Logo CCIC
CCIC
CENTRE CULTUREL INTERNATIONAL DE CERISY

Programme 2011 : un des colloques





Mot exact
Choix du nombre
de résultats par
page:
ETHNOTECHNOLOGIE PROSPECTIVE (2) :

APPRENDRE À L'ÈRE POST-INDUSTRIELLE

DU JEUDI 9 JUIN (19 H) AU JEUDI 16 JUIN (14 H) 2011

DIRECTION : Élie FAROULT, Thierry GAUDIN, Jacques PERRIAULT

ARGUMENT :

Le terme "ethnotechnologie" désigne, à l'origine, l'étude des interactions entre techniques, technologies et société. Elle partage certains intérêts avec le domaine "sciences, techniques, société" et avec la médiologie, qui étudie les effets symboliques des techniques. La notion d'empreinte de la technique, introduire dès 1984, suggère que la pratique des techniques provoque des apprentissages induits.

Dans le cadre d'un changement de paradigme qui traduit le passage d'une civilisation industrielle vers une communauté du vivant, la question de la relation entre techniques et société, objet de l'ethnotechnologie, est capitale pour comprendre et anticiper les évolutions récentes de nos sociétés. Le choix alternatif entre l'acceptation des techniques résolvant tous les problèmes socio-économiques et le refus des techniques considérées comme "nécrophages" est bien trop schématique. C’est par un approfondissement des relations qui relient ces deux domaines et par une vision prospective à long terme que l'on envisage de poser la question d’une manière ouverte, internationale et coopérative.

Alors qu'un premier colloque, en 2009 (publié sous le titre L'empreinte de la technique. Ethnotechnologie prospective, L'Harmattan, 2010), a exploré différents domaines (la mesure, la santé, l’agriculture, les villes, la culture des TIC), celui-ci sera centré plus particulièrement sur l’apprendre: comment apprend-on, individuellement et collectivement? Comment préparer les nouvelles générations aux civilisations futures? Quelles relations entre apprendre, innover et développer? Quels sont, à cet égard, les enseignements que l'on peut tirer des neurosciences, de la biologie, des technologies de l’information et de la communication?

Quelles actions peut-on mettre en place? Quelles thématiques sont les plus fédératrices? Quels nouveaux partenaires ou réseaux sociaux faut-il mobiliser ou contacter? Comment fédérer les réseaux de l’enseignement supérieur engagés dans une révision des curricula et des modes pédagogiques ou des dispositifs d’enseignement et de recherche? Comment établir des partenariats entre enseignement formel et enseignement informel? Selon quel agenda? Quelles nouvelles échéances ou événements faut-il retenir pour élargir le cercle? Quelle construction de dispositifs sociaux pour susciter, accompagner et stimuler les transformations nécessaires dans le monde de l’enseignement et de la formation?

CALENDRIER DÉFINITIF :

Jeudi 9 juin
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Vendredi 10 juin
Matin:
Ouverture, par Élie FAROULT, Thierry GAUDIN & Jacques PERRIAULT

Aujourd'hui, à l'ère post-industrielle, qu'est-ce qui marque le processus d'apprentissage? (animateur: Thierry GAUDIN)
Jean-Pol TASSIN: Neurosciences et éducation
Armand HATCHUEL: Quel régime de conception pour les techniques de demain?

Après-midi:
Juliette GRANGE: Sciences et croyances dans l'ère post-industrielle
Thierry GAUDIN: Les enseignements de la socianalyse et son rôle dans la construction de l'ethnotechnologie


Samedi 11 juin
Matin:
Aujourd'hui, à l'ère post-industrielle, qu'est-ce qui marque le processus d'apprentissage? (animateur: Thierry GAUDIN)
Jean-Éric AUBERT: Présupposés ethnologiques de l'apprentissage et de l'innovation
Vincent BONTEMS: Individuation et progrès des techniques

Après-midi:
Apprendre, enseigner: les pratiques (animateur: Élie FAROULT)
Francis DANVERS: Apprendre à devenir: utopie d'une société de l'apprenance?
Marie-Ange COTTERET: Métrologie et mesure, entre science et conscience
Richard PÉTRIS: Une "école de la paix" ou construire la paix par l'éducation

