CCIC
Centre Culturel International de Cerisy

Association des Amis de Pontigny-Cerisy

Août - Septembre 2017

ÉDITORIAL DE LA DIRECTRICE

Chers amis,

La saison 2017 s’achève ces jours-ci avec le colloque Le pouvoir des liens faibles. D’une densité et d’une qualité exceptionnelles quant aux sujets débattus, elle a connu dans l’ensemble de fortes audiences (plus de 1200 participants) avec une belle variété d’auditeurs. Selon la coutume, un compte rendu intégral des activités sera adressé en décembre aux membres de l’Association des Amis de Pontigny-Cerisy. De surcroît, Il est possible de consulter, voire d’enrichir, les pages "événements" dédiées à chaque colloque sur Facebook (@CerisyColloques). On peut aussi, comme les années précédentes, écouter un florilège de conférences sur la Forge Numérique de la MRSH de l’Université de Caen et sur France Culture. Vous pourrez ainsi vous faire quelque idée des discussions qui, durant l’été, ont animé le château normand.

Cette lettre aborde un sujet principal : la démarche engagée en 2014 pour renouveler le dialogue intellectuel franco-allemand (sous le titre Berlin à Cerisy, Cerisy à Berlin), à laquelle, dans un contexte politique plus favorable, en France, à une Europe en mouvement, nous voulons donner un nouvel élan. C’est Laurence Decréau qui, à l’occasion du colloque Peter Handke — qui a notamment permis d’écouter de célèbres comédiens (Bruno Ganz, André Marcon et Sophie Semin) lire, en présence de l’écrivain, quelques-unes de ses œuvres — a conduit plusieurs entretiens. Ainsi Wolfgang Asholt (qui porte cette réflexion au sein de notre Conseil), Patricia Oster-Stierle (présidente de l’Université franco-allemande de Sarrebruck) et son assistante Hannah Steurer (venue étudiante à Cerisy en 2015) ainsi que Henning Marmulla (Institut Pierre Werner à Luxembourg) ont présenté leurs analyses de la situation et suggéré quelques pistes de coopération afin de donner plus d’ampleur à cet axe stratégique pour Cerisy.
Colloque Peter Handke
Peter Handke : analyse du temps
De gauche à droite : André Marcon, Ingrid Gilcher-Holtey, Patricia Oster-Stierle, Edith Heurgon, Karlheinz Stierle,
Sophie Semin, Peter Handke, Mireille Calle-Gruber, Raimund Fellinger, Bruno Ganz.

S’agissant des questions portant sur les sociétés contemporaines — et alors que de jeunes participants avaient évoqué, dans notre précédente lettre, les rencontres dédiées à la Misère (avec ATD Quart Monde) et au Travail (avec le BIT), citons deux colloques au carrefour de la géographie et de la philosophie : le premier, Carte d’identités. L’espace au singulier, initié par quatre géographes (Yann Calbérac, Olivier Lazzarotti, Jacques Lévy, Michel Lussault), auquel Sylvain Allemand a consacré une synthèse intitulée Vive les géographes kinésphéro-cerisyens ! ; le second, La mésologie, « science des milieux » développée par le géographe et philosophe Augustin Berque, avec lequel Sylvain Allemand s’est aussi entretenu (Là, sur les bords du Rabec) et dont, le 6 septembre, on a fêté les 75 ans — ainsi que les 42 ans de Yoann Moreau —, en dévoilant sur la terrasse nord du château une installation en bois réalisée par Didier Rousseau-Navarre. Ce Point d’exclamation mésologique !aissera désormais sa trace à Cerisy.

Carte d'identités. L'espace au singulier
Colloque Carte d'identités
J. Lévy, M. Lussault, Y. Calbérac, O. Lazzarotti
Colloque Carte d'identités
La kinesphère

La mésologie, un autre paradigme pour l'anthropocène ? (autour d’Augustin Berque)

Colloque Mesologie
Y. Moreau et A. Berque
Colloque Mesologie
Groupe au moment du dévoilement de la dédicace

