA: Contrôle et liberté dans les projets de mobilité des migrants entre l'Espagne et la Bolivie


Jeudi 15 septembre
Articles "made in China", circulations marchandes et marchés urbains

Matin:
Olivier PLIEZ: Renaissance des routes de la soie?
Gilles GUIHEUX: Yiwu, Chine, bourg rural devenu place marchande mondialisée
Sylvie BREDELOUP: Mille et une péripéties du comptoir africain en Asie
Rosana PINHEIRO-MACHADO: Aux frontières de l’illicite: la formation de la route commerciale Chine-Paraguay-Brésil

Après-midi:
Carlos ALBA: La mondialisation par le bas et ses formes de régulation politique. Le cas des vendeurs ambulants et leurs organisations à Mexico
Saïd BELGUIDOUM: Le dynamisme des nouvelles places marchandes de l’Est algérien: reconfiguration urbaine et nouvelles donnes sociales
Carlos FREIRE: Marchés informels et Etat. Le jeu entre la tolérance et la répression
Douglas DE TOLEDO PIZA: Les circuits du commerce chinois à São Paulo


Vendredi 16 septembre
Trafics et marchés illicites dans la mondialisation (I)
Matin:
Jean RIVELOIS: Le contexte mondialisé de la criminalité transnationale
Ricardo VARGAS MESA: Economie illégale des drogues, conflit armé et sécurité: l’expérience colombienne
Jacqueline SINHORETTO: Economie de la drogue, Etat et économie légale au Brésil
Fernanda de ALMEIDA GALLO: Des réseaux cachés. L'implication de députés de la Commission Parlementaire d'Enquête brésilienne sur le narcotrafic dans la criminalité

Après-midi:
DÉTENTE


Samedi 17 septembre
Matin:
Trafics et marchés illicites dans la mondialisation (II)
Michel KOKOREFF: Drogues et trafics, entre globalisation et localisation
Olga L. GONZALEZ: Destructuration et violence homicide en Amérique latine: le prisme des drogues
Sergio ADORNO: Chronologies du crime à São Paulo: régulations de la mort, contrôle de la vie
Daniel VELOSO HIRATA: Dynamiques de régulation et formes de territorialisation du commerce détailliste des drogues à São Paulo

Après-midi:
Etats, régulations et droits face aux marchés illégaux mondialisés
Michel MISSE: Echanges illicites et marchandises politiques: pour comprendre les pratiques normalisées de corruption au Brésil
Marcos César ALVAREZ: Etat-nation, frontières, marges: vers une redéfinition des espaces frontaliers dans le Brésil contemporain
Vera TELLES: Les frontières de la loi comme champ de disputes
Angelina PERALVA: Mutation des marchés nationaux: retour sur une hypothèse historique
Michel PERALDI: Circulations migratoires et capitalisme des parias: économies anamorphiques des échanges marchands transnationaux

Soirée:
Michel WIEVIORKA: Les valeurs universelles sont-elles universelles?


Dimanche 18 septembre
Matin:
Discussion générale. Perspectives pour la recherche

Après-midi:
DÉPARTS

RÉSUMÉS :

Sergio ADORNO: Chronologies du crime à São Paulo: régulations de la mort, contrôle de la vie
A partir d’une série historique de quatre décennies d’évolution des homicides, croisée avec d’autres séries historiques (dont les régimes d’occupation du territoire urbain, projet en cours dans le NEV-USP), il s’agit de mettre en évidence les changements récents dans l’économie du crime urbain.

Sergio Adorno est sociologue, spécialiste des questions de crime, violence et justice, professeur à l’Université de São Paulo, Brésil, directeur du Centre d’étude de la violence de l’Université de São Paulo, NEV-USP, membre du programme franco-brésilien de coopération "Trajectoires, circuits et réseaux dans la mondialisation".

Carlos ALBA: Organisations de vendeurs ambulants des villes de Mexico et São Paulo: notes pour une comparaison
Dans ce travail sont examinées quelques caractéristiques des ambulants et leurs organisations dans la ville de Mexico, mises en perspective à partir d’observations relatives à la ville de São Paulo, Brésil. Les points de comparaison seront les suivants : a) les origines socioéconomiques, géographiques et le profil socioprofessionnel des ambulants ; b) les caractéristiques des organisations du point de vue des liens entretenus avec  les partis politiques et des relations avec le gouvernement. On essayera de montrer que  celles de Mexico transitent d’une relation corporative à une relation clientéliste, tandis que celles de São Paulo présentent un degré plus important d’autonomie et d’indépendance, même si elles contiennent également des éléments de clientélisme ; c) l’occupation du sol urbain par le commerce de rue est fondamental dans les deux villes, relevant d’une négociation politique entre les organisations de vendeurs et les autorités locales ; d) la dimension culturelle (fêtes et repas) et religieuse est plus évidente à Mexico qu’à São Paulo ; e) dans les deux villes, le commerce informel, en apparence non régulé économiquement, s’effectue sous des formes de régulation sociale et politique informelles mais qui permettent d’assurer leur fonctionnement.

Carlos José Alba Vega est sociologue, spécialiste des acteurs du champ économique, professeur au Colégio de México, Mexique.

Fernanda de ALMEIDA GALLO: Des réseaux cachés. L'implication de députés de la Commission Parlementaire d'Enquête brésilienne sur le narcotrafic dans la criminalité
En 2000, une Commission Parlementaire d'Enquête brésilienne a rendu public un rapport sur le narcotrafic. A partir d'une analyse de réseaux, il s'agit de mettre en évidence la participation de certains députés aux réseaux criminels sur lesquels ils enquêtaient.

Elle est politologue, doctorante au programme de formation doctorale en Sciences Sociales de l'UNICAMP et fait actuellement un séjour d'un an au LISST/UTM avec une allocation de recherche de la CAPES.

Ronaldo de ALMEIDA: Essor du pentecôtisme brésilien et transformations des relations de travail au Brésil
En prenant appui sur des approches ethnographiques, nous rendrons compte des transformations récentes du pentecôtisme brésilien en parallèle avec celles intervenues au niveau des relations de travail, de la dynamique urbaine, des processus migratoires et des nouveaux standards de la violence dans des contextes métropolitains tels celui de São Paulo. Il s’agit de comprendre comment la diversité interne du champ religieux, en particulier celle du pentecôtisme, s’articule de façon étroite à ces transformations, en favorisant l’expansion de certaines religions au détriment de certaines autres.