Soirée:
Georges AMAR: L'hypothèse poétique


Dimanche 12 juin
Matin:
Apprendre, enseigner: les pratiques (animateur: Élie FAROULT)
Anne QUERRIEN: La place de l'autre dans les relations d'apprentissage
Josée LANDRIEU: Enseigner ce qui n'est plus stabilisé. Une pratique d’enseignement en économie du développement et des territoires
Lionel LARQUÉ: Enseignement formel / enseignement informel: le cas des petits débrouillards

Après-midi:
Apprendre à l'ère post-industrielle (animateur: Thierry GAUDIN)
Jean-Pierre ARCHAMBAULT (Un classique, étrange et discret paradoxe) & Richard STALLMAN (L'Ecole doit utiliser le logiciel libre)
Dominique LACROIX: Apprentissage collaboratif en ligne dans une communauté de développeurs informatique
Marc TIREL: Comment les internautes apprennent? Le cas de Twitter

Soirée:
Clarisse HERRENSCHMIDT: Les trois écritures et l'enseignement


Lundi 13 juin
Matin:
Apprendre, enseigner: les pratiques (animateur: Élie FAROULT)
Apprendre ou apprendre à être? Apprendre pour changer la société
Claude ROCHE: Où va l’apprentissage des sciences? Réflexions à partir d’une expérience récente
Bruno MATTÉI: École, changer de cap
Élie FAROULT: Universités-apprentissages et ethnotechnologie: défis et perspectives de réforme

Après-midi:
DÉTENTE


Mardi 14 juin
Évolutions et mutations de la construction et de la diffusion des savoirs (animateur: Jacques PERRIAULT)
Matin:
Jacques PERRIAULT: Nouveaux savoirs, nouvelles pratiques, nouveaux dispositifs
Bernard BLANDIN: Vers une économie de l'apprendre?

Après-midi:
Michel ARNAUD: Démocratie et numérique: apprendre à être "ondoyant et divers"
Geneviève JACQUINOT-DELAUNAY: L'école: scénarios du futur?

Soirée:
Annie FOUQUET: La lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaire


Mercredi 15 juin
Évolutions et mutations de la construction et de la diffusion des savoirs (animateur: Jacques PERRIAULT)
Matin:
André MALICOT: Apprendre chez les Compagnons du devoir
Jacqueline SAINT-RAYMOND ELOI: Réseaux d’échanges réciproques de savoirs (R.E.R.S.) et ethnotechnologie: et la réciprocité formatrice dans tout ça?

Après-midi:
Jean-Hugues BARTHÉLÉMY: Institutions de programmes, industries de programmes et technologies relationnelles: un défi éducationnel
Anne-Marie BOUTIN: La méthodologie du design peut-elle aider à repenser les systèmes et les méthodes pédagogiques?


Jeudi 16 juin
Matin:
Synthèse centrée sur les suites à donner à cette rencontre, animée par Sylvain ALLEMAND

Après-midi:
DÉPARTS

RÉSUMÉS :

Georges AMAR: L'hypothèse poétique
Le mot technique est devenu dur... Personne ne veut jeter le bébé avec l’eau du bain, mais il est difficile de rester optimiste (j’écris ces mots le 15 mars: 3 réacteurs ont déjà flambé à Fukushima). Notre vision de la technique oscille entre bénédiction et malédiction... Aurions-nous oublié quelque chose d’essentiel quant à la nature de cette "diction"?
La poésie est un dict, savant et savoureux, technique et riche en monde, qui a quelque chose à dire et le dit, "intégralement et dans tous les sens". La poésie, poésie généralisée comme disait Roger Caillois, conserve-t-elle l’écho, la trace vive d’un régime de non-séparation des techniques, entre elles, et avec la société humaine? Il ne s’agit pas de nostalgie mais de la réminiscence prospective, si l’on peut dire, d’une stratégie: il a toujours fallu à l’esprit aventurier fréquenter la strate (poétique) où communiquent les savoirs que leur spécialisation sépare.
Le "système technique" société-monde où nous vivons, largement déterminé par la technoscience contemporaine, est en crise. Opportunité et urgence d’un profond ressourcement, en remontant au champ général: le Savoir et le Faire humains et toutes leurs interactions. Opportunité et urgence de resituer notre système technique dans le fonds qui est le sien, le baigne et le précède, à la source de sa création continue, cette substance-souche de tout génie humain qui a pour nom: Poétique.

