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DU MERCREDI 3 AOÛT (19 H) AU SAMEDI 13 AOÛT (14 H) 2011



TEXTIQUE : UNIFIER LE DIVERS (II)


DIRECTION : Jean RICARDOU

ARGUMENT :

La textique? Une discipline nouvelle, inaugurée en 1985 au Collège International de Philosophie de Paris, visant à établir une théorie unifiante des structures de l’écrit.

Ses avantages? Pour la théorie: une coordination conceptuelle de mécanismes jadis et naguère plus ou moins bien pensés, une reformulation critique de certaines notions trop admises, ainsi qu’une réévaluation concertée de phénomènes négligés, voire méconnus, et une classification réfléchie de toutes les erreurs possibles. Pour la pratique: sur la base de la cardinale notion de lieu scriptuel, une analyse inédite, attentive, notamment, aux prétendues broutilles, ainsi que la possibilité de programmes et métaprogrammes d’écriture raisonnés permettant la correction et la récriture à plusieurs. En général: une clarté et une rigueur neuves, dans l'ordre de l’écriture et des concepts, et quant à l'invention, et quant à l'enseignement.

Sa méthode? Explorer par niveaux l'ensemble des structures loisibles, leurs problèmes et leurs effets, selon des matrices exhaustives à stipulation croissante, réfutables à mesure, le cas échéant, par tout contre-exemple analysé comme tel.

Le thème? Il s'agira d'enrichir, commencée l'année dernière, l'unification du divers, d'une part en déterminant les communautés structurales qui lient l'écrit fait de "lettres" et l'écrit fait d'"images", d'autre part en examinant certaines structures dans des univers variés selon le jeu, construit par la textique, de cohérentes dénominations conceptuelles.

Le travail? Sur la base des écrits expédiés environ un mois à l’avance, l’on discutera toutes questions à tous égards soulevées.

Les participants? Toutes celles et tous ceux que le champ ainsi balisé et le travail du coup permis intéressent, et qui, sachant qu’une portion du séminaire, au début, sera consacrée à une initiation d’ensemble et à une information quant aux concepts majeurs, désirent venir à titre de participants actifs ou d'auditeurs curieux.

Les séances? En guise d’initiation ou de révision, un retour, pendant plusieurs séances, certaines étant des "mises à jour", sur la méthode et les enjeux. Puis le traitement des questions annoncées. Et non moins, chaque fin d’après-midi, en vue d’unir, ainsi qu'il sied, la théorie et la pratique, à partir d’un programme élémentaire, un atelier d’écriture.

L'inscription? Il est souhaitable, pour bénéficier du précoce envoi des écrits préparatoires, de l'accomplir au plus tôt.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 3 août
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du séminaire et des participants


Jeudi 4 août
Matin:
Gilles TRONCHET: Un aperçu de la textique (Initiation)

Après-midi:
Gilles TRONCHET: Un aperçu de la textique (Initiation)


Vendredi 5 août
Matin:
Jean RICARDOU: Unification fondamentale (Initiation)

Après-midi:
Jean RICARDOU: Unification fondamentale (Initiation)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture)


Samedi 6 août
Matin:
Gilles TRONCHET: Les écrits à contrainte présentative (Exploration)

Après-midi:
Gilles TRONCHET: Concepts majeurs (Révision)

Gilles TRONCHET: Les écrits à contrainte présentative (Exploration)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture)


Dimanche 7 août
Matin:
Gilles TRONCHET: Les écrits à contrainte présentative (Exploration)

Après-midi:
Gilles TRONCHET: Les écrits à contrainte présentative (Exploration)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture)


Lundi 8 août
Matin:
Sandra K. SIMMONS: Structures du mouvement (Invitation)

Après-midi:
Gilles TRONCHET: Concepts majeurs (Révision)

Sandra K. SIMMONS: Structures du mouvement (Invitation)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture)


Mardi 9 août
Matin:
Jean-Christophe TOURNIÈRE: Une couverture recouverte (Exploration)

Après-midi:
Jean-Christophe TOURNIÈRE: Une couverture recouverte (Exploration)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture)


Mercredi 10 août
Matin:
Jean-Christophe TOURNIÈRE: Une couverture recouverte (Exploration)

Après-midi:
Gilles TRONCHET: Concepts majeurs (Révision)

Jean-Claude RAILLON: L'emprise du milieu (Exploration)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture): échanges sur la question du "sujet"