Ronaldo de Almeida est anthropologue, spécialiste des nouvelles dénominations protestantes et de la ville, MCF à l’IFCH, Université de Campinas, chercheur au CEBRAP, membre du programme franco-brésilien de coopération Trajectoires, circuits et réseaux dans la mondialisation.

Marcos César ALVAREZ: Etat-nation, frontières, marges: vers une redéfinition des espaces frontaliers dans le Brésil contemporain
La frontière est un enjeu fondamental de l’imaginaire étatique moderne. On s’accorde généralement pour penser que les fonctions centralisatrices et ordonnatrices de l’Etat auraient comme corollaire ses frontières, qui marqueraient les limites de la centralisation étatique en tant qu’espaces problématiques de domination et conflit. Des débats récents dans le domaine des sciences sociales ouvrent néanmoins vers de nouvelles possibilités d’analyse de ces questions, à partir d’une approche des pratiques de pouvoir — impliquant des dispositifs de souveraineté, de discipline et de gestion gouvernementale — faisant apparaître l’Etat comme un projet incomplet, qui doit être constamment énoncé et imaginé, évoquant les limites du dehors, du lieu sauvage, du vide et du chaos. Dès lors, il faut penser les frontières moins comme des espaces limites et périphériques vis-à-vis du pouvoir central et davantage comme des marges qui se multiplient et se déplacent autant à la périphérie qu’au centre. Il devient possible, dès lors, d’aborder de façon problématique l’image de l’Etat en tant que forme administrative d’une organisation politique rationalisée, tendant à s’affaiblir ou à se désarticuler seulement au long de ses frontières territoriales et sociales ; repenser les relations entre centre et périphérie, entre le public et le privé, entre le légal et l’illégal, rendant possible une analyse des lignes de tension qui traversent autant les démocraties libérales, complètes ou incomplètes, que les Etats dits en échec. C’est dans cette perspective que nous analyseront les nouvelles formes d’action étatique en cours de développement au long des frontières brésiliennes, comme le PEFRON — surveillance spécialisée de la frontière, le Programme Calha Norte (PCN) et le Système Intégré de Santé des Frontières — SIS Frontières, entre autres initiatives.

Marcos César Alvarez est sociologue, professeur au département de sociologie et au PPGS de l’Université de São Paulo et chercheur au Centre d’étude de la violence — NEV-USP.

Sophie BAVA: Des migrants sénégalais mourides aux étudiants africains d'Al Azhar: la légitimation religieuse d'activités commerçantes en milieu urbain
Si les jeunes étudiants "azharis" originaires d'Afrique de l'Ouest sont recrutés, et en principe, financés par l?université d'Al Azhar jusqu'à l'obtention de leur licence, les conditions d'études deviennent de plus en plus difficiles. Sans aucun soutien économique, les élèves peuvent difficilement venir à bout de leur cursus avec la petite bourse d'Al Azhar et se lancent ainsi dans diverses activités économiques. Ils se servent alors de leurs compétences religieuses, de leur faculté à parler l'arabe et à connecter des territoires entre l'Afrique et l'Egypte pour se lancer dans le commerce ou pour proposer leurs services à des entrepreneurs économiques mieux installés. Les enquêtes que je mène depuis plusieurs années entre l'Afrique, la France et le monde arabe m'ont amenée à questionner les espaces religieux comme des espaces ressources de la migration. En suivant les commerçants mourides j'ai ainsi rencontré les réseaux d'Al Azhar et entrepris des enquêtes au Caire. Dans cette communication je propose à travers deux exemples: les migrants mourides à Marseille et les étudiants Azharis au Caire de comparer et de mesure le rôle du réseau religieux dans la mise en œuvre de pratiques voire de réseaux économiques. Nous partirons du postulat que la religion peut être travaillée comme une ressource, une compétence permettant des solidarités économiques et que la religion permet de légitimer certaines pratiques économiques, et non de celui qui verrait des réseaux religieux tout puissant contrôler des mondes économiques.

Anthropologue, Chargée de recherches à l’IRD, chercheure au Laboratoire Population, Environnement, Développement, eraLPED, UMR 151, Université de Provence/IRD, responsable du programme MIGRELI (Institutions religieuses et d'origine confessionnelle sur les routes de la migration africaine).

Saïd BELGUIDOUM: Le dynamisme des nouvelles places marchandes de l’Est algérien: reconfiguration urbaine et nouvelles donnes sociales
La prolifération des marchés "Dubaï" en Algérie atteste de la vitalité des commerçants importateurs qui de Marseille à Tripoli, du Proche orient aux pays du golfe et jusqu’à la Chine et Yiwu, ont mis en place un réseau à la fois souple et solide de distribution des produits de consommation. S’il n’est pas une ville algérienne qui ne soit touchée à des degrés divers par ces dynamiques marchandes, c’est surtout dans l’Est algérien que ces réseaux de commerçants ont acquis une visibilité en s’appuyant sur des villes moyennes et petites, devenues de véritables places de négoce contrôlant le marché de la distribution. Notre communication se propose d’apporter un éclairage sur ces nouvelles dynamiques et de montrer comment dans les interstices laissés libres par l’Etat, les réseaux commerçants se sont mis en place. Entre licite et illicite, cette accumulation marchande se matérialise dans l’espace urbain participant à la reconfiguration des villes et interroge sur les restructurations sociales qui en découlent.

Saïd Belguidoum est sociologue, MCF Université de la Méditerranée, chercheur à l’IREMAM, UMR 6558, CNRS/Université Aix-Marseille, responsable du Pôle de la Recherche Urbaine en Algérie, PRUA.
Saïd Belguidoum, Najet Mouaziz-Bouchenouf, "L’urbain informel et les paradoxes de la ville algérienne: politiques urbaines et légitimité sociale", les territoires de l’informel, Espace et société, numéro 143, décembre 2010.