Jean-Pierre ARCHAMBAULT: Un classique, étrange et discret paradoxe
Le 17 janvier 2008, Gérard Berry intitule sa leçon inaugurale au Collège de France: "Pourquoi et comment le monde devient numérique". L'informatisation ne supprime pas l'industrie mécanisée, elle l'informatise. Loi Hadopi, neutralité du Net, nouveaux modèles économiques, logiciels libres... les débats sociétaux sur le numérique se multiplient. En 2009, le groupe mathématiques-informatique du SNRI (Stratégie Nationale Recherche et Innovation) fait le constat d’un "niveau non optimal en informatique des ingénieurs et chercheurs non informaticiens". Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet ont invité à changer "notre manière de penser", un certain nombre de "nos réflexes collectifs fondés sur une économie essentiellement industrielle".
Il y a donc un enjeu fort de culture générale, de culture générale scolaire pour tous. Il s'agit de donner des savoirs et savoir-faire indispensables dans la société du XXIe siècle. Comment faire? On parle beaucoup du numérique à l'École mais avec une certaine confusion sur les divers statuts éducatifs de l'informatique. Depuis 30 ans, le cheminement d'une discipline scolaire informatique est chaotique. Lors des débats sur le nucléaire, le citoyen peut s'appuyer sur ses connaissances acquises dans son cours de physique (idem pour les OGM et le cours de SVT). Mais il n'en va pas encore ainsi pour l'informatique (suite à des actions menées une option a été (re)créée en Terminale S pour la rentrée 2012: une décision bienvenue). Des disciplines spécifiques sont pourtant la modalité éducative institutionnelle pour donner à tous une culture générale correspondant aux nécessités de toute époque. Curieusement, cette évidence peine à investir le champ de la réflexion collective, comme si la question ne devait pas être posée. Mais il s'agit là d'un phénomène paradoxal très classique.

Michel ARNAUD: Démocratie et numérique: apprendre à être "ondoyant et divers"
Confrontée à un traçage généralisé tant des pouvoirs publics que des entreprises pratiquant le marketing direct et la cybersurveillance des salariés, la personne voit sa marge de manœuvre réduite du fait de la prédicabilité statistique de ses comportements. De plus les algorithmes informatiques extraient les informations du Web et organisent les connaissances qui sont proposées, par exemple dans les réseaux sociaux, au risque de décourager les personnes à refaire le même cheminement et les amènent à accepter une relation de consommation de ces connaissances qui, parce qu’externalisées,sont de moins en moins assimilées. L’ordinateur accapare non seulement la mémoire collective et individuelle mais encore les processus de construction des connaissances. Que faire? Comment éviter que la personne n’adhère à l’image qui lui est proposée d’elle-même? Comment garantir une marge de liberté indispensable à l’estime de soi? Si la motivation d’apprendre peut être liée à une amélioration des conditions socio-professionnelles, il se pourrait qu’elle tende à inclure aussi comme moteur l’affirmation de soi, non dans une unidimensionalité, mais dans la pluralité des identités à gérer pour se ménager des échappatoires.

Jean-Hugues BARTHÉLÉMY: Institutions de programmes, industries de programmes et technologies relationnelles: un défi éducationnel
On nomme "institutions de programmes" les institutions qui, comme l’École, définissent des programmes de formation, tandis que les "industries de programmes" sont ce qu’Adorno et Horkheimer nommaient les "industries culturelles" (Kulturindustrie), telle la télévision. Or, si l’on sait désormais dénoncer la concurrence déloyale que font peser les secondes sur les premières, et les nuisances ainsi produites relativement au désir d’apprendre et à la capacité d’attention des nouvelles générations, on sait sans doute moins envisager que les nouvelles "technologies relationnelles" comme internet, au lieu d’aggraver encore la situation tant dénoncée depuis dix ans par les enseignants, peuvent devenir la solution au problème. Pourtant, comme le montre Bernard Stiegler, le "poison" technologique est aussi le remède. Telle est la "pharmacologie de l’esprit" requise par le défi éducationnel tout à fait inédit auquel les enseignants, de manière unanime, disent devoir faire face. Et cette pharmacologie appelle également une "culture technique" dont Simondon avait commencé de théoriser l’élaboration pour la future École.

