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LA REVUE CRITIQUE : PASSIONS,
PASSAGES
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Mise à jour
18/02/2019
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DU VENDREDI 14 JUIN (19 H)
AU VENDREDI 21 JUIN
(14 H) 2019
[ colloque de 7 jours ] |
DIRECTION
:
François BORDES, Sylvie PATRON, Philippe ROGER
En coopération avec l'Institut mémoires de l'édition contemporaine
(IMEC)
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COMITÉ SCIENTIFIQUE
:
Per BUVIK, Patrice CANIVEZ, Éric MARTY, Claire PAULHAN, Thomas PIEL
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ARGUMENT :
C'est
l'une des grandes revues de la seconde moitié du XXe
et du début du XXIe siècles. Ce fut aussi
pendant longtemps la plus discrète. En juin 1946 paraît le premier
numéro de Critique, revue
générale des publications françaises et étrangères. Après des débuts
difficiles, marqués par deux changements d'éditeurs et une interruption
d'un an, elle trouve son équilibre aux Éditions de Minuit. Dirigée par
Georges Bataille, assisté pendant quelques années du philosophe Éric
Weil, puis par Jean Piel, le beau-frère de Bataille, et à partir de
1996 par Philippe Roger, Critique
se
propose de recenser les ouvrages les plus importants parus en France
et à l'étranger, dans tous les domaines de la connaissance. Ce faisant,
elle permet, dans des proportions encore modestes au vu des
évolutions ultérieures, la diffusion de la pensée allemande et
anglo-saxonne de l'après-guerre, et accompagne les premiers
développements des sciences humaines en France. Elle contribue ensuite
à l'émergence du "nouveau roman" et de la "nouvelle critique". Elle
encourage le projet intellectuel d'auteurs comme Roland Barthes, Michel
Deguy, Michel Foucault, Jacques Derrida, Michel Serres, et connaît son
heure de gloire avec l'avènement du structuralisme. Année après année,
elle réunit les éléments d'une "encyclopédie de l'esprit moderne"
(Georges Bataille). Selon les mots de Philippe Roger, son directeur
actuel, "[é]chappant
tout à la fois à l'urgence inhérente au journalisme culturel et à
l'inévitable spécialisation des revues savantes, Critique est un instrument
d'information et un espace de réflexion plus indispensables que jamais".
Cette rencontre s'inscrit dans la lignée des colloques de Cerisy
consacrés
à des revues (Tel Quel, Change), mais y ajoute une
dimension historique. Elle propose une réflexion partagée autour de
Philippe Roger,
des membres du conseil de rédaction actuel, des figures de Georges
Bataille et de Jean Piel, ainsi que de la revue Critique en tant qu'expression de
la passion des livres et des idées. Elle réunira
des chercheurs de différentes spécialités et de toutes les générations
ainsi que des témoins des différentes époques de Critique. Au-delà des
spécialistes, les lecteurs de Critique
et toutes les personnes
intéressées seront invités à élargir les débats qui suivront les
communications, les tables rondes ou les témoignages d'intellectuels et
d'écrivains.
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COMMUNICATIONS
(suivies de débats) :
LA REVUE DE
GEORGES BATAILLE (OU ÉPOQUE BATAILLE-WEIL)
* François
BORDES: Face au Sphinx. La revue Critique et la question totalitaire
durant la Guerre froide
* Patrice
CANIVEZ: Éric Weil et Critique.
Une pratique de la philosophie
* Thomas
FRANCK: La philosophie allemande comme rempart critique
(1946-1949)
* Marina
GALLETTI: D'Acéphale à Critique
* Koichiro
HAMANO: Georges Bataille: Critique
et la révolte
* Denis
HOLLIER: La voix de l'écologie: Julien Gracq, 1947
* Éric
HOPPENOT: Maurice Blanchot, compagnon de route de Critique?
