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DU VENDREDI 1er SEPTEMBRE (19H) AU VENDREDI 8 SEPTEMBRE (14 H) 2006


DES PRATIQUES COOPÉRATIVES :

CONSTITUTION DES AGENTS, CONSTRUCTION DES ŒUVRES


DIRECTION : Marie-Dominique POPELARD, Denis VERNANT, Anthony WALL

ARGUMENT :

Depuis cinquante ans, la pragmatique démontre combien les hommes, autant que leurs œuvres, sont forgés par leurs actions.

Quant aux pratiques coopératives, elles couvrent des lieux aussi divers que les espaces de création artistique et l’entreprise, les laboratoires scientifiques ou les prétoires, la presse et les média en général, toutes institutions publiques et privées.

Ce colloque rassemblera des spécialistes de disciplines différentes ayant en commun d’étudier les pratiques de coopération et la façon dont ces pratiques permettent de constituer leurs agents, en même temps qu’elles construisent leurs œuvres. Il permettra de confronter les études récentes en philosophie pragmatique sur les actions – de parole aussi bien – aux recherches appliquées. Il s’agira de mesurer les progrès que permettent d’accomplir ces travaux interdisciplinaires quand ils analysent le fonctionnement (et le dysfonctionnement) des pratiques coopératives.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 1er septembre
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Samedi 2 septembre
Matin:
Ouverture
Denis VERNANT: Pragmatique et praxéologie

Après-midi:
Philippe CAPELLE: Les conditions du dialogue disciplinaire entre la philosophie et la théologie
Bernard VOUILLOUX: Un art sans spectacle ?

Soirée:
Bilan de la journée


Dimanche 3 septembre
Matin:
Jean-Pierre DESCLES: Communication versus dialogue
Maria Caterina MANES GALLO: La dimension textuelle comme forme de coopération du discours oral et écrit

Après-midi:
Kai BUCHHOLZ: Histoires, liberté et coopération. Eléments pour une pragmatique sartrico-schappienne
René DAVAL: Coopération et communication significative selon G. H. Mead

Soirée:
Bilan de la journée


Lundi 4 septembre
Matin:
Laurent FILLIETTAZ: Pratiques coopératives, productions langagières et apprentissage des métiers
Frédérique ARROYAS: Enjeux pragmatiques de la lecture musico-littéraire

Après-midi:
Béatrice FRAENKEL: Des actes distribués. Le cas de la profanation
Emmanuelle ROZIER: La praxis collective : création, institution et collaboration
Daniela DOMNITEANU: Essai sur Les Cris Vains de Ghérasim Luca


Mardi 5 septembre
Matin:
Rémi CLOT-GOUDARD: Agent et communauté
Anna ZIÉLINSKA: L'action collective (individuelle) et l'erreur individuelle (collective)

Après-midi:
REPOS


Mercredi 6 septembre
Matin:
Philippe LORINO: La notion de processus en gestion comme première approche des activités coopératives complexes
Fayçal NAJAB: L'hybridation psycholinguistique et pragmatique comme effet des interactions multilingues

Après-midi:
Eric MAIGRET: La coopération sans dialogie : l'utopie cyberdémocratique
Philippe CAPET: Briser une coopération idéale : le cas du mensonge et de l'imposture scientifiques

Soirée:
Intervention d'Anne NICOLLE


Jeudi 7 septembre
Matin:
Jacques MORIZOT: Entre dessin et philosophie
Françoise ARMENGAUD: Co-locuteurs en interlocution : le concept de coopération dans la philosophie dialogique de Francis Jacques

Après-midi:
Viviane HUYS-CLAVEL: L'œuvre romane et ses processus de création : entre pensée individuelle et pensée collective
Paola PACIFICI: Entre parole et image dans les traités anatomiques

Soirée:
Marie-Pierre GAVIANO: Le travail du nous : enjeux et effets d'une plasticité


Vendredi 8 septembre
Matin:
Anthony WALL: Arts visuels et littéraires : dialogue ou lutte ?
Marie-Dominique POPELARD: De quelques pratiques intersémiotiques
Conclusions

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS

RÉSUMÉS :