Bernard BLANDIN: Vers une économie de l'apprendre?
En introduction, l’auteur positionne son propos par rapport aux théories de l’économie de l’éducation, qui se réfèrent généralement à la théorie du capital humain. Il propose une approche fondée non sur des modèles de retour sur investissement, mais sur des modèles d’efficience des apprentissages appuyés sur les sciences de l’éducation. Il démontre d’abord la faillite du modèle industriel de l’éducation à distance qui a servi pendant près de quarante ans de modèle d’efficience, du fait de la nécessité du tutorat qui réintroduit des coûts variables. Il étudie ensuite l’efficience de diverses modalités pédagogiques à partir de méta-analyses d’études comparatives (Problem-Based Learning, e-Learning), de travaux de recherches (simulations) ou d’études historiques (enseignement mutuel). Il en tire quelques éléments en faveur d’une "économie de l’apprendre" qui met l’efficience des situations pédagogiques au cœur du modèle économique, et dont il appelle de ses vœux le développement.

Anne-Marie BOUTIN: La méthodologie du design peut-elle aider à repenser les systèmes et les méthodes pédagogiques?
L’accent est généralement mis sur la capacité créative du design et son aptitude à aborder les problèmes avec une démarche holistique associant aux composantes rationnelles de la décision, celles de l’intuition et de l’émotion. Ces caractéristiques ne suffisent pas à expliquer la pertinence de la démarche du design pour aborder la complexité d’une société où:
- La réalité ne peut plus être appréhendée par la simple juxtaposition de connaissances ou de méthodologies liées à des disciplines qui par ailleurs se périment vite. Car elle est de plus en plus complexe et changeante et les systèmes qui la composent interagissent tous entre eux;
- Les processus de décision se modifient. Aux processus "descendants" se superposent et parfois se substituent des processus "ascendants". L'innovation centrée sur l'utilisateur complète ou remplace l'innovation centrée sur la recherche et la technologie;
- À la culture de territoires dont le maître mot est la protection, se substitue la culture de réseaux plus soucieuse de diffusion;
- Les utilisateurs souhaitent être de véritables acteurs du processus (et pas seulement des objets d'études, d'observation et de statistique) mais ne peuvent se substituer pour autant aux acteurs fonctionnels "naturels". Leurs modes d’appropriation relèvent de plus en plus souvent de l"expérience vécue" quelle qu’en soit la forme (immatérielle, artistique, intellectuelle, physique).
Cette pertinence tient en trois mots clefs:
Inversion du regard: en adoptant le regard de l’utilisateur, le design contribue à inverser le regard sur le processus d’innovation et peut inverser le processus lui-même: une innovation issue de l’utilisateur peut ainsi susciter des recherches;
Transdisciplinarité: le cœur de la compétence du designer est sa capacité de représentation et de visualisation des idées et des concepts, qui les rend immédiatement communicables au delà des connaissances, des cultures, des langues. Il traverse ainsi les disciplines, les méthodologies et les cultures ce qui en fait un catalyseur unique dans les processus de création en équipes pluridisciplinaires;
Expérience: ce talent de représentation s’applique à la conception avec les acteurs de scénarios: scénarios d’usage et  scénarios de vie qu’il déroule en autant d’expériences uniques.
Ces caractéristiques en font un outil extrêmement efficace pour repenser systèmes et structures avec ceux qui en sont les acteurs dans des démarches de projet pédagogiques.

Marie-Ange COTTERET: Métrologie et mesure, entre science et conscience
Posons l'hypothèse que la "métrologie est un jeu social pacificateur qui remplace le pillage par l'échange". Cette hypothèse inédite suppose de transformer le regard porté sur les pratiques métrologiques millénaires pour en appeler à de nouvelles lumières pour accéder à notre métrologie actuelle et à sa place symbolique et réelle dans notre monde. De la métrologie naît une part de la justice. Mettre de l'ordre et respecter des codes et des usages communs, c'est chercher à s'entendre au lieu de s'entretuer pour acquérir un gain, un bien, un objet symbolique ou précieux. Autrement dit, la métrologie devenant un cadre où la reconnaissance tient lieu de pacte de non agression. Se reconnaître, connaître et partager également des connaissances, des procédés, des processus de mesure et des calculs d'incertitude nous concernent tous. La mondialisation scientifique et technique, informationnelle et économique à l'échelle de la planète et la construction par exemple de nouveaux indicateurs humains et écologiques sont autant de pistes d'apprentissage nécessaires dans notre société en devenir.