* Sylvie
PATRON: Georges Bataille-Éric Weil: correspondance et
antipodie
CRITIQUE SOUS LA DIRECTION DE JEAN PIEL (L'ÉPOQUE
STRUCTURALISTE ET AU-DELÀ)
* Antoine
COMPAGNON: Critique
sous Piel
* Pedro
CORDOBA: Critique et
le structuralisme
* Michel DEGUY:
Grand entretien
* Yves HERSANT: Critique,
Jean Piel et les arts
* Niilo KAUPPI:
Avant-gardes: Critique, Tel Quel
* Lawrence D.
KRITZMAN: La révolution post-structuraliste: Derrida et
Foucault
* Éric MARTY:
Roland Barthes à Critique
* Claude MOUCHARD: La part de la
poésie dans Critique:
constitutive? maudite?
CRITIQUE AUJOURD'HUI
* Charles
COUSTILLE: Un rapport ambigu à l'université
* Martin RUEFF:
Une théorie critique: philosophie et sciences humaines dans la revue Critique
TABLE RONDE (suivie
d'un débat) :
* Critique vue de l’étranger, avec Wolfgang ASHOLT, Per BUVIK
(Critique vue de la
Scandinavie), Marina GALLETTI
et Lawrence D. KRITZMAN
"HORS LES MURS" — À
L'IMEC (abbaye d'Ardenne de Caen) :
* Visite de l'abbaye d'Ardenne et de l'exposition
* Marielle
MACÉ: L'élargissement du poème
* Pourquoi des
revues?, table ronde animée par François
BORDES, avec Philippe CHANIAL,
Antoine
COMPAGNON, Yves HERSANT,
Marielle MACÉ,
Philippe ROGER
et Martin RUEFF
* Grand soir
"Alain Corbin" à
l'IMEC, avec François
BORDES, Alain CORBIN et
Philippe ROGER
SOIRÉES :
* À la
Médiathèque de Saint-Lô: "Poésie
contemporaine. Autour de Michel Deguy", lectures animées par François
BORDES, avec Michel DEGUY,
Claude MOUCHARD,
Martin RUEFF
et Sanda VOICA
* Soirée commune avec le colloque parallèle "Alexander Kluge: un
auteur "global"? Pour une "Renaissance du XXIe
siècle""
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RÉSUMÉS &
BIO-BIBLIOGRAPHIES :
François
BORDES: Face au Sphinx. La revue Critique et la question totalitaire
durant la Guerre froide
Georges Bataille est un auteur essentiel du "laboratoire parisien" de
la critique antitotalitaire des années 1930, en particulier dans la
revue La Critique sociale.
Comment le prisme de la notion de totalitarisme a-t-il été utilisé
durant la Guerre froide par la revue? Quelle place la question
totalitaire a-t-elle occupée dans Critique?
À partir d'une étude de l'ensemble de la revue et de différentes
sources archivistiques, cette intervention propose de cartographier et
d'analyser le rapport de la revue à cette question tout au long de la
guerre froide intellectuelle en Europe, de 1946 à la chute du mur de
Berlin. En quoi la revue Critique
contribue-t-elle à écrire une autre histoire de la critique
antitotalitaire?
François Bordes est délégué à la
recherche à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine (IMEC).
Docteur en histoire de l'Institut d'études politiques de Paris (CHSP),
il s'intéresse à la relation entre mémoire, création et démocratie.
Membre du comité de rédaction de La
Revue des revues, il participe aux revues Hippocampe et Nunc.
Publications:
Essai
biographique sur Kostas Papaïoannou, Les Idées contre
le néant, La
Bibliothèque, 2015.
La Canne à
pêche de Georges Orwell,
Corlevour, 2018.
Patrice
CANIVEZ: Éric Weil et Critique.