Sylvie BREDELOUP: Mille et une péripéties du comptoir africain en Asie?
Sur la base de travaux de terrain réalisés à la fois en Afrique de l'Ouest (Bamako, Dakar, Ouagadougou et Praïa) et en Asie (Bangkok, Dubaï, Guangzhou et Hong Kong), il s'agira d?apporter un éclairage sur l'histoire de la formation du comptoir africain en Asie et de ses rebondissements. Deux logiques économiques semblent avoir présidé à son émergence bien que progressivement elles se soient fondues pour ne former qu'un même dispositif. Tout d?abord, ce sont les pierres précieuses qui sont à l'origine, au milieu des années 1980, de la construction d'un réseau marchand entre l'Afrique, l'Europe et l'Asie. Elles ont permis aux commerçants africains, essentiellement maliens, de prendre place dans des villes asiatiques et, à partir de ces postes, de prospecter de nouveaux marchés. Contemporaine, l'autre logique a conduit les commerçants africains qui se déplaçaient jusqu'alors du continent noir vers Dubaï, plate-forme mondiale de réexportation des produits chinois, à remonter la filière jusqu'à la source, dans les zones économiques spéciales de RPC. Les ressortissants de l'Afrique subsaharienne circulent d'une place marchande à l'autre, en fonction des avantages comparatifs qui leur sont proposés — infrastructures portuaires et aéroportuaires d'envergure, équipement hôtelier adapté, connexion à un tissu d'entreprises performantes dans l?arrière-pays —, et en lien avec les politiques migratoires prises par les différents Etats, composant à leur façon de nouveaux réseaux de villes. Dans la formule du comptoir, c'est l'ancrage des traders, en des lieux stratégiques, négocié avec la société d'accueil qui permet la circulation mais aussi l'installation provisoire des innombrables visiteurs. Mais quel peut être l?avenir du comptoir africain en Asie dès lors où les Chinois investissent les mêmes créneaux, où la dynamique de renouvellement urbain se propage dans les grandes métropoles asiatiques compromettant le maintien des Africains dans les quartiers centraux et où enfin les politiques migratoires se durcissent en Asie à l'endroit des étrangers?

Sylvie Bredeloup est socio-anthropologue, directrice de recherches à l’IRD, chercheure au Laboratoire Population, Environnement, Développement, LPED, UMR 151, Université de Provence/IRD, responsable du programme CIMAMA (Circulations et recompositions territoriales entre l’Afrique subsaharienne, le monde arabe et l’Asie).

Robert CABANES: Banlieue: droits à la ville et naissance d'une économie morale
Cette communication concerne la banlieue de São Paulo. S’appuyant sur l’observation de la croissance des marchés illégaux (précarisations du travail associées au développement de trafics en tous genres), on se propose de décrire les liaisons qui s’effectuent entre la réaction explicite relative au travail et une résistance souterraine moins explicite qui s’appuie sur une vieille expérience de la précarité et une expérience contemporaine du religieux en amont du politique.

Robert Cabanes est sociologue, brésilianiste, chercheur émérite à l’IRD (UR 105, Savoirs & développement), membre du programme franco-brésilien de coopération Trajectoires, circuits et réseaux dans la mondialisation.

Pauline CARNET: De l’ambivalence de l’Etat espagnol face aux conditions de passage et d’installation en Espagne des migrants africains clandestins
Comment, dans une Europe qui renforce les contrôles à ses frontières extérieures au point d’apparaître comme une "forteresse",  les passages clandestins sont-ils possibles? Les Centres espagnols d’Internement pour Etrangers (CIE) se trouvent au cœur d’un croisement d’intérêts a priori opposés. Alors que leur objectif est de contrôler et d’expulser les migrants "indésirables", ils sont pourtant partie prenante de leurs stratégies d’entrée en Europe. De fait, les migrants savent qu’un véritable "tri" est à l’œuvre dans les CIE. Une partie des clandestins sont libérés en péninsule et pris en charge par différentes ONG, avant d’être "mis en circulation". Cette ambivalence des pouvoirs publics se poursuit, à différents niveaux administratifs, dans une logique d’insertion de ces migrants dans le marché de travail local, mettant en évidence, à travers ces modalités de gouvernance de la question migrante, les coopérations entre Etat, polices et ONG. Les migrants libérés par les CIE se retrouvent donc dans une situation particulière qui leur donne le sentiment d’être certes "clandestins", mais aucunement "illégaux".

Pauline Carnet est sociologue, doctorante au LISST-CERS, UMR 5193, CNRS/EHESS/Université de Toulouse le Mirail. Elle est également membre du laboratoire BEISA (SEJ 149) de l'Université de Séville (Espagne). Elle soutiendra bientôt sa thèse sur les migrations clandestines et l’économie souterraine à la frontière sud espagnole.

Leonardo DE LA TORRE AVILA: Contrôle et liberté dans les projets de mobilité des migrants entre l'Espagne et la Bolivie
La crise économique qui a touché l'Espagne a induit des politiques de retour "volontaire" des migrants boliviens installés dans ce pays. Cependant, ces politiques, autant du côté espagnol que du côté bolivien semblent ignorer la tradition de migration cyclique qui caractérise les migrants andins, et les migrants boliviens en particulier. Un conflit se dessine autour du contrôle du projet migratoire. D'un côté, les états et diverses instances politiques essayent d?orienter le projet migratoire vers le retour ; de l'autre, les migrants s'efforcent de défendre le vieux modèle de la migration cyclique et de garder prise sur leur projet migratoire dans un contexte devenu de plus en plus complexe.

Leonardo de la Torre Avila est sociologue et chercheur indépendant. Il est l'auteur, entre autres, de deux livres: No llores, prenda, pro volveré: migracion, movilidad, social, herida familiar y desarrollo (PIEB, IFEA, 2006) ; et (avec Yolanda Alfaro Armayo) La cheganchada: caminos y sendas de desarrollo en los Municipios migrantes de Arbieto y Toco (PIEB, CESU et DICYT-UMSS, 2007). Depuis octobre 2010, il est consultant de la Direction Générale du Régime Consulaire du Ministère des Affaires Etrangères de Bolivie pour la préparation d'un projet de loi concernant les migrations boliviennes.

Dana DIMINESCU: K29 dans la sociologie des migrations? Borders, Homme territoires et homeland connections
Aujourd'hui, la définition du migrant basée sur différentes formes de ruptures perçues comme fondamentales et radicales est à revoir. En revanche, un autre principe d'interprétation émerge: la mobilité et la connectivité fournissent une base de définition du migrant du 21e siècle. Mon objectif est d'ouvrir l?analyse des diverse modalités de déplacements enracinés, d'expériences connectées vécues par des membres de groupes socialement, temporellement et géographiquement situés. Je pense qu?une sociologie des migrations se doit d?être aujourd'hui une sociologie de la présence, une sociologie des gens connectés.