Jeudi 11 août
Matin:
Jean-Claude RAILLON: L'emprise du milieu (Exploration)

Après-midi:
Jean-Claude RAILLON: L'emprise du milieu (Exploration)

Bestiaire ennéalogue (Atelier d'écriture): discussion sur la différence commande/contrainte


Vendredi 12 août
Matin:
Jean RICARDOU: Intelligibilité structurale de la page (Exploration)

Après-midi:
Jean RICARDOU: Intelligibilité structurale de la page (Exploration)


Samedi 13 août
Matin:
Perspective

Après-midi:
DÉPARTS


RÉSUMÉS :

PRÉSENTATION

Jean RICARDOU

Sitôt, d'une part, que la textique vise à établir une théorie unifiante des structures de l'écrit dans ses divers modes (dits schémique, grammique, iconique, symbolique), ce qui la voue à une exhaustivité contrôlée sur un domaine immense, et sitôt, d'autre part, que ses premiers efforts, comme tels, datent du milieu des années quatre-vingt, nul doute que, à l'orée du prochain séminaire, comme pour les années précédentes, se posent, quant à la mise à jour, l'un étant celui de l'initiation et l'autre celui de la révision, deux problèmes distincts.

Le problème de l'initiation concerne les participants nouveaux qu'une curiosité intellectuelle aura porté à venir pour la première fois, car il est nécessaire, pour bien saisir la pensée textique, voire pour y concourir, d'être mis en possession, aussi soigneusement que possible, de la méthode et des enjeux.

Le problème de la révision concerne les participants habitués, voire chevronnés, car il est opportun, avant ces journées de réflexion intensive, de se remettre en tête, soigneusement, les grandes perspectives du travail.

Cette initiation et cette révision se feront en trois phases à partir, notamment, des fascicules remis à jour pour 2011: Un aperçu de la textique par Gilles Tronchet, et Unification fondamentale de l'écrit par Jean Ricardou.

La première phase relève de la préparation: les deux fascicules étant expédiés, avec d'autres écrits, un mois environ avant le début du séminaire, les participants auront tout le loisir qu'ils s'accorderont pour en prendre connaissance à leur guise.

La deuxième phase ressortit à la discussion: les deux premières journées étant réservées à de libres échanges oraux sur ces deux fascicules, les participants auront tout le loisir permis par les séances pour solliciter les éclaircissements éventuellement nécessaires, voire pour énoncer, très librement, d'éventuelles objections.

La troisième phase sollicite des révisions: en prélude à la séance de certaines des après-midi, une heure sera réservée, sous la responsabilité de Daniel Bilous, à une révision systématique des concepts majeurs.




INITIATION

Jean RICARDOU: Unification fondamentale (évolution 2011)

Si la textique peut envisager, d'ores et déjà, une exhaustion des structures de l'écrit, c'est qu'elle accomplit deux gestes: celui d'œuvrer par niveaux, du plus général au très particulier, en offrant, pour chacun d'eux, une matrice d'établissement sans reste; celui d'élargir entièrement l'envergure de ses investigations.

I. Matrices

Dès lors que s'établissent, à chaque niveau, des matrices d'établissement sans reste, ce sont deux choses distinctes qui deviennent possibles.

La première, c'est, à tel niveau déterminé, de ne point laisser la moindre zone d'ombre.

La deuxième, puisqu'il suffit, pour objecter, de montrer qu'une occurrence concevable n'est pas incluse dans les matrices, c'est de programmer, à chaque niveau, le loisir d'une réfutation éventuelle.

Les deux plus générales matrices d'exhaustion textique, avec leurs divers concepts associés: la matrice modale et la matrice structurale, sont présentées, entre autres choses, par le fascicule Unification fondamentale.

+++

La matrice modale est d'allure arborescente.

D'abord un tronc commun, à savoir les schèmes, entendus, au plus général, comme "les zones déterminées, par au moins un différentiel, dans le champ qu'il implique".

Puis une première ramification, comportant, d'une part, les grammes, ou "schèmes capables de représenter en ce que, diversement liables aux sons d'au moins une langue selon certaines suites déterminées, ils permettent, par le relais d'une accréditation reçue, que s'ajoute, pour un récepteur donné, une autre idée à celles que l'on peut se faire d'eux-mêmes", et, d'autre part, les icônes ou "schèmes capables de représenter en ce que, sans devoir être liés aux sons d'une langue, ils comportent, pour un récepteur envisagé, au moins un caractère déterminant de tel objet, ou type d'objet, concret ou abstrait, réel ou fictif, vu sous quelque angle, et dont l'idée, ainsi, s'ajoute à celle que l'on peut se faire d'eux-mêmes".