S’agissant des liens avec le voisinage normand, plusieurs temps forts peuvent être signalés : après la séance publique à la médiathèque de Saint-Lô avec François Bon lors du colloque Des humanités numériques littéraires ?, on peut citer, pour la rencontre Simone Weil, le concert de luth proposé par les Amis de la cathédrale à la chapelle, récemment rénovée, de l’hôpital de Coutances ; puis, la belle promenade dans le Nord Cotentin du colloque Jacques Prévert pour visiter la maison de l’écrivain et le jardin Hommage, entrecoupée d’un pique-nique auprès de la statue (très controversée...) à laquelle les participants ont témoigné toute leur sympathie. Mais ce sont surtout, après la parution d’un magnifique ouvrage réalisé par Pierre Bouet sur Le devenir des églises normandes (colloque 2015, voir ci-dessous), les trois journées portant sur le devenir des cimetières en Normandie, et ailleurs qui, à l’initiative de l’Association des Maires de la Manche, ont donné lieu à des échanges très ouverts entre chercheurs, experts, élus et responsables associatifs locaux sur des questions peu souvent abordées, mais passionnantes.

Des humanités numériques littéraires ?
Colloque Humanités numériques littéraires
François Bon à la Médiathèque de St-Lô
Jacques Prévert, détonations poétiques
Colloque Prévert
Participants autour de la statue à Omonville-la-Petite

Que vont devenir les cimetières en Normandie, et ailleurs ?
Colloque Cimetières
Visite du cimetière d'Avranches
Colloque Cimetières
Table ronde avec avec des maires de Normandie

Soulignons encore trois inédites explorations du Mont Saint-Michel : deux visites de l’abbaye proprement dite guidées par des conférenciers de haut vol à l’intention des participants des colloques parallèles Handke / Kitsch et de ceux de La Mésologie ; la troisième étant une promenade dans la baie, laquelle, de l’avis de tous, a constitué un moment central et inspirant de la rencontre Villes et territoires résilients.
Colloque Villes et territoires résilients
Villes et territoires résilients

Enfin, les diverses générations de la famille, qui met les lieux à disposition de l'Association, se sont retrouvées le 16 septembre, à l’occasion des journées du patrimoine, pour accueillir quelque 130 visiteurs. Après une projection du documentaire « Cerisy, à l’écoute des rumeurs du monde », ceux-ci, accompagnés par la plus jeune génération, ont parcouru un chemin les conduisant d’un lieu à l'autre du site (extérieurs, intérieurs, parc, jardin) où, à chaque fois, des membres de la famille leur faisaient partager leurs connaissances et répondaient aux questions posées. Ils ont ainsi disposé du temps nécessaire pour découvrir, d’une part, l’histoire et l’architecture de ce château protestant du XVIIe siècle, et, d’autre part, l’aventure culturelle qui s’y poursuit depuis 1952 : à savoir les colloques de Cerisy qui prolongent en Normandie les décades de Pontigny initiées dès 1910 en Bourgogne.
Photo Famille 2017
4e et 5e générations de la famille Peyrou-Bas

Une saison 2017 riche et enrichissante donc, grâce à toutes celles et à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, y ont apporté leur concours : la précieuse équipe de Cerisy qui fait en sorte que le Château puisse, chaque année, jouer pleinement son rôle d’hospitalité, de rencontres et de libre pensée, et VOUS TOUS qui contribuez, en participant aux rencontres et en faisant connaître autour de vous ce lieu, à en maintenir la vitalité.

Edith HEURGON
Directrice du CCIC

ENTRETIENS RÉALISÉS PAR LAURENCE DECRÉAU

Wolfgang ASHOLT
Wolfgang ASHOLT

Professeur de littérature française à l’Université Humboldt de Berlin, Wolfgang Asholt est membre du Conseil d’administration de Cerisy depuis 2013.
Il a codirigé, entre autres colloques : Paris-Berlin-Moscou, regards croisés (1918-1939), Exils en France au XXe siècleAssia Djebar, littérature et transmission,
Kafka après "son" siècle et Europe en mouvement : lieux, passages. Il est intervenu cet été à Cerisy dans le cadre du colloque Peter Handke : analyse du temps.

Pourquoi un Allemand décide-t-il d’intégrer le conseil d’administration d’un Centre culturel français comme Cerisy ?
Pour un Allemand, intégrer le Conseil de Cerisy est une façon d’œuvrer à cette compréhension mutuelle si nécessaire au développement de l’Europe. À Pontigny déjà, Paul Desjardins invitait aux Décades des personnalités comme Ernst Robert Curtius, Heinrich Mann, Walter Benjamin. La coopération entre institutions et personnalités françaises et allemandes (sans exclusion, naturellement, des autres pays européens) est plus que jamais d’actualité. Car si nous croyons nous connaître grâce à une Europe unifiée et institutionnalisée, il n’est pas de vraie connaissance mutuelle sans « regards croisés » (sous-titre de « Paris-Berlin-Moscou »). Cerisy est un lieu idéal pour cela, d’où ma présence au Conseil d’administration.