Francis DANVERS: Apprendre à devenir: utopie d'une société de l'apprenance?
L'exposé proposera un cheminement à parti rde certains mots-clefs: Accompagnement (posture professionnelle de l'...); Acquis (validation et valorisation); Apprentissage (théories de l'...); Apprendre (désir et liberté d'); Biopouvoir; Communication; Compétences (paradigme des...); Complexité (épistémologie de la...); Créativité; Education (non formelle, formelle, informelle); Expérience (retour d'); Entreprendre (projet d'); Homme neuronal; Information (technologies de l'...); Interactions (Sciences et Sociétés); Interdisciplinarité; Motivation (à apprendre...); Mutations (territoriales); Orientation pro-active;  Prospective (histoire de la...); Reconnaissance (parcours de la ...); Réflexivité; Savoirs (mutations des); Sérendipité;  Utopies éducatives.

Thierry GAUDIN: Les enseignements de la socianalyse et son rôle dans la construction de l'ethnotechnologie
L’ethnotechnologie a eu des racines multiples liées aux personnalités qui ont fondé ce nouveau champ de recherche dans les années 70. L’ethnologie d’abord, avec Robert Jaulin qui s’interrogeait sur le rapport des civilisations à la technique; le monde de la technologie et de la science avec Philippe Roqueplo et la politique d’innovation pour la manière de faire évoluer la perméabilité des institutions aux évolutions de la technologie, Jacques Perriault enfin qui s’interrogeait déjà sur l’usage des nouvelles technologies dans un monde en mutation. Parmi ces différentes racines, l’approche institutionnelle s’est appuyée sur un outil en développement à l’époque, la socianalyse. Introduite en 1956 par Jacques et Maria Van Bockstaele, la socianalyse est à la fois une branche de la sociologie d’intervention, une théorie des rapports sociaux et une technique d'intervention, dite "tâche canonique", applicable au traitement d’une situation pragmatique particulière.
Pour ses initiateurs, la théorie socianalytique repose sur le concept "imaginer-coopter" et vise à interpréter la dynamique de l’action sociale. Cette optique donne de la socianalyse une image qui tient au lien objet/technique lequel, à l'exemple des sciences dures, relie l'objet conceptuellement visé à la technique mise en œuvre. Ce nouveau courant dans une approche intégrative tentait de relier les apports, entre autres, de la psychanalyse qui, dès les travaux de Freud, avaient posé la question du social, ceux de la psychosociologie, du psychodrame et de la psychothérapie de groupe (Kurt Lewin et Jacob Moreno) et ceux du courant critique de Gregory Bateson et Eric Berne qui donnaient naissance à l’analyse transactionnelle. La socianalyse dépasse le niveau familial et la thérapie. Elle vise à induire des changements sociétaux, au moyen d’un travail d’analyse étagée concernant, au-delà des psychismes individuels, les jeux de rôle que les acteurs assument. Son fonctionnement s’appuie sur un processus d’imagination-cooptation. Les enseignements de la socianalyse ont fondé une pratique dans différentes configurations: ils ont inspiré successivement les politiques d’innovation, l’ethnotechnologie et la construction d’une recherche prospective. Que dire de sa légitimité et de son efficacité?

Geneviève JACQUINOT-DELAUNAY: L'école: scénarios du futur?
Les futurs de l‘éducation sont toujours lointains: non seulement parce que l’éducation est un long processus, mais aussi parce que les changements — malgré la créativité de nombreux innovateurs — y sont toujours lents et difficiles, et que les politiques ont du mal à se saisir des problèmes que pose ce que l’on appelle improprement la "crise" de l’école.  Commençons par débusquer les angles morts, les impensés de l’école d’aujourd’hui et à dresser le tableau des grands changements sociaux — et pas seulement technologiques, fussent-ils ethnotechnologiques — qui conditionnent l’élaboration d’un nouveau modèle de l’école du XXIe siècle. Après le diagnostic, voici les propositions: nous fondant à la fois sur l’histoire des innovations en éducation, sur les rapports récents relatifs aux divers niveaux et secteurs d’enseignement et sur les recherches au croisement des sciences de l’éducation et des sciences de l’information et de la communication, on dégagera les grandes tendances à l'œuvre dans l’élaboration dudit modèle. Entre la nostalgie de l’école de la République (Finkelkraut) et l’utopie de la société sans école (Illich), il y a place pour des modèles alternatifs en émergence.