Enfin, une deuxième ramification, ajoutant les symboles ou "schèmes capables de représenter en ce qu'ils permettent, par le relais d'au moins une accréditation, reçue ou convenue,  que s'ajoute, pour un récepteur envisagé, une autre idée à celles que l'on peut se faire d'eux-mêmes", et qui, selon la base (schémique, grammique, iconique) sur laquelle ils s'appuient, forment trois types (les schémosymboles, les grammosymboles, les iconosymboles).

L'hypothèse de l'exhaustion des modes présume lors qu'un écrit, quel soit-il, ne saurait jamais comporter d'autres modes que le schémoscrit (l'écrit là où il est fait de schèmes stricts), le grammoscrit (l'écrit là où il est fait de grammes), l'iconoscrit (l'écrit là où il est fait d'icônes) et, sous ses trois variétés (le symbolo(schémo)scrit, le symbolo(grammo)scrit, le symbolo(icono)scrit), le symboloscrit.

+++

La matrice structurale est spécialement développée ici, quant à sa portion représentative.

Quant à cette portion, elle est faite d'un couple principal flanqué d'un couple associé.

Le couple principal est formé de l'orthoreprésentation, déclarée advenue "chaque fois que des schèmes permettent correctement que s'ajoute, pour un récepteur donné, une autre idée à celles que l'on peut se faire d'eux-mêmes, si celle-ci semble convenir à tel ou tel objet réel ou fictif, concret ou abstrait", et de l'orthométareprésentation, déclarée advenue "chaque fois que, de manière organique, transparaissent, au-delà du régime représentatif, les "moyens", matériels notamment, qu'en son ordinaire fonctionnement l'orthoreprésentation à la fois requiert et estompe".

Le couple associé est formé de la dysorthoreprésentation, déclarée advenue "chaque fois qu'un effet d'orthoreprésentation se trouve engagé et entravé", et de la dysorthométareprésentation "chaque fois qu'un effet d'orthométareprésentation se trouve engagé et entravé".

L'hypothèse de l'exhaustion structurale (représentative) présume lors que l'écrit représentatif ne survient jamais sous d'autres structures que celles de l'écrit orthoreprésentatif (ou orthoscript), de l'écrit dysorthoreprésentatif (ou dysorthoscript), de l'écrit orthométareprésentatif (ou orthotexte), de l'écrit dysorthométareprésentatif (ou dysorthotexte).

C'est à une explicitation de telles catégories que procède le fascicule Unification fondamentale de  l'écrit, et c'est à une élucidation de tous les écrits, quels soient-ils, et dans leurs moindres aspects, que, à partir des concepts plus pointus qu'impliquent ces deux matrices (la matrice modale et la matrice structurale) la textique a pour mission de procéder.

II. Envergure

Dès lors qu'il s'agit d'élargir entièrement l'envergure de ses investigations, la textique établit d'ores et déjà, avec le fascicule "Unification fondamentale" les communes structures qui se trouvent régir les modes grammique et iconique.



Gilles TRONCHET: Un aperçu de la textique (version 2011)

Proposant une simple présentation de la textique, ce fascicule est réactualisé chaque année, de façon à prendre en compte les acquis récents de la discipline ainsi que les remarques ou objections faites par les participants au séminaire antérieur. Il a une double visée: d'abord, fournir un historique succinct, pour montrer dans quelles conditions et selon quelles étapes la textique est apparue et s'est constituée en une discipline nouvelle ; puis, offrir un exposé des principaux concepts et outils d'analyse élaborés jusqu'à présent.

Tout d'abord, comme la textique s'efforce d'établir une théorie unifiante de l'écrit, il est indispensable d'expliquer la très large portée qu'elle donne à son objet, puis de préciser comment il trouve à se spécifier selon différents modes, permettant d'envisager, notamment, les particularités des caractères alphabétiques, des images et des symboles.