Quelle est l’image de Cerisy chez les intellectuels allemands ?
Pour nombre de chercheurs et intellectuels germanophones, Cerisy est un endroit mythique. Certes, il existe en Allemagne de beaux lieux dédiés à des colloques ou rencontres — châteaux ou abbayes gérés par des fondations. Mais le modèle cerisyen a quelque chose d’unique qui à la fois surprend et enthousiasme. Y contribuent la longue durée des rencontres, qui confère aux échanges une intensité et une profondeur inconnues de l’autre côté du Rhin ; l’immense variété des sujets ; enfin, la présence d’une tradition séculaire, qui tout à la fois impressionne et inspire.

Le colloque « L’Europe en mouvement », que vous avez codirigé en 2015, posait les jalons d’une série de rencontres alternées « Cerisy-Berlin », dédiée au dialogue franco-allemand. Quelles seront les suites de cette aventure ?
« Cerisy-Berlin » (2014 à Berlin ; 2015 à Cerisy) a été conçu par Edith Heurgon et l’équipe coordinatrice (Mireille Calle-Gruber, Patricia Oster-Stierle et moi-même) comme un prologue à d’autres colloques franco-allemands. Ce projet de coopération dans la durée a trouvé un premier prolongement cet été avec le colloque consacré (en sa présence) à Peter Handke, un des écrivains majeurs de langue allemande, qui vit en France depuis longtemps. Suivra, en 2018, un colloque sur « Goethe : l’actualité d’un inactuel », puis, en 2019, deux colloques : l’un consacré à l’écrivain, metteur en scène Alexander Kluge (avec sa participation), l’autre à l’archéologue des media Friedrich Kittler.
Chaque colloque suscitant de nouvelles initiatives par les rencontres franco-allemandes qu’il permet au château, on peut légitimement espérer que le projet « Cerisy-Berlin » tiendra ses promesses !

Avec le « couple » Merkel – Macron, le projet européen trouve un second souffle... Quel rôle pourrait jouer Cerisy, selon vous, dans ce nouveau départ ? Avec quels partenaires allemands ?
Cerisy peut aspirer à devenir un modèle pour les discussions transnationales : le lieu s’y prête, par la concentration qu’il favorise. Mais surtout, Cerisy donne d’ores et déjà l’exemple d’une coopération de longue haleine, en dépit des difficultés. À l’époque de Pontigny, Paul Desjardins a poursuivi les décades allemandes pendant l’entre-deux-guerres malgré les incertitudes du contexte international ; dès les années 1950, sa fille Anne Heurgon a eu le courage de recommencer cette coopération à Cerisy. C’est souvent cette longue durée qui manque aux « seconds » souffles - pensons aux « couples » de présidents/chanceliers franco-allemands. Comme l'écrivait Hermann Hesse : « À chaque début est inhérent un charme » : il faut savoir en profiter.
Quant aux partenaires outre-Rhin, si Cerisy n’a pas d’alter ego en Allemagne, deux institutions se prêteraient à une telle coopération : le Centre Marc Bloch, à Berlin, et la Fondation Genshagen, dédiée à la coopération culturelle franco-allemande. Sans oublier les partenaires berlinois de « Cerisy-Berlin », les romanistes des universités FU et HU de Berlin et le ZfL (Centre de recherches culturelles et littéraires). L’exceptionnalité de Cerisy représente un grand attrait pour les partenaires allemands...

Patricia OSTER-STIERLE
Patricia OSTER-STIERLE

Spécialiste de littérature comparée – française, italienne, allemande —, Patricia Oster-Stierle occupe la chaire de Littérature française à l’Université de la Sarre (Sarrebruck). Elle est également présidente de l’Université franco-allemande créée il y a vingt ans (6500 étudiants). Cet été, elle codirigeait avec Mireille Calle-Gruber et Ingrid Holtey le colloque de Cerisy consacré à Peter Handke.