Une pratique de la philosophie
Cette
communication portera sur les articles publiés par Éric Weil dans Critique. Elle tentera de dégager
les spécificités de ces articles, tant du point de vue des thèmes
abordés que des caractéristiques rédactionnelles. J'essaierai aussi de
mettre en rapport les articles rédigés pour Critique avec la conception que se
fait Éric Weil de la pratique de la philosophie, conception développée
dans les ouvrages majeurs (en particulier Logique de la philosophie, Philosophie politique et Philosophie morale), ainsi que dans
certains essais et conférences.
Patrice Canivez est professeur de
philosophie morale et politique à l'université de Lille, où il dirige
l'Institut Éric Weil. Il a publié des travaux sur Éric Weil, Hannah
Arendt, Paul Ricœur, Aristote, Rousseau, Hegel, et sur des problèmes de
politique contemporaine: l'éducation et la démocratie, l'État-nation et
le nationalisme, l'argumentation politique, la théorie de l'action et
la théorie de l'histoire.
Publications:
Le politique
et sa logique dans l'œuvre d'Éric Weil, Paris, Kimè, 1993.
Éric Weil ou
la question du sens, Paris, Ellipses, 1998.
Weil,
Paris, Les Belles Lettres, 1999.
Qu'est-ce que
l'action politique?, Paris, Vrin, 2013.
Antoine
COMPAGNON: Critique
sous Piel
Il s'agira surtout d'évoquer mes premiers contacts avec Jean Piel en
1974, après l'envoi d'un manuscrit, puis ma collaboration à la revue,
les réunions du conseil de rédaction auxquelles j'ai participé à partir
de 1977, ou encore la géographie parisienne de nos déjeuners, puis les
visites chez lui à Neuilly, autant d'étapes qui m'ont formé et de
moments qui ont marqué une vingtaine d'années d'amitié. Ce sera aussi
l'occasion de parler de la succession de Jean Piel, des discussions
avec Jérôme Lindon sur l'interruption de Critique, et enfin de la décision
de continuer, du passage du relais à Philippe Roger.
Antoine Compagnon est professeur au
Collège de France. Il est membre du comité de rédaction de Critique.
Dernière
publication:
Les
Chiffonniers de Paris, Gallimard, 2017.
Charles
COUSTILLE: Un rapport ambigu à l'université
En ses commencements, Critique
n'était pas directement liée à l'université. Georges Bataille n'était
pas universitaire, pas plus que Jean Piel, qui ne se cachait pas de
préférer les "épiciers" aux professeurs. Dans sa version contemporaine,
si la revue espère toujours "échapper à l'inévitable spécialisation des
revues savantes", son comité de rédaction est exclusivement composé
d'enseignants-chercheurs. Alors, qui a changé: l'université ou Critique?
Charles Coustille est enseignant dans le
secondaire et à NYU Paris.
Publication:
Antithèses.
Mallarmé, Péguy, Paulhan, Céline, Barthes, Gallimard, coll.
"Bibliothèque des idées", 2018.
Per BUVIK: Critique vue de la Scandinavie
L'intervention sera basée sur ma propre expérience et sur une enquête.
Per Buvik est professeur émérite de
littérature comparée à l'Université de Bergen, Norvège. Actuellement
membre de l'équipe préparant l'édition des romans et nouvelles de
Joris-Karl Huysmans dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Publications:
Monographie
sur Georges Bataille, rédigée
en norvégien, Oslo, éd. Gyldendal, 1998.
L'Identité
des
contraires. Sur Georges Bataile et christianisme, Paris,
Éditions du Sandre, 2010.