Ensuite, est retenu un domaine plus restreint et sans nul doute familier à tout lecteur, l'écrit représentatif relevant du mode grammique: cela correspond, quitte à simplifier un peu, aux écrits basés sur des séries de lettres, associables aux sonorités d'une langue et susceptibles, par équivalence avec d'autres séries, de faire surgir certaines idées (ainsi lorsqu'un terme s'échange avec sa définition). Il s'agit d'inventorier et d'expliciter les grandes catégories capables d'appréhender exhaustivement les structures possibles dans un écrit grammique: la textique prétend y parvenir, en l'attente d'une éventuelle démonstration contraire, susceptible de relancer la recherche.

Enfin, il a semblé utile de signaler quelques-uns des instruments analytiques servant à explorer en détail les dispositifs repérables dans un écrit représentatif, sachant que l'un des acquis majeurs de la textique consiste à distinguer, par rapport aux structures qui sont au service de la représentation, celles qui outrepassent un tel régime, en imposant leurs contraintes propres à la représentation, alors forcée de s'adapter. C'est le cas par exemple avec les rimes classiques, mais aussi avec beaucoup d'autres agencements irréductibles à la logique représentative, qui relèvent dès lors d'un régime métareprésentatif.

On admettra toutefois qu'un simple aperçu ne saurait dispenser à propos de la textique davantage qu'une information initiale: une approche théorique plus fouillée, débouchant sur une pratique effective de la discipline, exige de bien plus amples développements.




EXPLORATION

Jean-Claude RAILLON: L'emprise du milieu

La présente contribution vise à fournir l’analyse textique d’une planche de bande dessinée choisie pour nombre de ses qualités comme telle, la première, en l’occurrence, du volume des aventures de Philémon intitulé « La Mémémoire » que signe le dessinateur Fred chez Dargaud (Illustration 1). A peine un lecteur ouvre-t-il, en effet, cet album qu’il s’interroge devant le singulier contraste qu’affichent en ce début, d’un côté, un spectaculaire agencement de formes, et, de l’autre côté, l’apparente minceur d’un récit que rien ne semble relancer. L’examen partira de cette impression pour établir à mesure qu’un ensemble complexe de correspondances se trouve agir ici de manière à produire une sorte de tableau à double vue, l’une qui accompagne les personnages dans le cours de leurs aventures, l’autre qui accompagne les dessins et les mots dans le jeu de leurs structures.



(Illustration 1)



Jean RICARDOU: Intelligibilité structurale de la page
 

Cette contribution clarifie et approfondit le propos, intitulé "Page", présenté au séminaire 2007.

Qu'un écrit puisse être tributaire de l'espace à deux dimensions, voilà, semble-t-il, qui ne heurte point trop l'intellect. La pensée, même, devient plus évidente encore si, et pour reprendre un langage ordinaire, l'on songe aux écrits alphabétiques.

En effet, ce qui se trouve lors concerné, ce sont, pour le dire trop vite, deux sortes de surfaces: celle, exiguë, nécessaire à la venue de chaque "lettre", et celle, étendue, nécessaire à la venue des écrits diversement tronçonnés sur quelque page.

Aux fins de saisir l'écrit paginal dans toutes ses variétés, l'on se propose d'établir une typologie sans reste.

L'on distinguera, d'abord, les deux concepts de spatialisation et de tabularisation.

L'on appellera spatialisation, la nécessité structurale inhérente aux écrits segmentaires survenus au moins chaque fois qu'il y a division et répartition, en proche parallèle, de leurs fragments ainsi obtenus.

L'on appellera tabularisation, l'opérativité sur-structurale permise par cette nécessité.

L'on distinguera, ensuite, les deux loisibles catégories d'écrits tabulaires.

L'on parlera d'écrit linéo-tabulaire chaque fois que peut être mis en évidence un effet sur-structurant de la spatialité pensable en linéarité.

L'on parlera d'écrit tabulo-linéaire chaque fois que peut être mis en évidence un effet sur-structurant de la spatialité impensable en linéarité.

L'on examinera, également, les éventualités de part et d'autre : d'un côté, par restriction, le prétendu écrit seulement linéaire; d'un autre côté, l'effectif écrit à mixage des tabulaires.

Ajoutons que chacun des types sera examiné sur quelque exemple.

Ainsi, s'agissant des écrits linéo-tabulaires, l'on examinera, avec soin, deux sonnets de Charles Baudelaire: "Parfum exotique" et "Sisina".