Dana Diminescu est enseignant chercheur à l?Ecole d?Ingénieur Télécom Paritech / directrice scientifique du programme "TIC Migrations" de la FMSH Paris Vice-présidente de la commission "Technologies et intelligence coopératives" du pôle de compétitivité Cap Digital / Expert dans le groupe Digital Literacy (Communication & e-Inclusion) pour la Commission Européenne / Co-responsable du volet Ecologie sociale de la chaire TIC & Développement Durable du GET.

Tom DWYER: Usages d’Internet et pratiques illégales comme mode d’entrée dans une société de consommation
L’accès à une offre illégale de biens et services présente sur Internet peut assurer à une population jeune et dépourvue de revenus élevés d’avoir accès à des niveaux de consommation qui leur auraient été inaccessibles s’ils devaient être achetés dans les marchés légaux. Les jeunes s’habillent, s’amusent et écoutent de la musique. La musique leur arrive via des réseaux P2P. Les loisirs comprennent la consommation de drogues illégales et des vêtements contrefaits. Comme l’a dit l’un de nos interviewés: "nous aimons les vêtements de marque, même lorsqu’ils sont fabriqués au Paraguay". Les plus pauvres évoquent le plaisir de partager un univers de la consommation qui rappelle, dans certaines de ses dimensions, celui des riches. Les implications de cette expérience seront discutées à partir d’une théorie du sujet. Cette réflexion est fondée sur un ensemble d’enquêtes effectuées d’un côté au Brésil, de l’autre en  France.

Tom Dwyer est sociologue, professeur à l’Institut de Philosophie et Sciences Humaines de l’Université de Campinas.

Carlos FREIRE: Marchés informels et l’Etat. Le jeu entre la tolérance et la répression
Le marché informel est à l’heure actuelle un aspect saillant de la vie des grandes métropoles et il articule des flux de marchandises diverses à l’échelle planétaire. Des marchandises aux origines variées trouvent chez les multiples vendeurs de rue leur principale voie de distribution commerciale. Sur les trottoirs, divers circuits de production se croisent, depuis les petits producteurs de fond de cour, en passant par de grandes entreprises nationales jusqu’à des entrepreneurs du secteur des importations qui opèrent avec la contrebande et la contrefaçon. A São Paulo, les centres traditionnels de consommation populaire dans la ville constituent des voies d’accès à un vaste marché populaire qui s’étend bien au-delà du périmètre local, en attirant des vendeurs originaires d’autres régions du pays, voire d’autres pays. Autour de la distribution de marchandises gravitent des producteurs et des importateurs.  La régulation de ce  commerce illégal, des modes d’occupation de l’espace et les liens avec le commerce légal fait l’objet de multiples essais de régulation publique des points occupés dans les rues et d’un jeu compliqué entre tolérance et répression à l’origine d’une série de conflits et d’accords passés entre les ambulants, les magasins ayant pignon sur rue, des hommes politiques, des contrôleurs de la mairie, des associations, des syndicats jusqu’à des groupes mafieux. Il s’agit de réfléchir à la façon par laquelle ces flux mondialisés de marchandises se territorialisent et s’enracinent dans certains lieux caractéristiques de la ville.

Carlos Freire est sociologue, doctorant du programme de formation doctorale en sociologie de la FFLCH de l’université de São Paulo, chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires, LISST, UMR 5193, CNRS/Université de Toulouse-le-Mirail/EHESS.

Olga L. GONZALEZ: "L'illégal" en Colombie: déstructuration sociale, déviance et débrouille
La position particulière de la Colombie dans le marché international des drogues (premier pays fournisseur de cocaïne du monde depuis plusieurs décennies) est relativement bien connue. Ce qui l’est moins, c’est le fait que la sphère de l’"illégal" a une ancienne histoire dans ce pays, et surtout que les marchés et les pratiques illégaux sont très largement répandus au sein de la société colombienne. Cette intervention donnera des éléments de repère pour expliquer pourquoi cette large pénétration de l’"illégal" (argent sale, contrebande, recours à des sicaires, cartels...) n’est pas exclusivement l’expression de secteurs paupérisés ou marginaux, mais recouvre de très larges pans d’une société, en la déstructurant. C’est dans cette perspective également que nous examinerons la notion d’"Etat mafieux", forgée dans les années 2000. Ce contexte nous amènera à nous interroger sur la question de la déviance: que veut dire un comportement déviant dans une société où l’illégalité est une pratique ordinaire? Nous proposons la notion de débrouille pour approfondir cette analyse.

Olga L. Gonzalez est docteure en sociologie de l’EHESS, post-doctorante à l’Université du Luxembourg et présidente du Groupe Actualités Colombie à la Maison des Sciences de l’Homme de Paris. Elle est l’auteur d’articles sur la violence, les drogues et les migrations internationales (http://olgagonzalez.wordpress.com/).
Publications:
"Violence homicide en Colombie: déviance ou ‘débrouille’?", Socio-Logos, Revue publiée par l’Association Française de Sociologie, [http://socio-logos.revues.org/2490], n°5, 2010.
Dossier "Migrations latino-américaines" de la revue Hommes & migrations, n°1270, 2007.
Dossier "Drogues et antidrogue en Colombie" (coédité avec Laurent Laniel), dans Les cahiers de la sécurité intérieure, n°59, 2005.


Gilles GUIHEUX: Yiwu, marché chinois mondialisé
La Chine n’est pas seulement l’atelier du monde, c’est aussi un immense marché. Ce ne sont pas seulement des usines ou des ateliers ruraux; ce sont aussi de multiples espaces de circulation et d’échange des produits, marchés ruraux et urbains, marchés de gros et de détail, marchés généralistes et spécialisés, expositions commerciales temporaires et permanentes. Certains de ces espaces sont des points de contact entre les producteurs chinois et le reste du monde. Les acheteurs internationaux y sont aussi bien des représentants salariés de grandes firmes mondialisées de la distribution que de petits commerçants indépendants de pays en voie de développement. Dans cet univers des foires commerciales, la ville d’Yiwu (province du Zhejiang) présente une trajectoire originale. Ancien gros bourg rural, la ville est devenue en vingt ans une agglomération de près d’un million d’habitants qui compte une quinzaine de marchés de gros ouverts de manière permanente tous les jours de l’année. Le paradoxe apparent est donc que, dans une économie mondialisée où la communication est quasi instantanée, acheteurs et vendeurs éprouvent encore le besoin de se rencontrer physiquement sur des marchés.