Il semble que la littérature comparée vous ait amenée à l’Europe...
J’ai beaucoup travaillé sur le poète Yves Bonnefoy — dont j’ai traduit en allemand les textes en prose sur l’Art. Je faisais partie du cercle qui l’entourait au Collège de France : le philologue italien Carlo Ossola, le médiéviste Michel Zink, l’historien suisse des idées Jean Starobinski, la traductrice de Dante Jacqueline Risset... Je les ai invités à Sarrebruck pour le premier colloque extra muros du collège de France en Allemagne sur la poésie. C’était un groupe européen, déjà ! Nous parlions tous français...

Les jeunes Allemands partagent-ils votre enthousiasme pour l’Europe ?
L’histoire de notre pays nous a vite fait comprendre qu’il n’y avait aucune issue dans le nationalisme. Après le nazisme, ma génération avait souvent du mal à voir flotter un drapeau allemand. C’est pour nous un bonheur de pouvoir être européens — nos jeunes se sentent d’ailleurs souvent plus européens qu’allemands. Un exemple parmi d’autres : on voit fréquemment de jeunes Allemands se retrouver sur les places de marché pour s’exprimer en public sur leur expérience européenne. Ce mouvement s’appelle « Pulse of Europe ».
Mais cette médaille a un revers, que j’observe en particulier à l’Université franco-allemande où l’Europe se vit au quotidien. Notre université propose des doubles diplômes franco-allemands : les étudiants passent la moitié de leur cursus en France  et l'autre moitié en Allemagne (nous avons des accords avec 186 universités, Fachhochschulen, et grandes écoles comme HEC, l’ENA, Polytechnique...). D’où une expérience interculturelle remarquable et la constitution d’un vaste réseau franco-allemand que nos étudiants gardent pour la vie. Mais ils se sentent si européens qu’ils considèrent l’Europe comme un acquis, une évidence... Ce qui est loin d'être le cas.

Comment vous êtes-vous retrouvée à Cerisy ? Qu’apporte ce lieu à l’Européenne convaincue que vous êtes ?
En Allemagne, Cerisy est réputé comme un haut lieu intellectuel et franco-allemand — en raison notamment de l’histoire de Pontigny. Quand Wolfgang Asholt m’a proposé de participer au projet d'échanges alternés « Berlin à Cerisy, Cerisy à Berlin » et de co-diriger le colloque Europe en mouvement : lieux, passages, j’y ai vu une belle occasion de renouer avec cette tradition pontignacienne. Il semble si naturel que la France et l’Allemagne, ennemis d’hier réconciliés, donnent l’exemple en œuvrant ensemble pour créer l’Europe ! Pour ce colloque (le premier était à Berlin en juin 2014), que nous voulions très transversal, nous avions convié une vingtaine de doctorants de l’Université franco-allemande de toutes disciplines. Le colloque Peter Handke de cette année, quant à lui purement littéraire, n’en incarnait pas moins très fortement le « franco-allemand » tel que nous l’entendons : si Handke est un auteur majeur de la littérature de langue allemande, il a choisi de vivre en France... Lors de ce colloque, nous avons parlé essentiellement en français, très rarement en allemand. Mais jamais en anglais : il est essentiel de ne pas renoncer à nos langues !
Cerisy nous apporte l’exigence d’une haute tradition, présente dès l’entrée dans le hall avec la galerie de photos sur les murs. On s’inscrit d’emblée dans une longue histoire intellectuelle, ce qui confère aux rencontres une tonalité faite d’intensité et de respect. Mais l’atmosphère particulière qui règne en ce lieu, mélange de concentration et d’amitié, a aussi l’immense mérite de mettre en confiance. Peut-on rêver mieux pour tisser des liens entre les intellectuels de nos deux pays ?

Henning MARMULLA
Henning MARMULLA

Henning Marmulla, 40 ans, est directeur-adjoint et représentant du Goethe Institut à l’Institut Pierre Werner, à Luxembourg. Il participait cet été au colloque consacré à Peter Handke
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D’où vient votre francophilie ?
Mon attirance pour la France remonte à mes années de collège. Sans doute le Traité de l’Élysée n’y est-il pas pour rien : dans le cadre des échanges franco-allemands, j’ai séjourné à Perros-Guirec en 1991, et mon correspondant français est venu quelques mois plus tard dans ma famille, à Bielefeld (Rhénanie du Nord — Westphalie). À l’époque, j’ai été très frappé par le mélange de proximité et d’altérité entre nos deux cultures — une altérité tenant à mille petits riens, comme la façon de mettre la table... Ce type d’expérience, quand on est jeune et flexible, permet de comprendre que la « différence » n’a rien à voir avec la « hiérarchie ». Plus tard, lors de mes études en Germanistik et histoire, j’ai rencontré beaucoup de Français par le truchement de mes amis spécialisés en littérature franco-allemande. Mais c’est à Flaubert, Sartre et Camus que je dois ma vraie découverte de la littérature française.