Josée LANDRIEU: Enseigner ce qui n'est plus stabilisé. Une pratique d’enseignement en économie du développement et des territoires
Des savoirs que l’on dit "ordinaires" se manifestent de plus en plus dans l’espace public. Fondés sur la reconnaissance plus que sur la connaissance, sur des valeurs de dignité, de justice, de vie, ils embrassent d’emblée une vision globale qui transverse les disciplines et est éminemment concrète, enracinée dans le quotidien. Ils contestent la vérité docte, en réfutent la validité scientifique, ils s’attaquent au pouvoir de la communauté des économistes. Le monopole que ceux-ci avaient sur la production des savoirs semble ainsi s’affaiblir entraînant une  perte de crédibilité de la discipline.
Les moyens dont disposent les économistes pour assurer leur pouvoir, même s’ils sont toujours très conséquents, se révèlent moins performants que les outils dont dispose l’intelligence populaire. Internet, Facebook, Twitter, font la preuve de leur capacité à mettre en relation les savoirs, les expériences, les énergies. Ce sont des lieux où souffle un vent de reconnaissance ravageur pour les autorités, des lieux de contre-pouvoir extrêmement actifs.
Après une première partie explicitant les raisons et les manifestations d’une déstabilisation de la discipline, une seconde partie présentera concrètement une pratique d’enseignement en économie des territoires et du développement qui questionne la validité et la pertinence des théories et des modèles et prépare les étudiants à se frayer un chemin dans la mouvance des savoirs actuels, avec l’objectif de les aider à prendre part active dans l’élaboration d’une nouvelle économie.

Lionel LARQUÉ: Enseignement formel / enseignement informel: le cas des petits débrouillards
Depuis le milieu des années 1990, et ce de façon concomitante en France et en Allemagne, mais de facto dans de nombreux pays dits développés, nous observons une baisse des stratégies d'orientation des élèves, lycéens et étudiants dans les filières scientifiques et techniques. Cette baisse a fait l'objet d'une littérature abondante, peu scientifique, souvent sous forme "d'essais", de points de vue, la plupart du temps écrits par des personnalités du monde scientifique, puis, dans un second temps, du monde politique. Or, à y regarder de plus près, on constate que les acteurs-clés qui ont participé de la construction de cette peur du "désintérêt des jeunes pour les carrières scientifiques" sont loin d'être neutres et rationnels au sens d'une raison éclairée par des données ou des analyses robustes. Il convient donc de revenir sur cette période 1995/2010 pour décrypter les éléments suivants:
- en quoi le "discours sur la jeunesse" qui sous-tend l'essentiel des argumentaires des tenants d'un "désintérêt des jeunes pour les carrières scientifiques" est -il  contestable? En quoi charrie-t-il une vision éculée et somme toute assez réactionnaire de "la" jeunesse? En quoi une lecture critique de ce discours permet-il de resituer les enjeux du débat en termes socio-politiques et socio-économiques;
- affiner la lecture des stratégies d'orientation des jeunes et de leurs familles en les connectant, non à une vision d'une "jeunesse qui n'aurait plus le goût de l'effort", mais à l'évolution du marché du travail, des métiers valorisés, des métiers "d'élite", données qui influencent de façon perceptible les choix des jeunes générations;
- en quoi les paramètres psycho-sociaux influent, de façon notable, sur la dépréciation de soi? En quoi jouent-ils sur la façon dont les jeunes se projettent ou non dans leur propre avenir;
- connecté à ce sujet, en quoi le rapport aux savoirs que génèrent les institutions d'éducation formelle (au premier rang desquelles l'Éducation nationale et les institutions de l'Enseignement supérieur) est contradictoire avec des ambitions affichées d'élargir le spectre sociologique des futurs "candidats" aux métiers des sciences et techiques;
- enfin, on constate qu'une littérature abondante, surtout institutionnelle, a diffusé l'idée qu'une réforme massive du type d'enseignement des sciences (expérimentale, hypothético-déductive...) ou, pour être plus précis, des "key science" (celles qui comptent en termes de puissance), favoriserait les choix des jeunes générations en direction des métiers scientifiques et techniques. Nous pensons que cette argumentation ne tient pas, que la logique pédagogique apporte une très bonne réponse à une autre question: celle d'un autre rapport à la connaissance, à une meilleure appropriation de son environnement direct. Les tautologies des raisonnements que nous critiquerons nous amèneront donc à postuler d'autres choix socio-économiques, bien plus déterminants, pour questionner le rapport des jeunes générations aux carrières en question. S'il s'agit de susciter des stratégies institutionnelles visant à mobiliser, motiver, fédérer et former des jeunes générations dans le cadre des métiers des sciences et techniques, il importe donc de mieux savoir à quelles questions nous souhaitons apporter des réponses. C'est donc à une lecture critique de ces discours, sur la base de quelques rares analyses chiffrées, que nous inviterons les participants à réfléchir.