Michel KOKOREFF: Drogues et trafics, entre globalisation et localisation
Consommations et trafics de produits stupéfiants sont au cœur de la mondialisation. Les pays producteurs du Sud acheminent par tonnes les drogues illicites dans les pays du Nord où elles sont commercialisées et consommées massivement. Face à ce modèle original de circulation, on comprend les enjeux de la focalisation de l’attention publique sur les territoires situés aux marges des villes globales postindustrielles. Dans cette oscillation entre réseaux hors sol et zones de micro-trafic, on perd de vue ce qui se passe entre, les supports sociaux, régulations informelles et logiques d’acteurs en jeu.

Michel Kokoreff, sociologue, est professeur à l’Université de Nancy II, chercheur associé au Centre d’Analyse et d’Intervention Sociologiques, CADIS, UMR 8039, CNRS/Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.

David KYLE
David Kyle est sociologue, directeur exécutif du Gifford Center for Population Studies, professeur à l’Université de Californie at Davis.

Jacob LIMA: Les nouveaux territoires de la production et du travail: flexibilité et mobilités
Depuis les années 90, l’industrie de chaussures brésilienne, pendant longtemps fortement implantée dans la région Sud-sud-est du Brésil, s’est relocalisée dans le Nord-est du pays, en adoptant des stratégies de réduction des coûts à partir d’un ensemble de changements au niveau de la mobilisation de la force de travail. Il s’agit donc d’aborder les processus de mobilité spatiale de la production et du travail industriel dans le secteur des chaussures et son impact sur les mobilités des travailleurs. Des mobilités plurielles, car il s’agit non seulement de la circulation des travailleurs au sein des marchés de l’emploi (formel et informel), mais aussi des relations de travail, relevant de divers modes d’institutionnalisation — formes de salariat, types de contrat, modalités d’autogestion (formelles et/ou de facto) ou de travail autonome au sein de l’espace domestique ou familial. En d’autres termes, il s’agit d’analyser la généralisation de formes salariales différenciées (du point de vue du droit du travail) et la reproduction de formes atypiques de relations de travail (bien que traditionnelles dans les industries du secteur), désormais justifiées par la modernité. Analyser aussi des changements au niveau de la configuration de ces catégories de travailleurs face à la restructuration économique, jusques et y compris du point de vue de leur fragmentation identitaire, au sein et en dehors de la condition salariale, ayant pour référence la mobilité spatiale de la production.

Sociologue, professeur à l’Université Fédérale de São Carlos, spécialiste des nouvelles transformations des relations de travail au Brésil sous l’impact de la mondialisation.

Bénédicte MICHALON: La mobilité au service de l'enfermement? Les centres de rétention pour étrangers en Roumanie
L’intégration des pays ex-communistes à l’Union européenne n’est pas seulement synonyme d’entrée dans un espace de "libre" circulation des hommes et des marchandises. Elle s’accompagne également de la mise en place d’institutions de contrôle des mobilités des ressortissants de pays tiers, elle-même partie intégrante de la diffusion de modèles et de pratiques de surveillance, de contention, d’empêchement et même d’enfermement des migrants que véhicule la mondialisation. Cette contribution porte sur une lecture spatiale de centres de rétention administrative pour migrants en attente d’expulsion, lecture qui est confrontée aux trajectoires de migrants en rétention ou sortis de rétention. La Roumanie, Etat membre de l’Union européenne depuis 2007, est le cas d’étude ici privilégié. Ce pays n’a ouvert ses frontières qu’après 1989; son intégration européenne s’est accompagnée de la création d’institutions en charge de l’asile et du contrôle des migrations. Il y apparaît que les politiques de contrôle qui sont dédiées aux migrations produisent de l’enfermement. Mobilité et enfermement s’y révèlent étroitement imbriquées. Ainsi, les trajectoires migratoires sont de plus en plus marquées par des lieux d’enfermement pour étrangers (centres de rétention, zones de transit, postes-frontières). Ce sont non seulement des jalons, mais aussi des espaces de préparation de la suite du voyage. Le temps du parcours des migrants se rallonge avec les passages dans ces lieux. Les étapes ne sont plus de brèves interruptions, mais peuvent durer des mois, voire des années. Il y a une sorte d’inversion des rythmes: les migrants passent moins de temps à se déplacer qu’à attendre de pouvoir partir ou repartir. Ces lieux destinés aux étrangers sont insérés dans une nébuleuse de lieux d’enfermement: nombreux sont ceux qui passent aussi par des caches de passeurs, prisons, établissement militaires, voire établissements psychiatriques. Les trajectoires migratoires révèlent ainsi une géographie de l’enfermement.

Bénédicte Michalon est géographe, chargée de recherche au CNRS, laboratoire ADES – Aménagement, Développement, Environnement, Santé et Sociétés – UMR 5185, CNRS/ Université de Bordeaux. Ses recherches portent actuellement sur l’enfermement des étrangers en Roumanie et en République de Moldavie. Elle coordonne le programme TerrFerme Les dispositifs de l’enfermement. Approche territoriale du contrôle politique et social contemporain (voir http://terrferme.hypotheses.org/ ).

Michel MISSE: Echanges illicites et marchandises politiques: pour comprendre les pratiques normalisées de corruption au Brésil
Les pratiques de corruption et d’autres formes d’échanges illicites observés dans le contexte brésilien, notamment ceux qui impliquent le pouvoir institué, gagnent à être abordés à partir d’un concept que nous expliciterons, celui de "marchandise politique". Pour cela, nous ferons appel à des classifications policières des crimes et des illégalismes pratiqués à Rio de Janeiro, en tenant compte d’une typologie des justifications qui normalisent ces échanges illicites.

Sociologue, Professeur à l’IFCS, Université Fédérale de Rio de Janeiro, directeur du Nucleo de Estudos em Cidadania, Conflito e Violência Urbana, NECVU/UFRJ.

Michel PERALDI: Circulations migratoires et capitalisme des parias: économies anamorphiques des échanges marchands transnationaux
Il apparaît aujourd’hui clairement, à la lumière de nombreux travaux menés ces vingt dernières années sur les "migrants transnationaux" et leur mobilité dans ces espaces-temps frontaliers continentaux que sont l’Amérique centrale, la Méditerranée ou l’Europe de l’Est, que ces circulations migratoires participent à des recompositions économiques dont les formes sociales, spatiales et morales sont encore largement à découvrir et explorer. En m’appuyant sur des travaux empiriques menés récemment dans les villes frontières et places marchandes du commerce transnational méditerranéen, Istanbul notamment, je voudrais interroger ces économies émergentes, la place qu’y occupent les relations commerciales, l’éthique du bazar et les liens diasporiques, à la lumière du concept de "capitalisme des parias" évoqué en creux, plus que construit, par Max Weber dans son histoire économique.

Rosana PINHEIRO-MACHADO: Aux frontières de l’illicite: la formation de la route commerciale Chine-Paraguay-Brésil
A partir de la fin des années 70, les marchés informels de rue brésiliens ont commencé à connaître un essor important, se spécialisant dans la vente de marchandises à bas coût et contrefaites, achetées au Paraguay — pays situé à la frontière sud du Brésil — et fabriquées dans la province chinoise de Guangdong. Ce papier a pour but d’élucider les points de contact de cette chaîne commerciale, en rendant compte d’une enquête ethnographique multi-située, menée depuis 1999 entre le Brésil, le Paraguay et la Chine. L’un des résultats obtenus par l’étude pointe l’importance de la diaspora chinoise dans la formation d’une global commodity chain. Ce processus migratoire a joué un rôle d’une très grande importance dans la médiation entre le marché producteur chinois et le marché consommateur brésilien. En observant le système formé à partir de l’implantation des Chinois au Paraguay, enfin, ce travail cherche à discuter également les valeurs, les récits et les moralités sur des biens (il)licites et (il)légaux qui circulent à l’intérieur de la chaîne, ainsi que les pratiques de travail (in)formelles présentes depuis la Chine jusqu’au Brésil.

Anthropologue, docteur de l´Université Fédérale du Rio Grande do Sul, professeur à l’École Supérieur de Publicité et Marketing, ESPM/RS.

Olivier PLIEZ: Renaissance des routes de la soie?
Les routes de la Soie renaissent-elles entre la Chine et les mondes arabe et musulman? Au-delà des lectures médiatiques, de nouvelles routes transnationales se dessinent dans l’entrecroisement de logiques marchandes, géopolitiques, religieuses... L'éclectisme croissant des espaces discrets de la mondialisation pose question aux sciences sociales. Notre objectif consiste à réfléchir à ces espaces urbains qui sont reliés par ces flux transnationaux de marchandises et de personnes, à nuancer l’image omniprésente de la ville globale pour porter attention aux arrangements socio-spatiaux locaux qui rendent ces échanges à longue distance possibles.

Géographe, chargé de recherches au CNRS, laboratoire LISST, UMR 5193, CNRS/Université de Toulouse. Membre du conseil scientifique du colloque "Entre le licite et l’illicite: migrations, travail, marchés", coordinateur de la journée "Articles made in China, circulations marchandes et marchés urbains".
Olivier Pliez, "Toutes les routes de la soie mènent à Yiwu (Chine)", L'Espace géographique 2/2010 (Vol. 39), p. 132-145.
Bertoncello B., Bredeloup S., Pliez O., 2009, "Hong Kong, Guangzhou, Yiwu : de nouveaux comptoirs africains en Chine", Critique Internationale, 3, n°44, p.105-121.
Pliez O., 2007, "Des jeans chinois dans les rues du Caire, ou les espaces discrets de la mondialisation", Mappemonde, n°88 (4) ; http://mappemonde.mgm.fr/num16/articles/res07404.html.


Jean RIVELOIS: Le contexte mondialisé de la criminalité transnationale
Nous partirons de l’hypothèse que les trafiquants internationaux de marchandises illicites ne construisent pas des routes au hasard et qu’ils vont se greffer sur un contexte déjà mondialisé pour construire des alliances transnationales entre différents groupes. Si bien qu’il y aurait des raisons à la fois objectives et culturelles qui permettent de comprendre sur quelles bases se construisent les routes transnationales. Notre objectif sera donc de mettre à jour les différents types d’alliances et de solidarités transnationales qui aboutissent à la construction des routes des trafics par des réseaux criminels transnationaux. Parmi ces types d’alliances que nous recenserons, il y a: les alliances d’Etat, les alliances de mouvements d’opposition, les solidarités sociales entrepreneuriales et associatives, les solidarités régionales bi-frontalières, les solidarités transnationales issues d’une même culture politique et les diasporas actives. En conclusion, nous montrerons que la mondialisation des trafics repose sur "la complémentarité des deux termes opposés" que sont l’international (la mondialisation institutionnelle par le haut) et le transnational (la mondialisation par le bas qui bâtit les entrepreneurs, notamment les entrepreneurs du crime). Le lien entre ces deux formes de mondialisation serait constitué par des arrangements corruptifs dont l’expression territoriale forme les paradis fiscaux.

Sociologue, chargé de recherches à l’IRD, chercheur à URBI-environnement urbain, UR 29, programme gouvernement et limites de la gouvernance urbaine ; et  les politiques publiques de lutte contre la corruption au Mexique: entre efficacité et légitimité.
"Réseaux légaux et criminels transnationaux", in numéro de la revue Cahiers des Amériques latines, consacrée à "Des sociétés en réseaux", n°51-52, 2006, p. 75 à 90.
"La transformation des espaces urbains centraux : risques, enjeux et stratégies dans un contexte de développement durable urbain", in rapport pour le PIDUD-CNRS intitulé La requalification comme instrument du développement durable dans cinq centres ville en Amérique latine : des logiques contradictoires aux expériences et aux projets, 2007, p. 78 à 113.
"Marges sociales et territoriales à Mérida (Mexique)", in numéro 45 de la revue Autrepart, consacrée à "La ville face à ses marges", 2008, p. 15 à 28.
"La transformation des espaces urbains centraux : risques, enjeux et stratégies dans le contexte de développement durable urbain – un point de vue de sociologue", in Centres de villes durables en Amérique latine. Exorciser les précarités ? (dir. Hélène Rivière d'Arc), Paris, éditions de l'IHEAL, 2009, p. 89 à 120.