L’Institut Pierre Werner, dont vous êtes directeur-adjoint, favorise les échanges culturels franco-allemands... à Luxembourg !
Oui, c’est une très longue histoire, qui ne manque pas de points communs avec celle de Pontigny-Cerisy. En 1921, un riche industriel luxembourgeois, Emile Mayrisch, fondateur de l’Entente Internationale de l’Acier, et son épouse Aline (habituée de Pontigny), créent à Colpach un salon ouvert aux intellectuel(le)s de France et d’Allemagne partageant le désir de trouver un chemin vers une Europe unie. Gide, Schlumberger, Curtius, Jaspers comptent parmi ses habitués... L’aventure s’arrête en 1928. L’idée de la poursuivre s’est imposée bien plus tard, après le décès de Pierre Werner, un grand visionnaire de l’Europe qui fut premier ministre à Luxembourg pendant vingt ans. C’est ainsi que l’Institut Pierre Werner a vu le jour en 2003, à l’initiative des gouvernements allemand, français et luxembourgeois. Sa vocation : dans « l’esprit de Colpach », mettre en contact des intellectuels français et allemands à Luxembourg. Nous avons par exemple organisé des rencontres entre Plantu et Klaus Stuttmann, Didier Eribon et Heinz Bude, Jean-Marc Ayrault et Sigmar Gabriel, Mathias Enard et Navid Kermani...

Vous découvrez Cerisy pour le première fois... Vous y sentez-vous en terrain familier ?
À l’Institut Werner, nous accueillons une grande diversité d’intellectuels français, allemands et luxembourgeois — des universitaires bien sûr, mais aussi des écrivains, des journalistes, des artistes, des politiques. Et nous privilégions le dialogue entre nos trois pays, dans une perspective européenne. Autant dire que je ne me sens pas dépaysé dans ce colloque « Peter Handke » ! Mais, à la différence de Cerisy, les rencontres que nous organisons à l’Institut — débats, conférences, projections — ne durent qu’une soirée. Chez vous, je découvre avec émerveillement les vertus de la longue durée. En une semaine, non seulement on a tout le loisir d’approfondir les discussions, mais il se noue des vrais liens d’amitiés. C’est quelque chose de totalement exceptionnel ! L’Institut Pierre Werner et Cerisy ont vocation à se retrouver, j’en suis convaincu, et le projet cerisyen sur l’Europe pourrait bien être l’occasion idéale.


Hannah STEURER
Hannah STEURER

Hannah Steurer, 30 ans, est assistante de Patricia Oster-Stierle, à l’Université de Sarrebrück. Si l’enseignement de la littérature est pour elle une vocation, sa spécialisation en français doit beaucoup à la situation frontalière de Sarrebrück, qui l’a accoutumée dès l’enfance à de fréquentes incursions de l’autre côté de la frontière. Le dynamisme culturel du département de français de son Université a achevé de la décider à opter pour la langue de Voltaire plutôt que pour celle de Goethe...

Comment les jeunes Allemands perçoivent-ils l’Europe ?
Les étudiants allemands se sentent très fortement concernés par l’Europe. À preuve, la filière « Communications interculturelles » est une de celles qui attirent le plus de monde. Sans doute cet intérêt tient-il en grande partie au fait que nous sentons l’Europe en danger — avec le Brexit, bien sûr, mais aussi l’afflux massif de réfugiés, particulièrement sensible en Allemagne. C’est à tous les pays d’Europe qu’incombe le devoir d’y faire face.

Vous connaissiez déjà Cerisy, avant de venir au colloque « Peter Handke »...
Chez les intellectuels allemands francophiles, le nom de Cerisy est auréolé de prestige. Les actes des grands colloques littéraires, notamment sur le Nouveau Roman, sont des classiques incontournables pour l’étudiant en littérature française. D’où ma fierté de faire partie de l’école doctorale invitée ici il y a deux ans, à l’occasion du colloque « Europe en mouvement ». Ma communication portait sur Michèle Metail, auteure française qui a passé une année en résidence à Berlin et en a tiré un livre, Toponyme Berlin. Le colloque de 2015 était un grand colloque — notamment en raison de son extrême interdisciplinarité, qui embrassait très large. Le principe est excellent, même s’il n’était pas toujours facile de suivre ce qui ne relevait pas de notre spécialité.

Deux ans plus tard, retrouvez-vous le même Cerisy ?
Oui et non ! Je retrouve avec grand plaisir les rituels cerisyens, comme celui de la cloche. Mais l’atmosphère est différente. D’abord, la présence de deux colloques en parallèle apporte beaucoup, et les deux matchs de foot « Handke » contre « Kitsch » ont vite fait tomber les barrières. Ensuite, si la durée est inchangée — une semaine — le colloque Handke me donne beaucoup plus l’impression d’une communauté soudée. En l’absence d’école doctorale, tout le monde est sur le même pied. Et il y a très peu de turn-over : les gens restent toute la semaine ! S’il est une spécificité cerisyenne à préserver absolument, c’est bien ce temps long — longue durée des présentations et des discussions, longue durée des séjours. Loger ensemble, prendre les repas ensemble, permet de développer les idées en profondeur. Et d’échapper à la pression du monde professionnel : on ne vient pas à Cerisy pour faire carrière, mais pour se rencontrer et réfléchir ensemble...

PUBLICATIONS

Que vont devenir les églises normandes ? Que vont devenir les églises normandes?
Sauvegarde et valorisation du patrimoine architectural de Normandie
Direction: Pierre Bouet
Éditeur:
Éditions Charles Corlet — 2017
ISBN: 978-2-84706665-4

Les églises normandes constituent un exceptionnel trésor architectural, qui ne cesse d’attirer de plus en plus de visiteurs et de touristes. Par-delà leur fonction religieuse, qui fut leur raison d’être, ces églises demeurent aujourd’hui encore des marqueurs symboliques de nos paysages, auxquels sont profondément attachés les habitants de nos villages et de nos villes, qu’ils soient croyants ou non. Mais certaines églises restent fermées ou ne servent qu’épisodiquement à accueillir des fidèles. Il était donc urgent de faire le bilan de l’état actuel de ces monuments, qui exigent un entretien sans cesse plus coûteux, et surtout d’envisager leur devenir. Pour répondre à ces attentes, différents acteurs de départements normands (représentants de l’Église, de l’État, des collectivités territoriales, de diverses associations, et même de simples citoyens) se sont réunis à Cerisy, en vue d’imaginer des solutions audacieuses pour assurer la valorisation de ce patrimoine matériel et immatériel.
Le présent ouvrage reprend les points forts des sujets abordés : l’examen de la loi de 1905 et de sa jurisprudence, les règles propres à l’Église catholique, l’étude des évolutions de la société civile et de l’Église. Après avoir fait le point sur la situation actuelle des église, ce livre envisage les différentes solutions susceptibles d’assurer la valorisation de notre patrimoine. Le lecteur retrouvera dans ce texte abondamment illustré, les expériences en cours et les projets à venir, en évoquant la situation des églises dans les pays étrangers, notamment en Angleterre et au Canada.
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R
É
C
E
N
T
E
S
Ecologie politique de l'eau Écologie politique de l'eau
Rationalités, usages et imaginaires
Direction: Jean-Philippe Pierron, avec la collaboration de Claire Harpet
Éditeur:
Hermann Éditeurs — 2017
Collection: Colloque de Cerisy
ISBN: 978-2-7056-9414-2

Comprise par la science, maîtrisée par la technique, l’eau serait "conquise". Cette conquête questionne, à l’heure de la transition écologique, le dialogue des rationalités et des représentations de l’eau entre sciences des ingénieurs et sciences humaines. Elle interroge les usages qui, de la rareté dans le stress hydrique jusqu’à la profusion, retrouvent l’eau comme milieu exigeant responsabilité et soin. Elle mobilise les imaginaires des cultures de l’eau qui, singulièrement, déploient le cadre herméneutique sur le fond duquel les hommes nouent une entente avec la Terre, planète bleue.
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La narrativité La narrativité
Racines, enjeux et ouvertures
Direction: Chantal Clouard, Bernard Golse, Alain Vanier
Éditeur:
Éditions In Press — Octobre 2017
Collection: Ouvertures psy
ISBN: 978-2-84835-441-5

La narrativité est aujourd’hui un concept en plein essor notamment dans le champ de la psychopathologie. Ses racines épistémologiques sont abondantes : philosophiques, avec Ricœur et la proposition selon laquelle l’identité de l’être humain serait fondamentalement une « identité narrative » ; littéraires et linguistiques où se profile, par l’énonciation du récit et sa stylistique, une vision du monde que l’individu se fait de lui-même et de son environnement ; psychanalytiques, renvoyant à la narration onirique et aux processus de liaison ; développementales avec les processus de subjectivation. Cet ouvrage envisage les nombreux domaines qui peuvent être concernés par le concept de narrativité (littérature, cinéma, arts plastiques et musique, mais aussi mathématiques et physiques) et ouvre des perspectives nouvelles dans le domaine de la psychopathologie et de la psychanalyse.
En savoir plus
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Bébé sapiens Bébé sapiens
Du développement épigénétique aux mutations dans la fabrique des bébés
Direction: Drina Candilis-Huisman, Michel Dugnat
Éditeur:
Éditions érès — Octobre 2017
Collection: Questions d'enfances
ISBN: 978-2-74925-611-5

Une multiplicité de points de vue rassemblés pour faire comprendre l’importance de l’enjeu de la bientraitance du bébé — promesse des temps à venir — et de ses parents. Issu d’un colloque de Cerisy, cet ouvrage aborde la question du désir d’enfant, de la grossesse, de la naissance et du post-partum sous des angles variés. Disciplines universitaires (histoire, sociologie, ethnologie...), spécialités médicales, (gynécologie obstétrique, médecine néo-natale, psychiatrie...), et professions du soin s’entrecroisent pour esquisser un panorama de l’actualité du « bébé sapiens », dans l’objectif de mieux s’en occuper et de lui construire une place de choix dans notre société en transformation.
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NB: Vous pouvez accéder à l'ensemble des publications du CCIC ainsi qu'à une liste plus complète des prochaines parutions à la rubrique "Publications" de notre site internet.
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CONFÉRENCES EN LIGNE

Les enregistrements audio ou vidéo de certaines conférences, choisies pendant les colloques, sont mis en ligne sur la Forge Numérique de la MRSH de l'Université de Caen Normandie ainsi que sur le site France Culture.
Forge Numérique
France Culture
Yann CALBÉRAC, Olivier LAZZAROTTI, Jacques LÉVY & Michel LUSSAULT: Introduction
[Colloque "Carte d’identités. L’espace au singulier"]
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Sylvain KAHN: UE: quand les Européens inventent un régime singulier de territorialité
[Colloque "Carte d’identités. L’espace au singulier"]
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Pénéloppe LAURENT: Drôles de crimes en Amérique latine
[Colloque "Spectres de Poe dans la littérature et les arts"]
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Pascale DEVETTE: La condition humaine comme travail de perception
[Colloque "Simone Weil, réception et transposition"]
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Francis MARCOIN: Prévert, crosse en l’air, cross over
[Colloque "Jacques Prévert, détonations poétiques"]
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Dimitri WEYL: L'analyse filmique: une histoire de rencontre entre le regard analytique et l'art cinématographique
[Colloque "Psychanalyse et cinéma : du visible et du dicible"]
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Christian LUCKSCHEITER: La temporalité du détail apaisant
[Colloque "Peter Handke : analyse du temps"]
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Christophe GENIN: Le devenir kitsch: un modèle global pour nos sociétés?
[Colloque "Le kitsch : définitions, poétiques, valeurs"]
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Ludovic DUHEM: Devenir cyborg? Mésologie et transhumanisme
[Colloque "La mésologie, un autre paradigme pour l'anthropocène ? (autour d'Augustin Berque)"]
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François MICHAUD-NÉRARD: Révolution de la mort, révolution des cimetières?
[Colloque "Que vont devenir les cimetières en Normandie, et ailleurs ?"]
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Ferhat TAYLAN: "Milieux communs". La stratégie d’inséparabilité des collectifs humains et des milieux naturels – le cas de la rivière Whanganui
[Colloque "L'alternative du commun"]
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Eric RIGAUD: La résilience à l'échelle sociotechnique
[Colloque "Villes et territoires résilients"]
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Samuel RUFAT: Résilience ou extinction... de la critique?
[Colloque "Villes et territoires résilients"]
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