Ainsi, s'agissant des écrits tabulo-linéaires, et après avoir noté, d'une part, que Un coup de dés (de Stéphane Mallarmé) est un écrit alphabétique à développement syntaxique, d'autre part que les Calligrammes (de Guillaume Apollinaire), dont "Paysage", "Fumées", "Du coton dans les oreilles", "Poème épistolaire (à André Billy)", sont des écrits alphabétiques à développement iconique, l'on observera, sur un groupe d'écrits inédits à variations spatiales, composé pour la circonstance, ce qui pourrait bien devoir être nommé l'écrit alphabétique à développement sémantique.



Jean-Christophe TOURNIÈRE: Une couverture recouverte

La couverture d’un livre, on le sait peut-être, forme, par sa division en une "première", une "tranche", et une "quatrième", la trifaciale enveloppe d’un ensemble de pages.

Or, on l’a sans doute observé, ces trois faces constituent autant de loisibles espaces d’inscription.

Avec la "première de couverture", comme d’ordinaire on l’appelle, se dispose, très fréquemment, un trio d’indications (le titre de l’ouvrage, le nom du scripteur, et le nom de l’éditeur) qu’il n’est pas rare de trouver agrémenté d’une quatrième (une illustration).

Avec la "tranche de couverture", comme on pourrait l’appeler, se redispose, très fréquemment, lesdites indications offertes sur la "première de couverture".

Avec la "quatrième de couverture", comme d’ordinaire on l’appelle, s’articule, assez fréquemment, portant sur le contenu de l’ouvrage, un commentaire d’ordre publicitaire.

La recouverte, faisons-le savoir, désigne l’illusion selon laquelle un scripteur, notamment, "au lieu d’apercevoir ce qui est inscrit sur sa page (bref ce qu’il propose à lire concrètement), hallucine ce qui se trouve dans sa tête (bref ce qu’il veut dire ou faire)"1.

Ou, si l’on aime mieux, l’on nomme recouverte, s’agissant du scripteur, la méprise selon laquelle celui-ci habille son écrit effectif d’un écrit fantasmé.

Dès lors, le titre un peu étrange offert plus haut se laisse moins mal saisir: ce dont il s’agira, dans l’étude qui en sera porteuse, c’est, voici une reproduction de sa "première"2:



d’une couverture recouverte, autrement dit, d’une livresque enveloppe dont la face première pourrait bien, car une lecture avisée par la textique sera conduite à y faire saillir de légers dysfonctionnements (notamment au niveau du titre, de l’illustration, et de la relation entre le titre et l’illustration), n’avoir pas reçu toute l’attention qu’elle méritât.

1 Citation basée sur l’article intitulé Dédoubler la recouverte par Jean Ricardou, revue Texte En Main n°5, Grenoble 1986, p. 91.
2 Tirée de l’ouvrage intitulé La traduction des jeux de mots par Jacqueline Henry, Presses Sorbonne Nouvelle, 2008.




Gilles TRONCHET: Les écrits à contrainte présentative

Certains écrits paraissent admettre diverses présentations sans qu’une telle variété perturbe ou modifie foncièrement leurs structures et leurs effets. Aussi admet-on qu’au fil des rééditions bien des proses romanesques reçoivent des mises en pages sans cesse différentes.

D’autres écrits se montrent d’emblée tributaires d’un agencement déterminé, qui, pour au moins une partie de leurs constituants, exige une disposition réglée. Aussi est-on en droit d’attendre à leur égard que toute copie défère aux normes qui régissent l’original, impliquant, à la limite, un fac-similé.

La réflexion s’efforcera, en s’appuyant sur la conceptualité qu’offre la textique, d’examiner le rôle que peuvent jouer les contraintes présentatives, selon notamment leur degré, en tâchant d’éclaircir leur impact sur l’appréhension des écrits où elles interviennent.




INVITATION

Sandra K. SIMMONS: Structures du mouvement
J’esquisse dans ma communication une approche concernant les structures de l’écrit à partir desquelles se produit du mouvement. En premier lieu, je propose que le mouvement est un paramètre qui ne se limite ni à un effet virtuel, ce qui demande une imagination active dans sa réalisation, ni au seul effet sensuel, ce qui réside dans les capacités neurobiologiques de chacun/e. Un écrit peut aussi jouer d’un mouvement actuel, qu’il soit interne ou externe à l’inscription. En second lieu, je suggère que le mouvement se fonde sur une interaction entre plusieurs éléments, par exemple le support, le médium de l’inscription et les phases programmées du mouvement. Je présenterai une matrice théorique (à refaire, évidemment, sous la loupe texticienne) illustrée et argumentée.