Luciano RODRIGUES: Sous-traitance et informalité dans l´industrie du bâtiment au Brésil et en France
Il s’agit d’effectuer une analyse comparative du marché de travail dans le secteur du bâtiment, sous-secteur construction de logements, au Brésil et en France dans un contexte de flexibilisation de la production. A partir de recherches ethnographiques développées dans deux chantiers situés, au Brésil dans la Région Métropolitaine de Belo Horizonte et en France, dans la ville de Toulouse, nous aborderons des questions en lien avec l’informalité des contrats de travail avec un transfert des illégalités des grandes vers les petites entreprises: dans le cas français, vers les agences d’intérim et au Brésil vers de petites entreprises clandestines appelées "Gatos" (Chats). L’accent sera mis sur la perception des travailleurs face à ces illégalités et à leurs stratégies face au marché. Dans le cas français, l’accent sera mis sur la place occupée par les migrants clandestins ou porteurs de titres de séjour précaires employés par les agences d’intérim — des migrants qui traversent des frontières géographiques et identitaires à la recherche d’emplois précaires rejetés par la population locale. Au Brésil, cette branche économique s’est toujours caractérisée par l’emploi massif de travail informel de migrants nationaux, originaires des Etats plus pauvres du pays, mais elle cherche aujourd’hui à stabiliser ces travailleurs, même si l’économie informelle reste majoritaire. Le quotidien de deux chantiers et les témoignages de leurs travailleurs seront mis en évidence. D’un autre côté, dans les deux pays, les entrepreneurs s’appuient sur la fragilité des mécanismes de contrôle pour passer outre la législation.

Sociologue, docteur en sociologie par l’UNICAMP, membre du programme franco-brésilien de coopération Trajectoires, circuits et réseaux dans la mondialisation.

Laurence ROULLEAU BERGER: Migrations, économies polycentriques et nouvelles frontières morales
Aujourd’hui nous voyons émerger des espaces circulatoires "sous tension" où naît une diversité de dispositifs économiques polycentriques, hiérarchisés entre eux dans un contexte de pluralisation et d’ethnicisation des économies et des sociétés urbaines. Les migrants développent des carrières qui rendent compte de la production d’inégalités multisituées, qui mettent à jour des économies morales et des grammaires de la reconnaissance. L’épreuve migratoire se construit à partir de bifurcations voire de carrefours biographiques qui s’inscrivent dans des processus d’individuation située et globalisée et rendent compte d’un processus de construction d’une stratification sociale globalisée où apparaissent une nouvelle upper-class et une nouvelle underclass internationale.

Sociologue, Directeur de recherches au CNRS, Ecole Normale Supérieure de Lyon, Institut d’Asie Orientale UMR 5062 CNRS. Associée au Centre de Recherches Sociologiques de l’Université de Pékin. Responsable scientifique du Pôle ISH (Lyon) International et Interdisciplinaire Espaces, Travail et Mondialisation.

Jacqueline SINHORETTO: Marchés de la drogue, Etat et économie légale au Brésil
Le traitement des informations réunies par la Commission parlementaire d’enquête sur le narcotrafic au Brésil (Rapport de la Chambre des Députés, 2000) permet une analyse des marchés de drogues d’un point de vue peu souvent exploré. Le Rapport présente des informations sur des réseaux d’affaires dans 23 états fédérés brésiliens et sur trois réseaux internationaux. On y trouve une étonnante source d’informations sur le profil des individus impliqués dans le commerce des drogues, leurs formes d’organisation et des formes multiples d’articulation entre des réseaux locaux, régionaux, nationaux et transnationaux. L’analyse du profil des individus mis en accusation témoigne d’une grande diversité sociale et aussi de degrés importants d’articulation entre leurs activités illicites et des affaires relevant de l’économie formelle et légale. Articulation également avec des agents et des positions relevant des institutions étatiques. Le traitement préliminaire de ces données suggère une remise en cause des significations cristallisées dans l’expression "crime organisé", suggérant qu’il n’y a pas dans ce phénomène rien qui s’apparenterait à un type sociologique homogène. Ce que la CPI offre à l’analyse, ce sont des modalités diverses d’organisation, avec des formes variables de circulation de biens, de personnes et de pouvoirs. Dans certains cas, on voit apparaître des réseaux très organisés qui exercent un contrôle violent de leurs territoires, alors que dans d’autres ces réseaux sont souples et non violents. Dans tous les cas, des positions stratégiques sont mobilisées à l’intérieur des institutions étatiques, sans qu’il y ait un modèle unique de liens entre les marchés de la drogue, l’économie formelle, la politique et l’Etat.

Sociologue, Jacqueline Sinhoretto est maître de conférences à l’Université Fédérale de São Carlos, Brésil, chercheur au Instituto de Estudos Comparados em Administração Institucional de Conflitos - INCT-InEAC, ancienne post-doctorante programme Hermes, membre du programme franco-brésilien de coopération Trajectoires, circuits et réseaux dans la mondialisation.

Douglas DE TOLEDO PIZA: Les circuits du commerce chinois à São Paulo
Autour de la rue 25 de Março, zone centrale de la ville de São Paulo, se développe un commerce populaire multi scalaire, avec des logiques multiples de territorialisation commerciale, résidentielle et relationnelle. Les Chinois y jouent un rôle singulier, gérant l’arrivée de produits fabriqués en Chine. Le centre-ville est ainsi complètement mondialisé: l`entrepôt commercial et les résidences des Chinois occupent ce qu’a été le noyau originaire de la ville. Les lieux de travail et d’habitation sont précaires, objet d`une occupation temporaire et circulatoire. Les Chinois transitent de l’un à l’autre, invisibles. Il ne s’agit pas d’une enclave économique, ethnique ou d’une communauté étrangère résidentielle ; plutôt de zones peuplées par des Chinois et d`autres populations placées dans des relations de concurrence, de compétition, voire d’isolement les unes par rapport aux autres.

Licencié en relations internationales, chercheur au programme de formation doctorale en sociologie de la FFLCH de l’Université de São Paulo.