Thomas
FRANCK: La philosophie allemande comme rempart critique
(1946-1949)
Nous étudierons la manière dont se constitue, dès les premiers numéros
de Critique, une théorie
critique se positionnant par rapport à l'héritage de la philosophie
allemande. Ce parti pris se justifie par le projet d'une mise en
lumière des stratégies intellectuelles et discursives visant à renouer,
après la Seconde Guerre mondiale, avec une philosophie politique
allemande susceptible de fournir des outils théoriques à l'analyse des
conflits nationaux et internationaux. Il apparaît en effet que
plusieurs animateurs fondamentaux de la revue considèrent ce rapport
comme l'un des enjeux majeurs pour le champ intellectuel français
d'après-guerre. Le recours (souvent ambivalent) à des philosophes tels
que Kant, Hegel, Feuerbach, Marx, Engels, Bloch, Lukács et Heidegger, à
la musique de Schönberg, Berg, Wagner et Beethoven et aux
interprétations de Eisler, Adorno et Schönberg lui-même ou encore les
analyses des politiques et des idéologies allemandes de guerre et
d'après-guerre constituent en effet une part non négligeable des
articles parus dans les premiers numéros de Critique. Par souci méthodologique,
nous restreindrons notre étude aux années 1946 à 1949, cette date
correspondant à l'émergence de nouvelles problématiques liées à
l'avenir des deux Allemagne dans la continuité de la Grundgesetz für die Bundesrepublik
Deutschland signée en mai 1949.
Thomas Franck est doctorant en
philosophie politique et en rhétorique à l'université de Liège et
prépare une thèse de doctorat sur la réception de Theodor Adorno dans
les revues françaises, et plus précisément dans Arguments et Communications.
Publications:
Lecture
philosophique du discours romanesque, Lambert-Lucas, 2017.
À codirigé le 12e numéro des Cahiers
du GRM intitulé "Matérialités et actualité de la forme revue".
Marina
GALLETTI: D'Acéphale à Critique
En 1948, interviewé à propos du prix de
la "meilleure revue de l'année" attribué à Critique, Bataille en fait remonter
l'origine à l'idée qu’il avait eue, travaillant au service des
périodiques de la Bibliothèque nationale, "d'une revue représentant
l'essentiel de la pensée humaine prise dans les meilleurs livres". Sa
rupture avec son activité d'avant-guerre n'en est que renforcée, et
surtout celle avec la
société secrète Acéphale dont la revue homonyme avait
été conçue comme lieu de prédication de la religion "antichrétienne" et
"nietzschéenne" de cette même société. Mais la page d'Acéphale est-elle
vraiment tournée? Non seulement parmi les collaborateurs de Critique, on peut repérer des
membres de la société secrète, mais dans Critique et un certain nombre de
revues immédiatement précédentes ou contemporaines de la naissance de
celle-ci, Bataille prolonge ses thématiques d'avant-guerre. En 1946,
c'est l'expérience même de la société secrète qu'il fait resurgir par
le biais d'un dessin de Masson paru dans Acéphale... Par une analyse portant
simultanément sur Critique et
sur ces revues il s'agira de réouvrir la question d'Acéphale pour en
tester les enjeux dans le parcours intellectuel de Bataille dans
l'après-guerre.
Professeure émérite de littérature
française à l'université Roma Tre, Marina Galletti a collaboré à
l'édition de la Pléiade des Romans
et récits de Georges Bataille (Gallimard, 2004, rééd. 2014),
dont elle a reconstruit le parcours communautaire dans La comunità impossibile di Georges Bataille
(Kaplan 2008) et dans Georges
Bataille, L'Apprenti Sorcier (La Différence, 1999) réédité
partiellement au Japon (Shobo, 2006), en Angleterre et aux USA
(Atlas
Press, 2017).
Koichiro
HAMANO: Georges Bataille: Critique
et la révolte
Il est, à première vue, paradoxal de parler de la révolte au sujet de Critique. Placée "en dehors de la
bagarre" par son fondateur et bornée au recensement de la production
intellectuelle contemporaine, la revue n'a en effet rien de ce que
d'ordinaire le mot de révolte évoque de passionnel ou d'oppositionnel.
Néanmoins, se vouloir apolitique à un moment fort politique comme
l'immédiat après-guerre, ce fut déjà, comme le dit Philippe Roger, se
mettre délibérément dans une position réfractaire. Certains articles de
Bataille, examinant de près ou de loin la question de la révolte, ne
viennent-ils pas par ailleurs faire de la résistance à la politique la
seule contestation nécessaire au "temps de la révolte", justifiant
ainsi, implicitement, le parti pris de la revue Critique? Notre intervention se
propose de repenser le "négativisme politique" de la revue Critique dans son rapport à la
notion de révolte telle qu'elle s'élabore dans les textes de Bataille.
Titulaire d'un doctorat de lettres
modernes, Koichiro Hamano est professeur de langue et littérature
françaises à l'université Aoyama-Gakuin (Tokyo).
Publication:
Georges
Bataille: la perte, le don et
l'écriture, Dijon, 2004.
Yves HERSANT: Critique,
Jean Piel et les arts
Grand amateur d'art, en particulier d'art contemporain, Jean Piel a
engagé Critique (et s'est
personnellement engagé) non seulement dans la défense d'artistes qui
lui tenaient à cœur, mais aussi dans une étude attentive et originale
des rapports entre art et commerce. Ce travail mérite réexamen.
Directeur d'études à l'EHESS, Yves
Hersant a consacré son enseignement et ses recherches à l'Humanisme et
à la Renaissance. Il est également directeur de collection aux Belles
Lettres, membre du
comité de rédaction de Critique
et traducteur; il a été un commissaire
de l'exposition "La Renaissance et le rêve" (Paris, Musée du
Luxembourg).
Publications:
Édition commentée de Huysmans, Là-Bas,
Paris, Gallimard, 1985.
Italies: les
voyageurs français aux XVIIe et XVIIIe siècles,
Paris, Robert Laffont, 1988.
Europes.
Anthologie critique et commentée, en collaboration avec Fabienne
Durand-Bogaert, Paris, Robert Laffont, 2000.
La Métaphore
baroque. D'Aristote à Tesauro, Paris, Le Seuil, 2001.
Mélancolies.
De l'Antiquité au XXe siècle, Paris, Laffont, 2005.
Éric
HOPPENOT: Maurice Blanchot, compagnon de route de Critique?
Maurice Blanchot publie la quasi-totalité de son œuvre critique (y
compris certains fragments fictionnels) dans des revues, l'essai
n'étant qu'une écriture seconde.
La récollection de textes semble
offrir au lecteur l'apparence d'une unité signifiante sans pour autant
effacer intégralement la fragmentation initiale.
Écrire dans une revue correspond toujours chez Blanchot — en dehors de
son accord tacite à la ligne éditoriale —, à un mouvement amical et
généreux. Si Blanchot participe à Critique,
et rejoint son comité, c'est essentiellement par amitié pour Georges
Bataille. Sa coopération ponctuelle confirme cette hypothèse: Blanchot
se joint à Critique pour
lancer la revue et lui donner une assise intellectuelle, c'est pourquoi
il accepte sans doute sans réserve d'être membre du Comité de Critique, son nom y figurera
jusqu'à sa mort.
Entre le numéro 3-4 de Critique
(août-septembre 1946) et le numéro 25 (juin 1948) il publie neuf
articles. Il n'éditera ensuite que neuf autres textes, dont un consacré
à Bataille "Le jeu de la pensée" (n°195-196, août-septembre 1963) et un
ultime bref hommage, au titre prémonitoire, dédié à Beckett "O tout
finir" (n°519-520, août-septembre 1990), fragment qui ouvre le numéro
d'hommages à l'écrivain irlandais.
Notre communication se donnera un double objectif, d'une part,
questionner cette petite vingtaine d'articles afin de déceler s'ils
sont donnés à Critique pour
des raisons circonstancielles ou s'ils correspondent à une dimension
particulière de la pensée de Blanchot. D'autre part, on s'interrogera
sur des liens plus invisibles que Blanchot a pu tisser avec tel numéro
de la revue ou avec tel ou tel auteur ou article auquel il a pu
s'attacher particulièrement.