RÉVISION

Concepts majeurs

Au cours des séances prévues, l'on abordera, avec le souci de les faire bien saisir, et choisis dans le massif théorique Intelligibilité structurale de l'écrit, Évolution 2011, abrégé en ISE (11), les concepts suivants.

Première séance: La textique - Ecrit (schème, comparution)

Textique: discipline animée d'un double souci: d'une part, celui de concourir à une théorie unifiée des structures de l'écrit, quel soit-il, sous ses divers aspects; d'autre part, celui d'établir, conjointement, une théorie unifiée de l'activité d'écriture, quelle soit-elle, sous ses divers angles (ISE (11), UF-4.1).

Ecrit: ensemble des éléments d'un champ rendu sensible au moins par un effet différentiel (ISE (11), UF-4.5).

Schèmes: visibles zones issues d'un effet différentiel qui comparaissent dans le champ qu'elles impliquent (ISE (11), UF-14.6).

Comparution: opération universelle par laquelle, selon la schémisation, un effet différentiel impliquant un champ y fait advenir toujours, sur sa totalité, au moins deux schèmes (ISE (11), UF-14.14).

Deuxième séance: Modes (schémique, grammique, iconique, symbolique)

Mode schémique: manière d'être d'un écrit quand il est fait de simples schèmes (ISE (11), UF-14.9).

Grammes: schèmes permettant, seuls ou réunis, de produire un effet représentatif en ce que, diversement liables, par le relais de spéciales associations convenues, aux sons d'au moins une langue selon certaines suites déterminées, ils contribuent à permettre que s'ajoute, pour un récepteur envisagé, au moins une autre idée à celles qu'on peut se faire d'eux-mêmes (ISE (11), UF-15.5).

Mode grammique: manière d'être d'un écrit quand il est fait de grammes (ISE (11), UF-15.8).

Icônes: schèmes permettant, seuls ou réunis, de produire un effet représentatif en ce que, sans devoir être liés aux sons d'une langue, ils comportent, pour un récepteur envisagé, au moins un caractère déterminant de tel objet ou type d'objet distinct, concret ou abstrait, réel ou fictif, vu sous un certain angle, dit objet concerné, et dont l'idée, ainsi, s'ajoute à celles que l'on peut se faire d'eux-mêmes (ISE (11), UF-15.11).

Mode iconique: manière d'être d'un écrit quand il est fait d'icônes (ISE (11), UF-15.14).

Symboles: schèmes permettant, seuls ou réunis, de produire un effet représentatif en ce qu'ils rendent possible que s'ajoute, pour un récepteur envisagé, directement ou indirectement, par le relais au moins d'une spéciale association, reçue ou convenue, au moins une autre idée à celles que l'on peut se faire d'eux-mêmes (ISE (09), UF-7.17).

Mode symbolique: manière d'être d'un écrit quand il est fait de symboles (ISE (11), UF-15.17).

Troisième séance: Structures (morphismes, chorismes) - Régimes (représentation, métareprésentation)

Structure: toute cohérence par laquelle s'établit un ensemble (ISE (11), UF-4.26).

Paramètre: tout aspect d'une structure (ISE (11), UF-11.5).
- paramètre phanique: apparence d'un schème
- hypoparamètre morphophanique: bordement d'un schème
- paramètre chorique: situation d'un schème

Orthoreprésentation: opération par laquelle des schèmes permettent correctement que s'ajoute, pour un récepteur envisagé, au moins une autre idée à celles qu'on peut se faire d'eux-mêmes (ISE (11), UF-17.4).

Ortho(méta)représentation: opération par laquelle un écrit conduit organiquement, de façon directe ou indirecte, les "moyens", matériels notamment, qu'en son ordinaire procès celle-ci à la fois requiert et, en son conjoint effet destitutif, estompe à une restitution au-delà de l'orthoreprésentation (ISE (11), UF-12.5).

Quatrième séance: Effectuation (orthostructure, dysorthostructure) - Pratique (écriture, récriture)

Factures structurales: diverses réalisaions par lesquelles peut s'offrir une structure (ISE (11), UF-23.6).

Orthostructure: structure censée correcte en son efficience (ISE (11), UF-10.5).

Dysorthostructure: structure censée incorrecte en son efficience (ISE (11), UF-10.6).

Ecriture: enchaînement des opérations qui concourent à la venue d'un écrit dans ses diverses structures (ISE (11), UF-4.1).