Jacques PERRIAULT: Nouveaux savoirs, nouvelles pratiques, nouveaux dispositifs
Il est bien difficile d’augurer de l’avenir des modes d’apprentissage et de leurs cadres institutionnels. Nous savons seulement que la toile de fond (Simondon) en sera l’incertitude généralisée, que les modes d’apprentissage seront variés (behavioristes, cognitifs, constructivistes, connexionnistes, mixtes à la façon de Bandura) et que l’enjeu le plus important sera de savoir vivre ensemble, telle est en tout cas la base de mes réflexions sur le sujet. Dans la troisième partie du colloque, nous aborderons certaines — hélas, pas toutes ! — des thématiques suivantes:
- la dimension cognitive et sociale de l’apprentissage. Ici interviennent des questions telles que la gestion du temps de formation (stress, émiettement, traitement de l’information en parallèle), la construction des compétences (sociales, cognitives), de nouvelles formes d’acquisition (scanning, sampling) du savoir, de nouvelles façons d’enseigner des sujets actuels et futurs tels que le traitement de l’information, les nanotechnologies, les risques climatique et nucléaire, enfin l’importance croissante de la construction collective des savoirs. Nous regarderons aussi l’impact des techniques de cognition augmentée, On examinera les politiques de prévention de l’absentéisme et du décrochage scolaire;
- la formation aux sciences. La science d’aujourd’hui est essentiellement constituée de controverses; aussi apprendre des notions et des théories ne suffit plus, il y a lieu d’y ajouter les principes de  communication qui permettent de comprendre l’évolution incessante des savoirs. L’information scientifique et technique se heurte à des difficultés de plus en plus grandes; on commence à considérer l’Art comme un vecteur qui permet non pas d’enseigner des théories mais de mettre les spectateurs dans l’état d’esprit qui permet de s’en approcher;
- les modèles innovants. Au niveau local, de nombreuses initiatives devraient retenir l’attention, les écoles de la deuxième chance (La Courneuve, Meurthe et Moselle, Marseille), par exemple. Au niveau global, d’une part: la compréhension d’autres systèmes de pensée, le système chinois notamment, sont une condition nécessaire pour suivre et gérer la mondialisation. D’autre part, la montée de pratiques démocratiques (délibération notamment et participation des usagers) à la construction de régulations sociotechniques: normes et standards pour l’accès au savoir en ligne, évaluation des politiques publiques de formation, par exemple;
- l’industrie de la connaissance: son interaction avec le savoir proprement dit et avec les intéressés.

Richard PÉTRIS: Une "école de la paix" ou construire la paix par l'éducation
À bien y réfléchir, est-il raisonnable d’attendre d’un effort spécifique d’éducation, d’une éducation se fixant clairement cet objectif, qu’il puisse contribuer concrètement à la construction de la paix; qu’on soit capable d’apporter une réponse véritable à ce défi de l’espèce humaine que sont l’organisation du "vivre-ensemble" et la recherche de l’harmonie dans la vie des hommes et des sociétés? Si beaucoup considèrent que l’état pacifique ne peut qu’être imposé à ceux-ci, des expériences sont tentées pour tirer des leçons des conflits passés et en cours afin d’y remédier, voire de prévenir de nouvelles violences en développant à la fois des connaissances et des compétences en la matière. Dans le cadre de ce colloque sur "l’apprendre", y compris en croisant notre réflexion avec celle qui consiste à reconnaître dans la science de la mesure une aide à l’établissement de la justice, par conséquent de meilleures relations entre les hommes, peut-on évaluer la validité de l’espoir qui fait vivre l’École de la paix de Grenoble?

Anne QUERRIEN: La place de l'autre dans les relations d'apprentissage
Une question inspirée par l’expérience psychanalytique: l’altérité, en constitue le moteur quand bien même sujet et objet de la recherche, de l’apprentissage, se confondent. L’école devient efficace, capable de toucher le plus grand nombre, le jour où elle devient collective. La présence d’un grand nombre d’élèves face aux maîtres n’est plus considérée comme une gêne mais articulée comme un atout dans une forme pédagogique nouvelle. À condition d’instituer fortement la figure de l’Autre. Avec l’école mutuelle, c’est un mouvement collectif vers le savoir qu’on entend organiser, en tablant sur les différences de connaissance entre les uns et les autres, et l’Autre devient la connaissance elle-même. L’agencement de la figure de l’autre dans l’espace de l’école "normale", dans les technologies éducatives commerciales, dans les jeux pédagogiques, recentre le sujet sur soi et bride les apprentissages, après l’avoir soutenu. Quelles installations de situations d’apprentissage pourraient embrayer sur les multiples dimensions sensibles et abstraites co-présentes?