Françoise ARMENGAUD: Co-locuteurs en interlocution : le concept de coopération dans la philosophie dialogique de Francis Jacques
Le principe de coopération de Grice – « Faites votre contribution à la communication de la manière qui est requise par le but reconnu de la communication dans laquelle vous êtes engagé et au moment opportun » – a été monnayé par lui en quatre maximes, dont la dénomination est empruntée à la table des jugements de Kant (quantité/informativité, qualité/sincérité, relation/pertinence, modalité/clarté). Je montre comment Francis Jacques l'a à la fois précisé et élargi dans la perspective du dialogisme, défini comme la répartition de tout message sur deux instances énonciatives en relation actuelle. D'où la formulation de son principe dialogique : une énonciation est mise en communauté de sens, produite bilatéralement entre les énonciateurs qui s'exercent à la bivocalité et au double entendre. Sur l'exemple du dialogue référentiel, l'on verra comment les interlocuteurs « luttent de conserve pour le succès de la communication, contre le brouillage et la confusion ».

Références Bibliographiques :

Françoise Armengaud :
- La pragmatique. Collection "Que sais-je ?". Paris PUF. 4ème éd. 1999
- Lignes de partage. Littérature/Poésie/Philosophie. Paris. Editions Kimé. 2001
- Avec Marie-Dominique Popelard et Denis Vernant, présentation de : Du dialogue au texte. Autour de Francis Jacques. Colloque de Cerisy. Paris. Editions Kimé. 2003

Francis Jacques :
- Les Dialogiques (Recherches logiques sur le dialogue). Paris. PUF. 1979
- Différence et subjectivité (Anthropologie d'un point de vue relationnel). Paris. Aubier-Montaigne. 1982
- L'espace logique de l'interlocution (Dialogiques II). Paris. PUF. 1985


Kai BUCHHOLZ: Histoires, liberté et coopération. Eléments pour une pragmatique sartrico-schappienne
Tandis que les travaux d’inspiration analytique en théorie de l’action connurent un succès considérable, les contributions phénoménologiques au même sujet passèrent presque inaperçues. Cela est d’autant plus étonnant que la notion de souci (Sorge), notion-clef dans la philosophie de Heidegger, témoigne sans ambiguïté du caractère pragmatique de l’anthropologie heideggérienne. Sont à prendre en considération aussi à ce propos Wilhelm Schapp, disciple d’Husserl, et Jean-Paul Sartre. Dans son ouvrage Empêtrés dans des histoires (1953), Schapp présente une vision de l’agir humain selon laquelle les actions et les histoires dans lesquelles elles s’insèrent (Geschichten) sont étroitement liées les unes avec les autres. La théorie sartrienne de la liberté étudie les actions humaines dans leur rapport avec les « situations » dans lesquelles se trouvent les sujets actants ainsi qu’avec les « projets » qu’ils poursuivent. Schapp et Sartre proposent donc une philosophie de l'action qui s’intéresse aux visions globales et aux structures narratives où les actions puisent leur sens particulier. L’intervention mettra en relief la contribution des travaux de Schapp et de Sartre à une théorie des actions coopératives.

Références Bibliographiques :

K. BUCHHOLZ, « ‘L’homme est responsable de ce qu’il est.’ Bemerkungen zum anthropologischen Fundament der Politik », in : Wege zur Vernunft, K. Buchholz/S. Rahman/I. Weber (dir.), Francfort-sur-le-Main/New York 1999, pp. 73-87
K. BUCHHOLZ et I. WEBER, « Was ist dichte Beschreibung ? », in : Die Zukunft des Wissens, J. Mittelstraß (dir.), Constance 1999, pp. 541-548
K. BUCHHOLZ, « Brauchbarkeit, Lebensformen und unsichtbares Design », in : Im Designerpark, K. Buchholz/K. Wolbert (dir.), Darmstadt 2004, pp. 96-105


Philippe CAPELLE: Les conditions du dialogue disciplinaire entre la philosophie et la théologie
La question de la relation entre philosophie et théologie ressurgit sur la scène philosophique internationale dans le croisement de plusieurs lignes d'intérêts. Inscrite comme telle dans les sources grecques de la philosophie, coextensive à l'histoire des théologies confessantes (christianisme, islam médiéval et judaïsme), elle fut à différentes époques soumise à des stratégies complexes d'assimilation et de séparation. Portés aujourd'hui à des développements inédits, le dialogue et la coopération disciplinaires entre ces deux sciences exigent un discours de la méthode enté sur la reconnaissance de rationalités irréductibles, dont on esquissera quelques motifs.