Récriture: enchaînement des opérations qui concourent, à partir d'un écrit, à la venue d'un nouvel autre écrit dans ses diverses structures.

Ecrit:
ensemble des composants d'un champ rendu sensible au moins par un effet différentiel (ISE (09), UF-4.5).




ATELIER D'ÉCRITURE

Les règles du BESTIAIRE


Le travail quotidien en Atelier d'écriture se fera en deux phases sur la base d'un programme, lié à de précises considérations théoriques, mais qu'il est possible d'honorer d'une façon toute naïve, en suivant simplement, au mieux, les neuf prescriptions que voici:

Première règle: Chaque écrit, destiné à un perfectionnement collectif, et pouvant ultérieurement faire partie d'un corpus intitulé BESTIAIRE, sera établi de façon individuelle sous les relatives apparences d'un article encyclopédique ayant pour thème un animal fantastique.

Deuxième règle: Il débutera par le nom de l'animal, précédé d'un article défini, et se terminera par une mise en rapport de cet être avec un autre dont le nom, formant le dernier mot de l'ultime ligne, et l'article qui le précède seront mentionnés avec des points de suspension (en principe, dans le corpus, cette zone recevra le titre de l'écrit suivant).

Troisième règle: Il adoptera, en guise de titre, le nom de l'animal, exclusivement composé avec le plus grand nombre possible des lettres du mot BESTIAIRE.

Quatrième règle: Il choisira, pour ce nom, une combinaison de ces lettres capable de fournir approximativement un certain sens.

Cinquième règle: Il déterminera, à partir du sens ainsi produit, certains caractères majeurs de l'animal.

Sixième règle: Il se composera d'une série de neuf lignes, toutes faites de neuf mots.

Septième règle: Il manifestera au moins une fois, en les comportant à des places respectives notables, les lettres du mot de base, BESTIAIRE.

Huitième règle: Il présentera, si possible, au moins une mention capable d'assurer une désignation de certains des aspects matériels du mot de base, BESTIAIRE.

Neuvième règle: Il offrira, si possible, au moins une mention capable d'évoquer certain de ses propres aspects matériels hors ceux qu'il partage avec le mot de base, BESTIAIRE.

+++

La première phase sera consacrée, sur plusieurs séances, à la lecture et à la récriture collectives, selon une méthode stricte, d'un des écrits qu'auront composé, dans cette optique, au préalable, certains participants (pour information, précisons que l'écrit examiné, cette année, a été "La SIBARITE").

L'écrit examiné


La SIBARITE



«Sybarite: personne qui recherche les plaisirs dans
une atmosphère de luxe et de raffinement » (Petit Robert)


«Y: I grec (ainsi dit parce qu’il servait aux Latins à transcrire
le
upsilon grec) » (Petit Robert)


La sibarite est
un authentique animal voulant six barres
pour son image mais
ne sachant incorporer que trois
d’entre elles. Bien
que belle à sa façon,
elle éprouve une carence
absolue et se ressent tristement
gauche, cherchant ce qui
réussirait à la rendre adroite.
Connu depuis les anciens
idiosyncrasiques grecs qui manquaient de
ce qu’elle possède,
tout son comportement la pousse
à féconder son œuf
en visant maints plaisirs, son
rite lui intimant une
bascule spéciale vers l... ...



(le tribar)                

(J.R.)

+++

La deuxième phase, au fil des séances suivantes, sera vouée à un examen et une éventuelle recomposition de cet écrit (pour information, précisons que l'écrit recomposé, cette année, a été  "Le SIBARITE").

L'écrit recomposé


Le SIBARITE



«Sybarite: personne qui recherche les plaisirs dans
une atmosphère de luxe et de raffinement» (Petit Robert)


«Y: I grec (ainsi dit parce qu’il servait aux Latins à transcrire
le
upsilon grec)» (Petit Robert)


Le sibarite est
un autre animal rêvant six barres
pour son image mais
ne sachant incorporer que trois
d’entre elles. Bien
que beau à la lettre,
il éprouve un vide
abyssal et se ressent tristement
gauche, cherchant ce qui
réussirait à la rendre adroite.
Connu depuis les anciens
idiomes grecs qui manquaient de
ce qu’elle possède,
tout son comportement la pousse
à féconder son œuf
en visant maints plaisirs, son
rite lui intimant une
bascule spéciale vers l... ...



(le tribar)                 


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