Ricardo VARGAS MESA: Economie illégale des drogues, conflit armé et sécurité: l’expérience colombienne
Après un bref rappel sur la place de l’économie illégale des drogues dans le conflit armé colombien, il s’agira d’indiquer que le narcotrafic n’étant pas un phénomène univoque, il ne peut être défini en tant que "menace portée à l’encontre de l’Etat". Ce dernier, dans l’expérience colombienne, a soumis des leaders du narcotrafic à des Violences de Protection Soutenues par l’Etat (Violencias de Proteccion Apoyadas por el Estado – VPAE). Et cela, dans le cadre d’un processus de privatisation de la stratégie anti-insurrectionnelle qui s’accompagne d’une redéfinition de la structure agraire colombienne – avec la mise en puissance des grandes propriétés latifundistes, en cours de modernisation et transformation en agro-industrie exportatrice. Ce processus place de vastes territoires sous un contrôle inédit de structures privées illégales de sécurité, elles-mêmes financées par le narcotrafic. De telles structures se sont développées au niveau local, dans des relations collusives entre des élites politiques, des financeurs privés de campagnes électorales et des propriétaires terriens, unis pour s’approprier des ressources publiques. Cette situation, qui s’est consolidée au cours des trois dernières décennies, a produit des effets graves du point de vue de la gouvernabilité locale et régionale, du point de vue de la sécurité et de l’ordre démocratique dans diverses zones géographiques, et elle pose un défi structurel à la construction de la paix en Colombe. Finalement, la militarisation du traitement géopolitique transnational et des politiques de sécurité, ainsi que la faiblesse empirique des diagnostics sur l’économie illégale des drogues aujourd’hui en Colombie, contribuent très peu à régler ces obstacles à l’origine de la continuité du conflit et de l’affaiblissement de l’Etat social de droit.

Sociologue (Université Nationale de Colombie), Groupe de recherche "Etat, citoyenneté et Conflit" et Transnational Institute d’Amsterdam. Entre 1988 et 1998, dans le cadre du Centre Populaire de Recherche et Education (CINEP), il a développé des enquêtes sur le thème des économies illégales et leur impact dans les zones rurales colombiennes. Depuis 1999, il dirige la Corporation Action Andine de Colombie (CAAC), une ONG qui développe des recherches et formule des propositions de développement alternatif, spécifiquement dans des zones rurales touchées par des conflits sociaux et économiques, dans la perspective du programme Drogues et Démocraties du Transnational Institute. Entre mai 2002 et mars 2003, le CAAC, avec le soutien de l’ambassade d’Allemagne en Colombie, a développé une étude intitulée "Le conflit armé comme obstacle au développement alternatif en Colombie et propositions de management".

Daniel VELOSO HIRATA: Les dynamiques de régulation et les formes de territorialisation du commerce de détail de drogues à São Paulo
L’exposé présente les résultats des recherches réalisées ces dernières années sur les relations entre les formes de contrôle social et les illégalismes populaires. L’analyse relationnelle de l’action gouvernementale de répression du trafic de drogue et de la trame sociale des traficants est le point de départ pour comprendre comment ce circuit de l’économie urbaine est régulé et quelles sont ses formes de territorialisation. À partir d’une recherche ethnographique dans une des "periferias" de São Paulo, il s’agit de décrire les dynamiques entre les policiers et les trafiquants basées  sur un complexe marché d’extorsion ; la constitution des formes de territorialisation du commerce de détail de drogues, ainsi que les rapports sociaux autour de l’achat et de la vente de ces produits illicites.

Docteur en sociologie de l’Université de São Paulo, Daniel Veloso Hirata étudie actuellement les articulations entre les formes de contrôle social et les illégalismes populaires. Il a écrit notamment: Avec Vera da Silva Telles: "Cidade e práticas urbanas: nas fronteiras incertas entre o ilegal, o informal e o ilícito" (revue Estudos Avançados, 2007) ; "Les ‘Racionais’ et la Vida Loka", (CABANES, Robert ; GEORGES, Isabel (Org.), São Paulo, début de siècle : La ville d'en bas, L'Harmattan, 2009).

Daniel WELZER-LANG: Traverser les frontières de sexe et de genre: les travestis de São Paulo
La communication aborde la question du genre et des sexualités dans le contexte de la mondialisation du "commerce du sexe". Et ceci de deux manières: d'une part, en posant des questions de méthode. Comment observer ce qui se déroule dans des frontières souvent considérées comme invisibles par les chercheurs-e-s académiques? Comment adapter nos méthodes en intégrant problématique du genre et des sexualités? D'autre part, en procédant à l'analyse de la toile de fond de ce qui est parfois appelé "trafic d'êtres humains", notamment le désir de migrer en Europe de personnes stigmatisées pour des raisons croisant motivations économique et refus de l'hétéronorme.

Sociologue à l'Université du Mirail, spécialiste du genre et des masculinités, en particulier des questions liées aux violences, aux sexualités, aux renégociations des rapports de genre, Daniel Welzer-Lang a publié une vingtaine d'ouvrages. Parmi les derniers: Nous les mecs, essai sur le trouble actuel des hommes (Payot, mars 2009) et un ouvrage collectif: Masculinités, 2011, Erès (coédité avec Chantal Zaouche). Il est aussi le cofondateur du réseau international des recherches sur les hommes et les masculinités (Québec).
http://www.univ-tlse2.fr/cers/annuaires/fiches_indivi/permanents/Daniel_Weizer_Lang.htm


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Olivier PLIEZ, 2007, "Des jeans chinois dans les rues du Caire, ou les espaces discrets de la mondialisation", Mappemonde, n°88 (4)
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Alain TARRIUS, La remontée des Sud. Afghans et Marocains en Europe méridionale. La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, 2007.
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Alain TOURAINE. Penser autrement. Paris, Fayard, 2007.
Michel WIEVIORKA. La violence. Paris, Hachette, 2005 (2004).


Avec le soutien de l'Université de Toulouse Le Mirail (Conseil scientifique, IPEALT, LISST),
de l'Institut des Amériques,
de l'Ambassade de France en Bolivie,
de l'Ambassade des Etats-Unis à Paris,

du CADIS-EHESS,
de la Maison des Sciences de l'Homme (MSH),
et de l'Institut des Sciences Humaines du CNRS



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