Références Bibliographiques :

« Le dialogue philosophie-théologie et la compétence interrogative », in F. Armengaud, M-D. Popelard et D. Vernant (éd), Du dialogue au texte. Autour de Francis Jacques, Eidtions Kimé, 2004, p. 209-222
Raison philosophique et christianisme à l'aube du troisième millénaire (avec J. Greisch et Jean Ladrière), Editions du Cerf, 2004
« Heidegger, Reader of Augustine », in J. D. Caputo and M. J. Scanlon, Augustine and postmodernism. Confessions and Circunfession, USA, Indiana University Press, Bloomington, 2005, p. 115-126
Dieu et la raison (avec J. Benoît, J. Bouveresse, F. Bousquet, J-L. Marion...), Bayard, 2005
Expérience philosophique et expérience mystique (sous la direction de), Paris, Editions du Cerf, 2005
Finitude et mystère, Editions du Cerf, 2005
Anthologie. Philosophie et théologie, 4 volumes, Editions du cerf, (à paraître)


Philippe CAPET: Briser une coopération idéale : le cas du mensonge et de l'imposture scientifiques
Le développement moderne des sciences s'est accompagné de la mise en place d'un ensemble de pratiques sociales (revues à comité de lecture, droit de regard des pairs, mécanismes de sélection et de coopération...) qui laisseraient penser que l'activité scientifique constitue un parangon de coopération idéale dans un milieu donné, orienté vers l'établissement de connaissances communes entre chercheurs. A partir de l'étude de cas récents d'enfreintes aux règles tacites ou explicites du travail scientifique, et de quelques paradigmes d'imposture voire de mensonge dans des disciplines dont on aurait pu croire qu'elles étaient par nature préservées, la rupture du pacte déontologique entre chercheurs apparaît comme un révélateur des conventions de coopération, souvent informulées, fondant la pratique scientifique.

Références Bibliographiques :

D. Lewis (1969), Convention, Blackwell
M. de Pracontal (2002), L'imposture scientifique en dix leçons, La Découverte
A. Solal, J. Bricmont (1996), Impostures intellectuelles, Odile Jacob
D. Vernant (1997), Du discours à l'action, PUF


René DAVAL: Coopération et communication significative selon G. H. Mead
La notion de coopération joue un rôle essentiel dans la philosophie de G. H. Mead (1864-1931), un des pionniers du pragmatisme américain, ami et compagnon de route de John Dewey. Sans coopération, pas de société humaine. Chez l’homme, la diversification des fonctions sociales n’a aucun support organique, mais elle repose sur des conventions, sur une prise de conscience de la meilleure efficacité de l’action individuelle lorsque celle-ci s’insère dans le cadre d’un effort coopératif, bref sur une rationalisation de l’action qui pousse les divers Sois à travailler ensemble. L’organisation des sociétés humaines repose sur la communication significative qui lie des Sois, capables non seulement de s’adapter aux comportements les uns des autres, mais encore d’agir envers eux comme ils le feraient s’ils étaient à la place des autres ; dans la société humaine, chaque Soi peut se mettre à la place des autres Sois, et adopter l’attitude qu’ils ont envers lui. Le quid proprium de la société humaine, c’est la communication significative, qui rend possible l’émergence des Sois et leur permet de coopérer. Bien que soucieux, comme tout behavioriste (G. H. Mead place sous le patronage de J.B.Watson sa théorie de la communication et de la société), de replacer l’homme dans la ligne de l’évolution animale, Mead, néanmoins, insiste sur une différence radicale entre l’homme et l’animal : alors que celui-ci ne peut communiquer qu’à l’aide de signaux organiques très élémentaires, celui-là est capable de communication significative, et c’est celle-ci, et elle seule, qui fait émerger sa conscience individuelle, son Soi. Je voudrais en terminant insister sur l’influence qu’a exercée Mead sur Appel, Habermas et Tugendhat.