Éric Hoppenot est docteur qualifié en
Littérature française et professeur agrégé, il enseigne à l'ESPE de
Paris (Université Paris Sorbonne). Il est membre du laboratoire CERILAC
(Université Denis Diderot) et chercheur associé au GRES (Université
autonome de Barcelone). Il est membre du comité de rédaction de la
revue Mémoires en jeu. Il codirige deux collections consacrées à
Maurice Blanchot: "Résonances de Maurice Blanchot" (Presses
universitaires de Paris X) et "Archives Blanchot" (éditions Kimé). Il
est membre du comité de rédaction de la revue Mémoires en jeu et du comité
scientifique de la collection italienne Macula. Ses recherches portent sur
l'œuvre de Maurice Blanchot mais également
sur la littérature contemporaine et notamment certaines thématiques:
les littératures génocidaires, les rapports entre Bible et littérature,
la théorie littéraire (écriture fragmentaire, théorie de la lecture,
fictions contemporaines). Il a publié plusieurs articles et dirigé des
ouvrages sur Levinas. Il enseigne également le cinéma.
Niilo KAUPPI:
Avant-gardes: Critique, Tel Quel
Cette communication se propose d'examiner les rapports de coopération
et de compétition entre Critique
et Tel Quel dans les années
1960. Au début des années 60, un rapport de filiation se développe
entre Georges Bataille et Philippe Sollers. Tel Quel se transforme rapidement
d'une revue purement littéraire soutenue entres autres par Michel
Foucault en plateforme de toutes les avant-gardes. La radicalisation
politique qui en suit crée de nouvelles tensions avec Critique.
Niilo Kauppi est professeur à l'Académie
de Finlande et directeur de recherche au CNRS.
Publication:
Tel Quel: la
constitution sociale d'une avant-garde, 1990, Kelsinki, Societas
Scientiarum Fennica (Commentationes
Scientiarum Socialium, n°43).
Lawrence D.
KRITZMAN: La révolution post-structuraliste: Derrida et Foucault
Cette communication traite des innovations intellectuelles de Jacques
Derrida et Michel Foucault dans l'histoire de la pensée française au
début des années 1960 dans Critique.
Chez Foucault, on examinera des concepts tels que le nom du père, la
pensée du dehors et l'idée de transgression. Derrida lance la pratique
de la déconstruction dans des essais consacrés à la dissémination
et à la force et la signification.
Lawrence D. Kritzman est : Pat and John
Rosenwald Research Professor of French and Comparative Literature et
Director of the Institute of French Cultural Studies. Il a beaucoup
écrit sur la Renaissance en France et l'histoire de la pensée française
au XXe siècle.
Marielle
MACÉ: L'élargissement du poème
La pensée contemporaine, en écho à la crise écologique, a
considérablement élargi ses objets d'interrogation: elle invite à
reconnaître le statut de "sujets" non pas seulement aux hommes mais à
des vivants non-humains, à des non-vivants même, en les dotant par
exemple d'une intériorité, d'une capacité à signifier, ou d'une
capacité à agir. "Être fleuve", "être pierre", "être forêt", "penser
comme une bête", "penser comme un arbre"...: autant de modes d'être
désormais rassemblées sur une même scène ontologique ou politique,
puisque c'est avec chacune de ces formes de vie que nous avons à nous
lier, et qu'à chacune de ces choses — à son silence ou à son cri — il
s'agit de prêter l'oreille.
Or je crois que la poésie a son mot à dire (et plus qu'un mot) dans cet
élargissement, elle qui est l'élargissement même. Avant tout
lorsqu'elle travaille à s'adresser, avec audace et sérieux, à ce qui ne
pourra pas répondre, à ce qui n'entend pas, à ce qui même n'existe pas,
ou n'existe plus: un mort, un arbre, "ma douleur", la terre, le temps
lui-même — toutes "choses" que les poètes ne craignent ni d'écouter, ni
d'interroger, ni de défier. En sorte que la poésie paraît aujourd'hui
experte pour entendre les choses de la terre réclamer qu'on les traite
autrement.
Marielle Macé enseigne la littérature à
l'EHESS, où elle est directrice d'études. Elle fait partie des
animateurs de la revue Critique.
Son travail a porté successivement sur le genre de l'essai, sur la
mémoire littéraire, et sur un renouveau de la pensée du style, élargie
du domaine de l'art à la qualification de la vie, dans la grande
variété de ses modalités.
Publications:
Le Temps de
l'essai, Belin, 2006.
Façons de
lire, manières d'être, Gallimard, 2011.
Styles.
Critique de nos formes de vie, Gallimard, 2016.
"Nous", Critique, n°841-842,
2017.
Sidérer,
considérer. Migrants en France, 2017, Verdier, 2017.
Les Noues,
Verdier, à paraître.
Éric MARTY:
Roland Barthes à Critique
Les relations entre Roland Barthes et la
revue Critique, ce sont
d'abord les articles qu'il y publie, ce sont les lettres qu'il envoie à
Jean Piel, ce sont enfin les souvenirs de ce dernier. La dimension
encyclopédique à laquelle la revue aspire ne pouvait que séduire Roland
Barthes même si elle a pu impliquer une certaine neutralité politique,
idéologique tout à l'inverse du
Théâtre
populaire de Robert
Voisin, des Lettres nouvelles dirigée par
Maurice Nadeau ou encore de la revue Arguments
à laquelle Barthes participe avec Edgar Morin ou Kostas Axelos, qui ont
été davantage des espaces d'engagement et d'amitié. C'est cette
spécificité de la revue Critique
et l'usage qu'en a fait Roland
Barthes qui seront au centre de notre propos.
Éric Marty est écrivain et
universitaire, il enseigne la littérature contemporaine à l'université
Paris-Diderot, il est l'auteur de nombreux essais et romans. Il est
l'éditeur des œuvres de Roland Barthes.
Claude
MOUCHARD: La part de la poésie dans Critique: constitutive? maudite?
Quels poètes, quelles œuvres poétiques auront été présents dans Critique? Quels choix se sont
opérés? Et quels refus se seront manifestés, au moins tacitement, ou, à
tout le moins, quelles distances? Dans quels rapports avec l'ensemble
des orientations et des variations de la revue? Sans prétendre faire un
relevé exhaustif ou un bilan systématique (qui ne seraient pourtant pas
sans intérêt), je m'arrêterai sur un certain nombre de cas, et
j'essaierai de tirer de cet examen partiel des questions tournées vers
l'histoire de la revue.
Claude Mouchard, professeur émérite à
l'université Paris 8 - Vincennes-Saint-Denis, est aujourd'hui rédacteur
en chef adjoint de la revue Po&sie.
Il est également traducteur (en collaboration) de poètes allemands,
anglais, américains, coréens, chinois, japonais et a organisé plusieurs
numéros spéciaux de Po&sie sur la Chine, la Corée, le Japon,
l'Afrique.
Publications:
Papiers !,
pamphlet-poème, Laurence Teper, 2007.
Qui si je
criais, œuvres témoignages dans les tourmentes du XXe
siècle, Laurence Teper, 2007.
Entangled,
Papers !, Notes, Contra Mundum, 2017.
Sylvie
PATRON: Georges Bataille-Éric Weil: correspondance et antipodie
"Sans Blanchot, pas plus que sans Éric Weil, je n'aurais pu réaliser ma
revue", déclare Georges Bataille dans un entretien au Figaro littéraire
en 1948. Cette
communication reviendra sur la correspondance échangée
par Georges Bataille et le philosophe Éric Weil ou du moins sur ce
qui, de cette correspondance, a pu être retrouvé: quarante-neuf lettres
de Weil à Bataille, seize lettres ou copies de lettres de Bataille à
Weil, couvrant environ une période de cinq ans et demi. Bien que
lacunaire et tronquée, cette correspondance se révèle très
intéressante. À travers certaines lettres de Weil, on devine la teneur
de celles de Bataille. L'ensemble constitue un témoignage crucial sur
les premières années de Critique.