Claude ROCHE: Où va l’apprentissage des sciences? Réflexions à partir d’une expérience récente
Les récentes réformes de la recherche et de l’enseignement supérieur laissent peu de doute sur la logique de fond: celle d’une interpénétration croissante entre la logique économique et celle de la formation supérieure.
Quelles en sont les conséquences sur le contenu de ce qui est enseigné? N’y a-t-il pas un risque que l’université perde se référence à l’universalité du savoir et à son objectivé?
Dans cette conférence, et plutôt qu’une nouvelle discussion a priori sur ces questions, on partira d’une expérience de "clusterisation" menée par les écoles d’ingénieurs de l’IPL (I. C.LILLE). Après avoir noté sa représentativité, on s’appuiera sur le bilan tiré par l’équipe enseignante et effectué dans le cadre d’une recherche souhaitée par l’IPL. On mettra l’accent sur trois points qui signalent une rupture dans le contenu de la formation par rapport à la tradition bi-séculaire de l’enseignement scientifique:
- Une rupture de nature philosophique dans le contenu scientifique;
- Un déplacement de la posture des enseignants, vers le soutien plutôt que vers la transmission directe;
- Une attitude de scepticisme vis-à-vis de la science de la part des futurs ingénieurs.
On s’interrogera alors sur la portée de cette évolution, laquelle nous semble toucher aux bases historiques de l’École dans notre pays, mais aussi à celles d’un système politique né avec les Lumières.

Jacqueline SAINT-RAYMOND ELOI: Réseaux d’échanges réciproques de savoirs (R.E.R.S.) et ethnotechnologie: et la réciprocité formatrice dans tout ça?
Les savoirs, biens communs de nos sociétés (ainsi que  nos communaux d’autrefois), s’échangent dans nos R.E.R.S. Porteurs de fortes valeurs éthiques, pédagogiques et sociales, les R.E.R.S. sont une véritable action de formation et de promotion des personnes qui s’appliquent à elles-mêmes le principe de la réciprocité ouverte: réciprocité formatrice, auto-formatrice, éco-formatrice, réciprocité des réseaux sociaux, réciprocité en action... Comment réseaux d’échanges réciproques de savoirs (qui misent sur la relation en présence) et réseaux à distance peuvent-ils s’enrichir, se compléter? Comment les offreurs et demandeurs de savoirs de nos R.E.R.S., peuvent-ils davantage devenir acteurs citoyens de leur démarches par et dans l’utilisation des nouvelles technologies d’information plutôt que consommateurs ne maîtrisant ni les tenants ni les aboutissants de celles-ci?

Marc TIREL: Comment les internautes apprennent? Le cas de Twitter
Depuis 2005, avec l'arrivée d'une nouvelle génération d'outils et de services web, les usages et comportements de nombreux internautes se sont sensiblement modifiés. En tant qu'usager de nombre de ces services et en analysant dans le détail l'un d'entre-eux, "Twitter", je tenterai de discerner, formaliser et de comprendre les émergences en cours. Celles-ci concernent aussi bien l'individu et sa capacité à se comporter, à être et à apprendre différemment que les relations inter-personnelles et les nouvelles formes de l’apprendre ensemble.
La démarche sociologique d'analyse des réseaux sociaux est d'ailleurs l'objet d'un regain d'intérêt sous le déferlement des "Facebook" et autres consorts... Au-delà de ces émergences, la rapidité et l'accélération continue des phénomènes en cours posent de nombreuses questions dans différents registres: capacités d'adaptation tant individuelles que collectives, formes d'organisation et institutions, transformation des valeurs, responsabilités et possibles à créer. Mais aussi: qu’est-ce qu’apprendre? Et que devient-il fondamental d’apprendre? Ces réflexions et questionnements permettront, je l'espère, à certains d'aller expérimenter et à d'autres d'aller au-delà des certitudes et des lieux communs.

Avec le soutien
de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme