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DU MERCREDI 14 AOÛT (19 H) AU MERCREDI 21 AOÛT (14 H) 2002



LES SÉRIES TÉLÉVISÉES


DIRECTION : Anne ROCHE, Martin WINCKLER

ARGUMENT :

Avec la multiplication des chaînes et le développement du cable ainsi que du satellite, les séries télévisées (françaises, américaines et britanniques principalement) connaissent un succès grandissant auprès du public français. Elles n'ont cependant pas encore fait l'objet d'études systématiques: l'Université commence à s'y intéresser, mais de façon encore marginale.

L'on se propose donc de tracer un premier cadre d'analyse qui rende compte de la richesse et de la diversité de ce genre narratif.

En premier lieu, on répertoriera  les thématiques abordées par les  séries depuis leurs débuts, dans les années 50: la famille (de La famille Adams à 7 à la maison en passant par Friends, Absolutely Fabulous, La vie à cinq, Parker Lewis ne perd jamais, Happy Day...), l'espionnage (de Agents très spéciaux à L'homme de nulle part en passant par Chapeau melon et bottes de cuir, Les Espions, Mission : Impossible, Equalizer et Un flic dans la Mafia), la justice (de Perry Mason à The Practice en passant par La loi de Los Angeles, New York District et Ally Mac Beal), le crime (de Columbo à The Sopranos en passant par Hill Street Blues, New York Police Blues, New York District, NewYork Undercover, Homicide et L and O Special Victims Unit), l'individu contre le totalitaire (Le Prisonnier, Profit, L'homme de nulle part, Vengeance, Unlimited).

En second lieu, on étudiera la notion de genres ainsi que les déplacements de frontières auxquels elle donne lieu:
- ainsi certaines séries qui relèvent du western (comme Bonanza et Gunsmokes), tandis que d'autres (comme Les mystères de l'Ouest ou Kung Fu)  peuvent être considérées comme des œuvres hybrides ;
- ainsi certaine série policière (telle Un flic dans la Mafia), par son thème (un policier travaillant sous couvert de l'identité d'un truand) est plus fondamentalement proche d'une série d'espionnage ;
- ainsi telle série d'espionnage (comme Mission Impossible) peut être considérée comme une métaphore de la représentation théâtrale ;
- ainsi des comédies (comme Friends, Dream on, Dharma et Greg ou The Drew Carey Show) flirtent avec le fantastique, l'univers du cinéma ou des mises en scène proches de la bande dessinée ;
- ainsi des séries "réalistes" (comme New York District) associe le criminel (une enquête en première partie d'épisode) et le judiciaire (une procédure pendant la deuxième partie) ;
- ainsi de plusieurs séries Star Trek (Star Trek Classic, ST The Next Generation, St Deep Space 9, ST Voyager) ou une œuvre aussi cohérente que Babylon 5 mêlent une construction proche des grandes sagas de la littérature de science-fiction à des problématiques directement ancrées dans la réalité sociale contemporaine, voire (c'est le cas de Deep Space 9) à une chronique sur la guerre des Balkans ;
- et même des séries dont certains aspects peuvent être qualifiés de fantastiques (comme X-Files, Profiler ou Code Quantum) ont, si on les regarde de près, des ambitions beaucoup plus vastes.

En troisième lieu, on envisagera un angle d'analyse narratologique, pour montrer que ces séries, loin d'être des récits simples, mettent en jeu des stratégies narratives souvent sophistiquées : allusions et citations diverses, jeu avec plusieurs niveaux narratifs qui se télescopent, mise en scène du making of, personnages affichant leur conscience de vivre dans une fiction (Clair de lune), construction d'une intertextualité propre qui permet les clins d'oeil humoristiques aussi bien que les effets de réminiscence émotionnelle pour le spectateur (Code Quantum et en un sens toutes les séries), autant d'effets de "palimpsestes" au sens genettien qui fondent l'efficacité du récit tout en le faisant advenir à un "second degré".

CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 14 août
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 15 août
Matin:
Martin WINCKLER: Introduction
Henri LARSKI: Le Caméléon, de la recherche identitaire à la cohérence d'un univers fictionnel référentiel

Après-midi:
Guillaume SOULEZ: Le spectateur sériel
Séverine BARTHES: Rhétorique et sérialité: le cas Oz


Vendredi 16 août
Matin:
Guy ASTIC: David Lynch au laboratoire de la série
Martin WINCKLER: Les médecins de fiction au petit écran

Après-midi:
Diane ARNAUD: La série télévisuelle, force de libération dans l’institution créatrice de Lars von Trier


Samedi 17 août
Matin:
Ute FENDLER: Commissaires femmes vs. Commissaires féminins. Analyse comparative de séries allemandes et françaises
Sabine CHALVON-DEMERSAY: De Vidocq aux Brigades du tigre: justice et police dans les feuilletons télévisés

Après-midi:
REPOS


Dimanche 18 août

Matin:
Carmen COMPTE: Influence des Soap Opéra sur les stratégies narratives des séries télévisées
Pierre BEYLOT: De Scorsese aux Sopranos, une vision nouvelle de la Maffia

Après-midi:
REPOS


Lundi 19 août
Matin:
Pamela TYTELL: La psychanalyse: de la Dallasothérapie à Dr. Jennifer Melfi
Ronan TOULET & Denis COREL: Buffy the vampire slayer: une épopée intime

Après-midi:
Stéphane BENASSI: Du récit sans fin à la fin du récit
Vincent COLONNA & Pierre GAILLARDON: Un gars, une fille, le comique du couple


Mardi 20 août
Matin:
Marie-Claude TARANGER: De la série au film: le cas de Mission impossible

Après-midi:
Anne ROCHE: Les insertions fantastiques dans quelques séries réalistes
Antoine de FROBERVILLE: Parcours d'un jeune scénariste de télé: du rêve à la réalité


Mercredi 21 août

Matin:
Anne ROCHE & Martin WINCKLER: Synthèse

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS

RÉSUMÉS :

Diane ARNAUD: La série télévisuelle, force de libération dans l’institution créatrice de Lars von Trier
Cette intervention a pour visée de montrer comment la série télé a renouvelé la création du metteur en scène danois Lars von Trier en constituant un champ d’expérimentation et de libération. Le "break" créatif, entre les premiers films formalistes et ironiques (The Element of Crime, Epidemic) et les œuvres récentes réalistes et mélodramatiques (Breaking the Waves, Les Idiots) peut s’expliquer par la confrontation de l’univers du cinéaste avec la réalisation télévisuelle. Sa série fantastique, "L’hôpital et ses fantômes" (The Kingdom), commencée en 1994, a permis un resserrement sur le jeu des acteurs à partir d’une direction moins inféodée au modèle de représentation théâtrale. Les personnages continuent d’évoluer hors-champ et impulsent une force dynamique à l’éclatement et à l’ouverture de l’espace filmique. La logique narrative ne procède plus par emboîtement mais tisse des zones d’ombre en croisant plusieurs trajectoires linéaires. Le thème conducteur de cette série encore inachevée, le combat entre les forces rationnelles du corps médical et les forces occultes des corps souffrants, doit être également souligné en tant que conflit majeur entre institution et expression, opposition éclairante qui a profondément bouleversé la production artistique de Lars von Trier.

Guy ASTIC: David Lynch au laboratoire de la série
Twin Peaks est devenu la série majeure des années 1990. Elle a pour maître d’œuvre principal David Lynch. Il ne faudrait pas, cependant, réduire le réalisateur de Lost Highway à ce seul travail en ce qui concerne le format sériel. Lynch a toujours vu dans la série la possibilité de développer sur le long cours son approche esthétique et artistique vouée aux tensions du tout et de la partie, au va-et-vient des formes, aux ruptures de tons, aux tiraillements figuratifs, à l’effilochage du lien narratif. De On the Air à Hotel Room, sans oublier Mulholland Drive (long métrage qui est à l’origine le pilote d’une série programmée sur ABC), le cinéaste intensifie par et dans la mise en série l’absence du repos des apparences et sa poétique du pli… autant d’aspects qui seront précisés lors de l’intervention avec extraits à l’appui.

Séverine BARTHES: Rhétorique et sérialité: le cas d'Oz
L'étude des séries télévisées à l'aide de la rhétorique ouvre des pistes fécondes. Le cas d'Oz est, selon cet axe, fort intéressant: l'étude de l'argumentation intradiégétique montre une disproportion entre, d'une part, le discours délibératif et le discours épidictique et, d'autre part, le discours judiciaire. L'argumentation extradiégétique, sous sa forme la plus explicite, passe par le narrateur et le générique. Cependant, elle se caractérise aussi par des phénomènes de reprises et de citations et par la construction d'un suspense propre à l'aspect feuilletonnant de la série, qui ont essentiellement une force parlocutaire de prise de décision de visionnage. Tout cela concourt à formuler l'hypothèse d'un "pacte de visionnage" dont les fondements seraient rhétoriques.

Stéphane BENASSI: Du récit sans fin à la fin du récit
Depuis quelque temps, nous assistons à l’émergence de fictions à suite pouvant apparaître comme des compromis presque "parfait" entre la série et le feuilleton. Bien que ces formes fictionnelles hybrides ne soient pas totalement nouvelles et remontent aux années soixante, il semble intéressant d’observer de quelles façons elles tendent aujourd’hui à se diversifier et à se complexifier, allant même jusqu’à bouleverser les codes classiques du récit audiovisuel. Nous montrerons que les fictions télévisuelles actuelles peuvent se répartir dans au moins six genres fictionnels distincts (déterminés en fonction du degré de mise en série et de mise en feuilleton de leurs structures narratives), qui, sous des allures de récits sans fin, annoncent peut-être la fin du récit.

Pierre BEYLOT: De Scorsese aux Sopranos, une vision nouvelle de la Maffia
La série de David Chase tranche sur le reste de la production policière par la manière dont elle présente l'univers du crime, non pas du point de vue des représentants de la loi, mais de l'intérieur, du point de vue des maffieux eux-mêmes. La principale innovation de la série consiste à montrer le quotidien des maffieux, présentés comme des individus ordinaires avec leurs problèmes de couple, de rapports entre générations, leurs crises existentielles, etc. Le boss de la maffia n'est plus un dur inébranalable, mais un individu complexe, à la fois imposant et fragile, entouré de personnages qui, eux-mêmes, échappent en grande partie aux stéréotypes.
Cette transformation de la vision traditionnelle de la Maffia n'est pas une simple évolution du traitement de la thématique du crime, mais témoigne plus profondément, d'un déplacement des frontières du genre policier à la télévision (croisé ici avec la série familiale et enrichi d'une dimension psychologique rare dans ce type de productions). Plus qu'à une comparaison avec d'autres séries consacrées au monde la Maffia, je voudrais me livrer à une mise en parallèle avec la représentation qu'en offre le cinéma américain depuis le début des années 70, chez Coppola et Scorsese notamment. Les Sopranos me paraissent en effet plus liés à ces sources cinématographiques qu'ils transposent sur un mode moins tragique. Je voudrais donc m'interroger dans une perspective à la fois narratologique et pragmatique, d'une part, sur la transposition du mythe cinématographqiue du maffioso construite par le cinéma américain dans une forme télévisuelle fondée sur la sérialité impliquant un autre rapport à la temporalité et au récit. D'autre part, sur le type d'investissement spectatorial généré par cette série qui renvoie à toute une série de références intertextuelles.

Vincent COLONNA & Pierre GAILLARDON: Un gars, une fille, le comique du couple
Adaptée du programme canadien Love bugs, diffusée depuis octobre 1999 sur France 2, juste avant le J.T. de 20 H, la série comique Un gars, une fille n'a pas toujours connu la popularité qui est la sienne aujourd'hui: six millions de téléspectateurs chaque soir et, en 2001, le sept d'or du meilleur divertissement. Dans sa première saison, son audience éait médiocre, — malgré une thématique conventionnelle, la série déroutait par son format court (5 à 7 mn), l'audace de ses cadrages et de sa narration, son rgistre transgressif.
La série s'est-elle assagie ou, au contraire, le public s'est-il habitué à ses audaces? L'évolution d'Un gars, une fille, avec l'analyse de son originalité formelle et sa place dans le "système" des genres télévisuels (quelque part entre les sitcoms et le comique burlesque d'un Mr Bean): voilà l'objet de notre communication. A l'horizon de cette étude: la poétique (au sens d'Aristote) des genres télévisuels, le registre comique et la spécificité de cette situation pragmatique singulière que produit la Télévision.

Référence Bibliographique :

Vincent COLONNA, Ma vie transformiste, roman, Tristram éditions, 2001.


Carmen COMPTE: Influence des Soap Opéra sur les stratégies narratives des séries télévisées
Ancré profondément dans une tradition littéraire picaresque, le feuilleton à épisodes a réussi à traverser les différents styles de supports (journal, radio, cinéma, télévision) en trouvant, à chaque étape, les spécificités d'écritures qui caractérisent le média utilisé. Cette adéquation avec des contraintes techniques du petit écran a fait de ce format un modèle de rhétorique télévisuelle dont le succès (à long terme et sur une très large audience) permet de comprendre son influence sur des séries du "prime time" apparemment aussi différentes que Hill Street Blues, NYPB, P.J., Ally Mc Beal, Avocate & Associates, ou Urgences. En jouant sur les stratégies narratives, on assiste à un basculement du récit vers une focalisation sur des relations interpersonnelles dans une sorte de huis clos qui tient par un minutieux travail technique que nous tenterons de mettre en évidence.

Ute FENDLER: Commissaires femmes vs. Commissaires féminins. Analyse comparative de séries allemandes et françaises
Conflits sociaux, groupes marginalisés, la représentation de l'ordre social et public, la relation entre individu et société: la série policière avec ses protagonistes — le commissaire et le criminel — est censée être le miroir de la société. Ce lien étroit entre la société et le genre policier peut être mieux cerné en comparant des séries de provenance culturelle différente, car grâce à une approche comparatiste, les spécificités des sujets abordés autant que les caractéristiques des représentations de l'ordre se dessinent sur le plan d'un modèle différent.
Cette communication propose donc d'analyser des séries policières allemandes et françaises. Vu la présence croissante de femmes commissaires sur le petit écran dans les deux pays voisins, l'accent sera mis sur la question de l'acceptation réciproque des séries, le changement rapide de ces représentations de femmes commissaires qui semble coïncider avec un changement d'esthétique filmique parallèle.

Henri LARSKI: Le Caméléon, de la recherche identitaire à la cohérence d'un univers fictionnel référentiel
On envisagera le Caméléon pour ce qu’il est: le récit d’une quête individuelle tant pour le héros que pour les personnages qu’il aide ou qui le poursuivent. Or, cette recherche identitaire suppose un déplacement constant dans l’espace géographique des Etats-Unis. Allégoriquement, c’est donc aussi la quête de tout un peuple qui manque de repères historiques et géo-politiques. A l’instar de son personnage central, la construction narrative de la série (ou feuilleton?) se fonde sur le changement, la transformation. Un schéma apparemment classique du récit sinon qu’il s’inscrit dans la durée et dans l’évocation systématique de séries ou de films américains marquants: on montrera donc que le monde diégétique du Caméléon est un lieu d’expérimentation sur la stratégie narrative, sur la notion de genres et sur la représentation "du monde réel" par le filtre déformant du petit écran.

Anne ROCHE: Les insertions fantastiques dans quelques séries réalistes
La plupart des séries télévisées appartiennent à un genre défini (série policière, fantastique, science-fiction...). On constate néanmoins que les plus intéressantes s'emploient à brouiller la frontière des genres, en faisant appel systématiquement à l'intertextualité, et en insérant dans une trame donnée des éléments qui ne devraient pas lui appartenir.
C'est ainsi qu'une série policière comme Tandem de choc (Canada/USA), globalement réaliste, n'en insère pas moins de façon récurrente des motifs fantastiques ou surnaturels (le spectre du père). Même constat pour une série "pour adolescents" comme Parker Lewis ne perd jamais. On montrera, à partir de ces exemples et de quelques autres, comment l'insert fantastique relève d'une esthétique que l'on peut qualifier de baroque — ou de post-moderne.

Marie-Claude TARANGER: De la série au film: le cas de Mission Impossible
La télévision a longtemps exploité les succès du cinéma. Depuis quelques années, le courant s'est au moins en partie inversé et le grand écran a vu se multiplier les adaptations de séries-cultes. A partir de l'analyse  de quelques exemples de telles adaptations (Mission impossible, X-File, Chapeau melon et bottes de cuir...), on en étudie les conditions (choix des réalisateurs, acteurs, scénarios, budgets...) et les résultats: le film de cinéma est-il un épisode parmi d'autres? sinon en quoi se distingue-t-il? y a-t-il des lois? La dynamique de l'intertextualité conduit ici à une réflexion fructueuse non seulement sur les objets (les séries, les films), mais aussi sur la logique des médias (télévision, cinéma).

Pamela TYTELL: La psychanalyse: de la Dallasothérapie à Dr. Jennifer Melfi
Depuis les années 1980, et la diffusion de la série Dallas, certaines séries télévisées américaines sont devenues des outils thérapeutiques permettant aux psychanalystes ou aux psychothérapeutes de résoudre des problèmes individuels et d’entrer dans le monde fantasmatique de leurs patients. En effet, ceux-ci s’approprient des comportements observés à l’écran ou évoquent plus facilement une identification à un personnage de fiction qu’une identification à une personne réelle de leur entourage.
D’abord, on tentera de comprendre le fonctionnement de l’identification entre le téléspectateur et le personnage de fiction dans une série télévisée. Il sera également question de l’identification dans la série Friends et de l’évolution du rôle des personnages féminins dans Dallas, Dynasty, Falcon Crest, Ally McBeal et Sex and The City.
Ensuite, on se penchera sur le cas du psychanalyste comme personnage, à part entière, dans les séries télévisées suivantes: Dr. Katz: Professional Therapist, Frasier, Ally McBeal et The Sopranos. De même, on évoquera la façon dont Dr. Jennifer Melfi — la psychanalyste de Tony Soprano dans la série The Sopranos — est perçue par la communauté psychanalytique américaine.
Enfin, on refléchira sur la confusion entre réalité et fiction dans des séries diffusées actuellement.


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