Laurent FILLIETTAZ: Pratiques coopératives, productions langagières et apprentissage des métiers
Les pratiques coopératives occupent une place centrale dans les dispositifs de formation professionnelle initiale. En effet, qu’ils apprennent un métier dans un environnement scolaire ou dans le contexte d’une entreprise, les jeunes adultes sont engagés dans de fréquentes interactions avec des enseignants, des praticiens-formateurs ou des collègues de travail, qui jouent un rôle prépondérant dans les apprentissages effectués. La présente communication se propose d’étudier la manière dont les savoirs professionnels sont mis en circulation dans des dispositifs de formation professionnelle initiale par alternance. Plus particulièrement, elle aura pour objectif de montrer comment s’organisent les pratiques coopératives dans de tels dispositifs, quelle place y occupent les ressources langagières, et comment, de ces pratiques, émergent des éléments de professionnalisation chez les personnes en formation. Ces éléments seront présentés à l’aide d’un corpus d’enregistrements audio-vidéo constitué dans des activités de formation dans divers champs professionnels (les métiers du bâtiment, l’automatique, la mécanique automobile, etc.). Dans ces données, c’est le rapport entre langage, activité et processus psycho-sociaux qui sera interrogé en priorité.

Viviane HUYS-CLAVEL: L'œuvre romane et ses processus de création : entre pensée individuelle et pensée collective
La période romane nous a légué un ensemble d'oeuvres résultant la plupart du temps de pratiques collectives. D'une part, ces œuvres requièrent en effet, concertation, partage de compétences et relèvent souvent d'une co-élaboration complexe. D'autre part, elles constituent le fruit de réflexions et d'inventions s'échelonnant parfois sur des décennies. A partir de l'analyse de supports spécifiques comme certains manuscrits glosés ou encore de certains programmes iconographiques monumentaux, nous tenterons de démontrer que l'élaboration de l'œuvre romane révèle un processus de construction des connaissances rarement individuel.

Philippe LORINO: La notion de processus en gestion comme première approche des activités coopératives complexes
L’activité collective est un sujet central de la recherche sur les organisations : à la fois en termes pratiques d’« actionnabilité » et en termes théoriques d’intelligibilité, les dynamiques organisationnelles ne peuvent être saisies que comme dynamiques de l’activité collective. L’activité collective sera analysée ici comme construction continue et dialogique de sens par les acteurs, toujours médiatisée par des signes : langages, instruments. Pour influer de manière significative et délibérée sur leur activité collective, les acteurs doivent s’engager dans un échange dialogique et réflexif à son sujet, une enquête, qui est ainsi elle-même activité collective (réflexive) s’exerçant sur l’activité collective (opératoire). En mettant en œuvre cette activité collective « au carré », les acteurs enactent de fait, tout à la fois, leur propre activité collective (« notre activité collective, c’est ce sur quoi nous échangeons ensemble et ce dont nous tentons ensemble de faire sens ») et la configuration communautaire correspondante (« quelle est la communauté d’acteurs engagée dans l’activité collective dont nous nous entretenons, et qui, donc, devrait être engagée dans l’enquête réflexive à laquelle nous nous livrons ? »). Deux types de communautés sont appelées à jouer un rôle clé dans la construction et les transformations de l’activité collective : les communautés « monologiques », notamment les communautés de métiers, et les communautés « hétérologiques », notamment les communautés de processus.

Eric MAIGRET: La coopération sans dialogie : l'utopie cyberdémocratique
En plein épanouissement dans les années 1990-2000, l'utopie cyberdémocratique prône la réconciliation par la technique, l'harmonie apportée par les réseaux. Elle s'articule autour de quatre grands "ismes" que les prophètes des réseaux, du cyberespace et du numérique tentent de promouvoir, après la vague des années 1960-1970 des prophètes du village planétaire et de la flexibilité postindustrielle (McLuhan, Teilhard de Chardin ou Alvin Toffler) : technicisme, jeunisme, localisme, mysticisme. Au-delà, c'est un postmodernisme qui est défendu, louant la fin des hiérarchies sociales, la transparence enfin rendue possible, la dématérialisation extatique, la démassification d'un monde dont on ne supporte plus la violence et la complexité des médiations qui le composent. Au nom de l'avènement d'une nouvelle "culture virtuelle" partagée, fondée notamment sur la coopération, sont jetés aux orties tous les processus de construction du sens qui font de la démocratie ce qu'elle est : un lieu mouvant d'apparition de problèmes, de mise en scène de ces derniers, de dialogue, et, parfois, de résolution des conflits. Cette intervention s'appuiera sur une enquête centrée sur le vote par internet, ses discours et ses expérimentations.

Maria Caterina MANES GALLO: La dimension textuelle comme forme de coopération du discours oral et écrit
Indépendamment de sa modalité de production orale ou écrite, tout discours possède une dimension textuelle qui vise à rendre partageable son contenu. Cette dimension textuelle est portée par la mobilisation de différents dispositifs langagiers. Ces dispositifs assurent à la fois la permanence des entités convoquées, par exemple par des reprises anaphoriques, et l’évolution des relations ou des propriétés inédites qui leur sont affectées par la progression du discours. Dans l’intervention proposée, on focalisera l’attention sur la fonction  des opérations de prédication verbales comme garants de ce délicat équilibre entre continuité et évolution de l’identité des objets discursifs créés. En prenant appui sur deux types de discours différents (i.e. la communication d’itinéraires urbains piétons et des extraits de documents techniques), il s’agira d’expliciter comment ces opérations contribuent à l’inscription de la dimension textuelle, considérée comme une forme de coopération impliquée par tout discours, à la fois oral et écrit.

Références Bibliographiques :

Rouault J., Manes Gallo M.C. (2003). Intelligence Linguistique : Le couple sémantique -pragmatique et le calcul du sens des énoncés élémentaires,  Hermès-Science
Manes Gallo M. C., Paganelli C. (2004). La recherche d’information assistée par ordinateur : Quelle représentation des connaissances ? Revue sur les Enjeux de la Communication du GRESEC, 1-15,   http://www.u-grenoble3.fr/les_enjeux/pageshtml/art2003.html
Manes Gallo M. C., Savelli M. (2005). L’indication des itinéraires entre syntaxe et sémantique, LIDIL, n°31 Corpus oraux et diversités des approches (coordination :  Marie Savelli)


Jacques MORIZOT: Entre dessin et philosophie
Longtemps le dessin a eu un statut assez mineur : croquis préparatoires en vue d’une œuvre, exercice pédagogique, technique de variation graphique, expression satirique. Si le connaisseur en apprécie la spontanéité, le philosophe lui a rarement accordé une attention privilégiée. Or la situation du dessin a beaucoup évolué, il est (re)devenu un lieu d’expérimentation pour un art qui s’éloignait du contexte strictement plastique et il noue du même coup des relations nouvelles avec la conceptualisation philosophique. À partir de la série des Blind Time Drawings de Robert Morris et du dialogue engagé avec Donald Davidson, ainsi que quelques textes récents, j’aborderai les aspects liés à l’action et à la recognition.

Paola PACIFICI: Entre parole et image dans les traités anatomiques
La notion de « pratique coopérationnelle » charge de sa présence tous les niveaux d’un objet communicationnel en déterminant sa création, son interprétation, son contexte et ses interprétants. Nous voudrions illustrer la présence de telles pratiques – et essayer de les définir dans leurs apports spécifiques – dans le cadre du développement du traité d’anatomie, en nous penchant sur la relation (la coopération ?) qui s’établit entre texte et image. La co-présence de signes iconiques et linguistiques nous porte à considérer d’autres questions, à nos yeux étroitement liées aux dynamiques des relations coopérationnelles, comme la « mixité » du langage scientifique, le rapport entre connaissance acquise et savoir traditionnel, la relation entre saisie théorique et sollicitation esthétique. Les images anatomiques sont d’ailleurs le signe d’une coopération — au niveau de la réflexion épistémologique – entre théorie et pratique. À travers l’analyse de quelques exemples, nous montrerons la manière dont les relations coopératives « internes » au texte construisent d’autres réseaux contextuels entre les agents et les savoirs.

Références Bibliographiques :

Mondino de’Liuzzi, Anothomia, Lipsia, 1494
Berengario da Carpi, Isagogae Breves, Venise, 1535
André Vésale, De humani corporis fabrica, Bâle, 1543


Denis VERNANT: Pragmatique et praxéologie
Les phénomènes communicationnels constituent des cas paradigmatiques de pratiques coopératives. La pragmatique contemporaine analyse le dialogue comme une activité conjointe et située, un processus créatif par lequel les sujets se co-constituent comme inter-locuteurs. De plus, l'interaction langagière est hétérogène et trouve in fine sa finalité et son sens dans une transaction effective par laquelle les co-agents interviennent sur un monde qu'ils contribuent à transformer par leurs actions et productions.
Dès lors, que l'on ait affaire à des activités dialogiques ou à des actions intramondaines, l'analyse s'ouvre sur le champ praxéologique seul susceptible de fournir une définition des concepts fondamentaux d'activité, de coopération, d'agentivité, d'œuvre et de monde partagé.
Sur quelques exemples précis, nous monterons comment l'analyse praxéologique permet de clarifier les analyses pragmatiques.

Bernard VOUILLOUX: Un art sans spectacle ?
Et si l'image, dans son concept, dans sa forme, ne faisait jamais qu'en appeler à un spectateur ? Et si l'image était ainsi configurée, scène dressée pour un théâtre, que jamais n'y puissent comparaître que des apparences, ces ombres dont le jeu nous absorbe en elles, nous vouant à la passivité? Que serait dès lors un art qui prenne acte du lieu et du moment, et de celui qui vient à passer là ? Un art de la mimesis, de l'imago ? Ces questions, qui furent celles que se posa en son temps Georges Duthuit, incitent à se demander si, au-delà des expressions plastiques (Matisse) qui, pour lui, ouvrirent une alternative au théâtre de l'image, les formes interactionnelles de l'art d'aujourd'hui inaugurent véritablement la fin du spectacle.

Références bibliographiques :

L'Œuvre en souffrance. Entre poétique et esthétique, Belin, coll. « L'extrême contemporain », 2004, 313 p., 9 ill. noir et blanc
« Ethnologie et littérature d'art : question posée au musée », in Ethnologie et Littérature, Actes du colloque organisé par la Société des Etudes Euro-Asiatiques et le Centre de Recherches sur les modernités littéraires (Paris, musée de l'Homme, 19-21 nov. 2003), Paris, L'Harmattan, coll. « Eurasie » (Cahiers de la Société des Etudes Euro-Asiatiques, 14-15), 2005, p. 95-120
« Le feu et la cendre. Yves Bonnefoy et Georges Duthuit », in Yves Bonnefoy. Lumière et nuit des images, Actes du colloque organisé par le Centre de Recherche sur les Images et leurs relations (CRIR), sous la direction de Murielle Gagnebin (Univ. de la Sorbonne Nouvelles - Paris III, 27-28 nov. 2004), Seyssel, Champ Vallon, 2005, p. 42-55
Participation à l'émission « Georges Duthuit » (producteur : Marie du Bouchet) diffusée sur France-Culture le 14 oct. 2004

Anna ZIÉLINSKA: L'action collective (individuelle) et l'erreur individuelle (collective)
Le « droit à l'erreur » est fondamental pour toute réflexion éthique — jusqu'à quel point sommes-nous autorisés à utiliser notre ignorance comme excuse ? D'un autre côté, l'erreur, en art et en science, a un pouvoir créateur, ce qui invite à s'interroger sur les divers types de comportements erronés ou guidés par un jugement faux, à l'échelle du comportement individuel et collectif. La philosophie morale contemporaine, suite aux thèses énoncées dans la théorie de l'erreur de Mackie, s'interroge sur la signification de la notion de vérité dans les jugements moraux. Il semble que la possibilité d'attribution de l'adjectif « vrai » aux énoncés moraux est la condition sine qua non de la possibilité de l'erreur dans les jugements éthiques. Il apparaît alors nécessaire d'examiner l'objectivité des jugements moraux conjointement aux engagements ontologiques qui s'ensuivent.


Avec le soutien des universités la Sorbonne nouvelle-Paris III, Nancy II,
Pierre Mendès France-Grenoble II et de l'université de Calgary (Canada)



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