On s'intéressera à la fabrique de la revue, aux affaires internes et
externes, aux difficultés financières, aux tractations éditoriales, aux
problèmes liés à sa direction. On essaiera de déterminer ce
qui se joue dans cet échange entre deux hommes que tout oppose, comme
le souligne la métaphore des antipodes, utilisée par Weil bien des
années plus tard, à la mort de Bataille.
Sylvie Patron est maître de conférences
habilitée à diriger des recherches en langue et littérature françaises
à l'Université Paris Diderot. Ses recherches actuelles concernent la
théorie du récit.
Publications:
Critique
(1946-1996). Une encyclopédie de l'esprit moderne, IMEC, 1999.
À en-tête de
Critique. Correspondance [entre Georges Bataille et Éric Weil]
(1946-1951), Nouvelles éditions Lignes / IMEC, 2014.
Martin RUEFF:
Une théorie critique: philosophie et sciences humaines dans la revue Critique
"Revue générale des publications" et
aussi revue "d'idées", la revue Critique
a-t-elle développée, objectivement, une théorie critique? Pour répondre
à cette question, on essaiera de partir d'un constat: portée, à
l'origine, par des philosophes, la revue a accompagné le mouvement
considérable qui vit dans la seconde moitié du XXe
siècle les sciences humaines, et en particulier les sciences sociales,
tenter de bousculer la philosophie, de la déloger de ses prérogatives,
qu'il se soit agi de construire une nouvelle philosophie à partir des
sciences sociales ou de considérer les conditions d'exercice politique
de la philosophie. En examinant la place respective de la philosophie
et des sciences humaines dans la revue, en considérant attentivement
certains numéros spéciaux, on essaiera de dégager des tendances, des
lignes de force et aussi des points de rupture. Cet exercice permettra
de mieux comprendre que la revue ne fut pas un simple spectateur mais
un acteur au sein d'un affrontement décisif dans le champ de la pensée
du XXe siècle.
Poète, traducteur et philosophe, Martin
Rueff est professeur ordinaire à l'université de Genève. Auteur de
plusieurs essais et livres de poésie, il est spécialiste de Rousseau et
de l'anthropologie morale des classiques. Il a contribué à l'édition
des œuvres de Claude Lévi-Strauss et de Michel Foucault dans la
"Bibliothèque de la Pléiade". En 2016, il a publié un recueil des
textes de Jean Starobinski sous le titre La beauté du monde, Paris,
Gallimard, Quarto. Il est co-rédacteur en chef de la revue Po&sie.
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BIBLIOGRAPHIE :
Georges
Bataille, Éric Weil, À en-tête de Critique. Correspondance, 1946-1951,
édition établie, présentée et annotée par Sylvie Patron, Fécamp et
Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, Nouvelles éditions Lignes et IMEC,
coll. "Archives de la pensée critique", 2014.
Sylvie Patron, Critique (1946-1996).
Une encyclopédie de l'esprit moderne, Paris, Éditions de l'IMEC,
coll. "L'Édition contemporaine", 1999.
Jean Piel, La Rencontre et la
différence, Paris, Fayard, 1982.
Pierre Prévost, Pierre Prévost
rencontre Georges Bataille, Paris, Jean-Michel Place, 1987.
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Avec le soutien du
Centre
d'études et de recherches interdisciplinaires en lettres, arts, cinéma
(CÉRILAC, Université Paris Diderot)
et de l'Institut Éric Weil
(Université de Lille 3 - Sciences humaines et sociales)
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